Confinement : rediffusion de matchs, films et émissions vintage… la télé en mode nostalgie

En cette période de confinement et faute d’émissions nouvelles, les écrans puisent largement dans leurs archives. Pour le plus grand bonheur des téléspectateurs.

 Les plus jeunes peuvent découvrir Nounours, Nicolas et Pimprenelle, les héros de « Bonne nuit les petits », sur la chaîne YouTube INA Kids.
Les plus jeunes peuvent découvrir Nounours, Nicolas et Pimprenelle, les héros de « Bonne nuit les petits », sur la chaîne YouTube INA Kids. D.LAYDU

    Ça a commencé avec Louis de Funès. La petite madeleine de « La Grande vadrouille », « Rabbi Jacob » ou « Le Corniaud » trempée dans le thé des débuts d'après-midi de France 2, qui a lancé son rendez-vous quotidien de films « patrimoniaux » à 14 heures dès le premier week-end du confinement.

    Ça a continué avec un France-Brésil 1986 sur la chaîne L'Equipe dont on s'est surpris à suivre la prolongation et les pénaltys, même si l'on connaissait l'épilogue. Mais « La Grande vadrouille » aussi. Les jours passant devant nos écrans – l'ordi pour travailler, l'ordi pour les conférences Skype, l'ordi pour une série, l'ordi pour la vie – les symptômes persistaient et se renforçaient, de jour 28 en jour 45. On se laissait aller doucement vers un bain d'images, bien chaud, ne manquait que l'Obao pendant les pages de pub.

    Quand l'Ina a lancé sa nouvelle chaîne YouTube Ina Kids avec les dessins animés de notre enfance et qu'on a vu sur leur page d'accueil Nicolas et Pimprenelle de « Bonne nuit les petits », on a souri. Comme si l'on allait nous chanter personnellement la berceuse du générique, avant d'aller se coucher.

    Se remémorer à travers la télé

    Ce voyage dans le passé nous plaisait de plus en plus, à mesure – quelle démesure – que l'on voguait vers le jour 50. Quand on est confiné, on réfléchit. Réfléchir, un grand mot quand on devient marteau du canapé à la chambre à coucher, de la visioconférence de madame – ou monsieur – au cours d'anglais en ligne de l'ado, dont les bruits simultanés traversent les portes. Nos proches sont nos nouveaux voisins de bureau, on ne comprend pas tout de ce printemps fou. Vite, remettons le casque à voyager dans le temps.

    Lino Ventura, Bernard Blier, Francis Blanche et Robert Dalban dans les « Tontons flingueurs »./Gaumont
    Lino Ventura, Bernard Blier, Francis Blanche et Robert Dalban dans les « Tontons flingueurs »./Gaumont D.LAYDU

    Les symptômes devenaient bizarres : on réclamait même « l'Heure de vérité ». On voulait entendre le générique de McCartney et ses Wings qui allait avec, (re) voir Georges Marchais lancer « Taisez-vous, Elkabbach ! », et vérifier qu'Alain Duhamel était bien déjà sur le plateau. C'est grave docteur ? Mais on ne va plus chez le docteur, c'est réservé aux cas bien plus graves.

    Nous, c'est pas grave. C'est même très doux. Comme un doudou. On nous a dit que la Star Ac 1 revenait sur YouTube. Immédiatement, on s'est demandé ce que l'on faisait cette année-là. C'était juste avant ou après le mariage, le divorce, la naissance du premier, le changement de job, cochez la bonne case ?

    Se remémorer à travers la télé. Il faudrait chercher sur Deezer le tube de Claude François : « Cette année-là, on s'en souvient/Alors, on y retourne tous ensemble/Cette année-là, on s'en souvient/Alors on y retourne tous ensemble ». Confinés mais tous ensemble devant l'écran, à distance sociale d'un palier ou pâté de maisons.

