Musique : le cri d’alarme de la Sacem pour soutenir la scène française

A l’occasion de ses Grands Prix 2020, dont le Parisien dévoile le palmarès en exclusivité, la Société des auteurs organise une journée de solidarité ce lundi. Son directeur général, Jean-Noël Tronc, lance un appel pour venir en aide à la filière musicale.

 « Sans aides, il faudra à la musique française une ou deux générations pour s’en remettre », alerte Jean-Noël Tronc, directeur général de la Sacem (ici en 2018).
« Sans aides, il faudra à la musique française une ou deux générations pour s’en remettre », alerte Jean-Noël Tronc, directeur général de la Sacem (ici en 2018). PhotoPQR/« La Provence »/Serge Mercier/Maxppp

    A crise exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Contrairement à la tradition, il n'y aura pas de cérémonie de remise des Grands Prix Sacem 2020 à la salle Pleyel à Paris (VIIIe), ce lundi. A la place, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (chargée de collecter et de redistribuer les droits des artistes) organise une grande journée de soutien à la scène française, à l'arrêt presque complet depuis neuf mois à cause de la crise sanitaire.

    Les lauréats recevront leur prix à travers une Web-série diffusée sur les sites et réseaux sociaux de la Sacem, Radio France et Public Sénat. D'autres artistes sociétaires de la Sacem, qui en compte 176 000, afficheront leur soutien en vidéo. « Nous n'avons pas annulé la cérémonie pour des raisons sanitaires, mais pour des raisons d'économies tellement la crise qui nous frappe est violente et la situation catastrophique », déplore Jean-Noël Tronc, directeur général de la Sacem, chiffres à l'appui.

    30 millions d'euros pour payer les pots cassés

    La société va enregistrer une perte d'exploitation de 30 % en 2020, l'équivalent de 280 millions d'euros. Selon une étude d'EY pour l'association Tous pour la musique (TPLM), qui fédère les professions du secteur, la filière musicale connaîtra une diminution d'activité de 48 % par rapport à 2019, soit 5 milliards d'euros de pertes. Autant d'indicateurs sombres qui poussent le dirigeant à tirer la sonnette d'alarme auprès des autorités. « La Sacem est une société privée à but non lucratif et d'intérêt général qui est la propriété de ses membres, précise son gérant. Elle n'a jamais reçu un euro d'argent public et n'est pas éligible aux dispositifs d'aide de l'Etat, comme le crédit d'impôts. C'est anormal alors qu'on est la première société privée de musique en France. Les auteurs, compositeurs et éditeurs constituent le premier maillon de la création mais le dernier dans la rémunération. Nous devons être prioritaires. »

    Pour aider ses membres à traverser la tempête, la Sacem va demander au ministère de la Culture une enveloppe de 30 millions d'euros sur les 170 millions d'euros de budget prévisionnel du nouveau Centre national de la musique. « Et ce afin de compenser les pertes de revenus des auteurs-compositeurs et les pertes d'exploitation des éditeurs », justifie Jean-Noël Tronc, à l'origine aussi du lancement d'une campagne #scenefrançaise sur les réseaux sociaux.

    Plus de musiques françaises sur les ondes

    Son deuxième appel à l'aide s'adresse aux radios, pour les inciter à diffuser plus de musique française et francophone. « Ça ne coûtera pas un euro de plus aux stations ni aux contribuables car les contrats de droits d'auteur leur permettent de diffuser autant de musique qu'elles veulent. On en redistribuera moins aux productions étrangères. L'enjeu, ce sont des millions d'euros en plus. C'est gratuit, pourquoi s'en priver ? »

    Le directeur général de la Sacem s'inquiète pour l'avenir d'un secteur musical générant 250 000 emplois. « Sans aides, la casse pour la musique française sera irréparable. Il faudra une ou deux générations pour s'en remettre. Alors que jamais la scène française n'a été aussi diverse, créative et rayonnante dans le monde. »

    Il en veut pour preuve le palmarès 2020 des Grands Prix. Oumou Sangaré, NTM, Rone, Philippe Katerine ou Aya Nakamura sont notamment à l'honneur. « C'est bien que les compositeurs, auteurs et éditeurs se soient associés pour se protéger et faire preuve de solidarité. Surtout en ce moment, où le monde du spectacle et les gens de l'ombre sont particulièrement touchés économiquement », se désole Maxime Le Forestier, 71 ans, qui recevra le Prix spécial.

    Claire Pommet alias Pomme, 24 ans, décroche celui de la révélation. « Je ne fais pas de la musique pour avoir des prix, mais celui-là est une reconnaissance professionnelle de mon travail, moi qui suis signataire de la Sacem depuis mes 13 ans, précise-t-elle. Cela a été un combat pour moi d'écrire et composer mes propres chansons. » Un combat peut en cacher un autre.

    PALMARÈS DES GRANDS PRIX SACEM 2020