Films patrimoniaux à la télévision : il n’y a pas que Bourvil et de Funès !

Les rediffusions à gros succès chagrinent le monde du cinéma, qui invite France Télévisions à privilégier la diversité de la production française.

 « La Grande Vadrouille », le 23 mars en début d'après-midi sur France 2, a rassemblé  plus de 5 millions de téléspectateurs.
« La Grande Vadrouille », le 23 mars en début d'après-midi sur France 2, a rassemblé plus de 5 millions de téléspectateurs. 1966 - StudioCanal - Les Films Corona/The Rank Organisation

    Trop c'est trop. Et ce n'est surtout pas assez. C'est le sens d'une lettre adressée à la direction de France Télévisions dans les colonnes du « Monde » par un collectif de réalisateurs, producteurs, distributeurs, directeurs de festivals ou patrons de cinémathèques. Tous les signataires sont chagrinés de constater qu'en cette période de confinement, la politique de longs-métrages patrimoniaux proposés à 14 heures par France 2 privilégie les multirediffusions à succès que sont les films de Gérard Oury, dont « La Grande Vadrouille » ou « Le Corniaud » avec Bourvil et de Funès, mais aussi ceux de Jean-Paul Rappeneau, Philippe de Broca et autres Georges Lautner.

    Bien sûr, disent les signataires, ces films sont « les garants d'une mémoire commune » et ont « vocation à être vus et revus ». Mais ne sont-ils pas l'arbre qui cache la forêt? Celle de la « diversité », fleuron de la fameuse exception culturelle liée à la richesse du cinéma français? Où sont les Chabrol, Pialat, Varda, Truffaut, Desplechin et même, pour élargir le cercle à l'étranger, les Almodovar, Leone, Fellini? Enfin, qu'en sera-t-il de l'après-confinement? Bref, on devine entre les lignes le double-fond du message. Pourquoi cette embellie patrimoniale ne serait-elle pas vouée à durer?

    « Alléger la noirceur de cette période »

    Elle durera au moins « jusqu'à la fin du mois d'août », confirme-t-on à France Télévisions, et cela dès le 11 mai en basculant sur France 3. Au début, cette politique de locomotives décidée « dès le début du confinement », reposait sur un « double défi » fédérateur, selon le groupe public. « Dans un moment où la télévision et l'ensemble des médias n'étaient pas porteurs de bonnes nouvelles, il fallait rassembler la famille autour de l'écran et rester sur le ton de la comédie pour alléger un peu la noirceur de cette période et la puissante inquiétude qu'elle dégageait les premiers jours. »

    Cette équation famille-sourire ne pouvait que porter ses fruits. « Nous ne sommes plus habitués à avoir autant de monde à cette heure-là devant l'écran. Entre 5 millions de personnes et 2 millions maintenant, c'est énorme ! C'est un vrai phénomène de société ! », se félicite la chaîne.

    Après le déconfinement, France 2 retrouvera ses émissions de l'après-midi. France 3, bercail d'une tradition plus cinéphile, était toute désignée pour prendre le relais et descendre en piqûres de rappel dans la mine d'or du cinéma français. « Casque d'or », « La Bête humaine », « La Grande Illusion », puis des Maigret prendront le relais. En tout cas, la comédie ne sera plus un cap. Oui, mais plus près de nous? Les Chabrol, les Pialat? « Chabrol, oui, ça peut en faire partie », glisse-t-on du côté de France Télévisions. Mais sans pousser trop loin ce qui est déjà, « un risque supplémentaire ». « En début d'après-midi, excepté quelques cinéphiles très exigeants, les gens ont plutôt envie d'un truc facile à regarder ».