Auchan, Carrefour, Casino… pourquoi ça tangue

Ces enseignes représentent, presque à elles seules, le récent désamour des Français pour l’hypermarché. Ce qui pèse sur leurs résultats.

 Auchan souffre depuis plusieurs mois de son modèle devenu vieillissant.
Auchan souffre depuis plusieurs mois de son modèle devenu vieillissant. Sipa/Gile Michel

    Auchan, Carrefour et Casino sont tous les trois en mauvaise passe. Tous souffrent d'une évolution des modes de consommation et de la perte d'appétit pour les hypermarchés très grand aux milliers de références. Et cela se ressent douloureusement sur les finances : les enseignes sont obligées de se séparer de magasins et de mettre de côté certaines activités. Pour mieux rebondir?

    Auchan, le modèle «hyper» en souffrant

    Fondée en 1961 par le nordiste Gérard Mulliez, l'enseigne Auchan est en perte de vitesse – elle est passée de 10,5 à 10,2 % de parts de marché en un an. En 2018, ses pertes ont dépassé 1,1 milliard d'euros. Et pour cause, si elle souffre, comme ses concurrents de la désaffection des consommateurs pour les hypermarchés, dans le groupe ch'ti, ce « format » représente 80 % de son chiffre d'affaires! Et les clients partis à la concurrence chez Grand Frais, Picard ou Lidl reviennent d'autant moins que les magasins Auchan sont souvent vieillissants.

    L'enseigne – qui compte plus de 70 000 salariés en France et est le premier employeur privé des Hauts-de-France – se réorganise partout : en mai, elle a décidé de se délester de ses 1 600 points de vente en Italie, mais aussi de mettre en vente 21 sites déficitaires dans l'Hexagone. Sa stratégie est considérée comme mouvante. Et la récente nomination de Jean-Denis Deweine, dans la maison depuis 33 ans, au poste de DG d'Auchan Retail France, ne convainc pas forcément : « À l'heure des grandes mues, saura-t-il bousculer la table? » interroge un consultant. Sollicitée, l'enseigne n'a pas souhaité réagir.

    Carrefour, en pleine mue

    Carrefour souffre de son modèle basé sur le modèle de l'« hypermarché » qui l'a un temps porté. /AFP/Pascal Guyot

    C'est une petite révolution interne qu'Alexandre Bompard, l'ancien patron de Fnac-Darty, a imposée au groupe Carrefour depuis son arrivée à la tête du groupe, mi-2017. Une révolution nécessaire, au vu des récents chiffres de l'enseigne qui fête cette année ses 60 ans – sa part de marché est passée de 20,3 à 20,1 % entre 2018 et 2019. L'an dernier, notamment, l'enseigne a décidé de fermer 243 magasins de proximité Dia – seuls 29 ont pu être revendus, un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) étant mis en branle pour quelque 2 100 salariés.

    « Le plan Carrefour 2022, lancé début 2018, génère mécaniquement une baisse des parts de marché, puisque nous réduisons la taille de nos magasins, mais cela nous permettra de mieux nous adapter aux attentes de nos clients à l'avenir », revendique le secrétaire général de Carrefour, Laurent Vallée, qui demande que l'enseigne soit jugée à l'issue de ce plan de cinq ans, et pas avant. Handicapé par des hypers qui pèsent parfois très lourd (certains font encore 15 000 m2 !), le 2e distributeur de France mise sur une stratégie « omnicanal » pour rebondir : avoir une offre à la fois en hypers, supers, mais aussi en magasins de proximité, drive et Internet.

    Autre axe, avec son programme « Act for food », le groupe ambitionne d'être le leader de la transition alimentaire pour tous : envolée du bio, emballages durables, gaspillage réduit, mais aussi qualité des marques propres et création d'une blockchain permettant la traçabilité des aliments (poulet dans un premier temps). « Avec Bompard, le groupe a une vraie vision et sa stratégie de digitalisation lui permet d'être prêt à affronter les défis de demain », juge Cédric Chereau, le fondateur d'UntieNots, une start-up qui propose des solutions de promotions personnalisées aux grandes enseignes.

    Casino, un groupe étranglé par la dette

    Casino pourrait trouver une porte de secours dans ses enseignes qui fonctionnent, comme Monoprix./AFP/Jacques Demarthon

    Le groupe Casino, 4e distributeur français, est en crise. En un an, sa part de marché est passée de 11,5 à 11,2 %. En février, l'enseigne a notamment annoncé avoir conclu la cession de 34 hypers, supers et autres Leader Price déficitaires à deux de ses rivaux, Leclerc et Lidl. « Ces cessions sont stratégiques pour baisser la part de nos hypers », se défend-on au sein du groupe stéphanois, où l'on souligne que « la hausse du snacking et de la restauration dans notre chiffre d'affaires n'est par ailleurs pas pris en compte par Kantar (NDLR : société d'étude spécialisée). »

    Certes. Mais le groupe coté en Bourse traîne aussi et surtout un autre boulet : l'énorme endettement – 2,9 milliards d'euros – de sa maison mère. En mai, Rallye a été placée sous procédure de sauvegarde judiciaire pour six mois, renouvelables deux fois. Une procédure inédite pour une entreprise de cette taille. Le groupe Casino, pourtant, ne manque pas d'atouts : si certains de ses Géant (ses hypers) sont vieillissants et désertés par les clients, si Casino a perdu la bataille du discount selon certains experts, la société garde un beau portefeuille.

    Ainsi la pépite Monoprix représente désormais 25 % du chiffre d'affaires du groupe en France. Franprix reste une enseigne de proximité très intéressante. Quant à Cdiscount, le site d'e-commerce arrive à la deuxième place derrière Amazon. Sans oublier les 170 Naturalia qui « marchent » très bien. Enfin, le groupe mise beaucoup sur l'e-commerce, comme en témoigne le récent partenariat entre Amazon et Monoprix. « Nous ambitionnons de tripler l'activité d'e-commerce alimentaire dans les 3 ans », souligne un porte-parole. Enfin, le groupe parie aussi sur la digitalisation des points de vente (appli Casino Max) et se diversifie dans de nouvelles activités (optique ou voyages chez Cdiscount par exemple).