    Même les réseaux sociaux remontent le temps

    On se fait de nouveaux amis virtuels en regardant ces programmes hors d'âge, qui ont souvent le nôtre. Sur Twitter ou Facebook, untel raconte qu'il était tout gosse, mais qu'il n'oubliera jamais ce but de Bergkamp, le Hollandais volant.

    Même les réseaux sociaux remontent le temps avec des vidéos des années 1990. D'ici le jour 60, on va nager toujours plus profondément dans les décennies et le passé antérieurs, en plein bonheur. Une régression, une passion, une consolation ? Pas le temps d'analyser. Le film de la Deux va commencer. « Le Bossu », un classique de cape et d'épée. On n'en avait pas vu depuis si longtemps. Nos westerns à nous, ces chevauchées, ces duels, ces coups d'épée dans l'ennui qui meublaient les après-midi d'avant, avant d'être grand.

    Ils sont malins, à France 2 : ils ont mis la version en couleurs de 1996 avec Daniel Auteuil, pas celle de 1959 avec Jean Marais. On ne le voit pas tellement, Jean Marais, depuis le confinement. Parce que le passé, parfois, est quand même passé de mode sinon dépassé. Pour le noir et blanc, le seul qui n'a pas perdu ses couleurs, c'est « Les Tontons flingueurs ». Parce que là, c'est du brutal.

    Le sport, aussi, rejoue le match

    Stade Sanchez Pizjuán (Séville), le 8 juillet 1982. Michel Platini (à droite) face aux Allemands Bernd Foerster (à gauche) et Wolfgang Dremmler./EFE
    Stade Sanchez Pizjuán (Séville), le 8 juillet 1982. Michel Platini (à droite) face aux Allemands Bernd Foerster (à gauche) et Wolfgang Dremmler./EFE D.LAYDU

    À l'époque du téléviseur unique et des cassettes VHS, il fallait une force de persuasion tenace pour expliquer qu'un match de foot ne pouvait se vivre qu'en direct et que le magnétoscope était en revanche tout indiqué pour enregistrer la bluette d'Antenne 2. Le sport et son suspense incomparable dévoile par essence tout son sel dans la magie de l'instant. Celui du but décisif ou de la balle de match.

    L'émotion ne pouvait se conjuguer au passé. Le confinement a finalement bousculé cette idée reçue. Confrontées à la suspension généralisée des compétitions de sport, les télévisions n'ont pas eu à se creuser la cervelle pour occuper des antennes privées des heures de programme que constituent habituellement les directs de matchs. La chaîne L'Equipe qui avait déjà pris l'habitude de rediffuser avec bonheur des compétitions de pétanque a donc ressorti des placards les anciennes éditions du Tour de France ou les épopées des Bleus de 2018, 1986 ou 1982.

    Eurosport fait aussi la part belle à des courses cyclistes de légende ou des matchs de tennis inoubliables. Sur RMC Sports, BeIN ou le site de France TV, on peut passer des journées entières à revoir ou découvrir des concours d'équitation, des finales de rugby ou des combats mythiques de boxe.

    « Connaître le vainqueur de l'étape ne me dérange pas »

    « J'ai réentendu avec beaucoup d'émotion les commentaires de Thierry Roland, sourit Pierre qui portait encore des culottes courtes lorsque Michel Platini portait des chaussettes du même format. Il y a des matchs dont j'ai toujours entendu parler sans jamais les avoir vus en entier. C'est comme rouvrir un livre d'histoires qu'on nous racontait enfant ».

    Le confinement se prête d'ailleurs parfaitement aux longues après-midi émollientes devant les exploits d'un autre temps de Laurent Fignon ou Richard Virenque. La nostalgie donnant une patine inédite à une émotion intacte. « Connaître le vainqueur de l'étape ne me dérange pas du tout, explique Hervé, capable de regarder plusieurs heures de vélo chaque jour. J'analyse les stratégies a posteriori et je m'amuse des analyses foireuses des commentateurs. Et à la fin, je suis toujours aussi content lorsque c'est un Français qui gagne. »