Plongée dans les coulisses du Bon Coin

Il est le 6e site Internet le plus visité en France. D’un salarié, il est passé à 800 aujourd’hui. Et a dû déménager. Le Parisien vous emmène dans les coulisses du Bon Coin.

 Le Bon Coin s’étale sur une surface de 5 500 m2. 450 salariés y travaillent quotidiennement. En tout, Le Bon Coin a recruté 800 personnes.
Le Bon Coin s’étale sur une surface de 5 500 m2. 450 salariés y travaillent quotidiennement. En tout, Le Bon Coin a recruté 800 personnes. LP/Yann Foreix

    Une jeune femme en baskets blanches fait son entrée dans le hall en poussant un vélo orange. « Et toi, tu déménages dans quel open space ce matin ? », lui demande un jeune barbu devant les ascenseurs. Il est 9 heures au 85 rue du Faubourg-Saint-Martin (Paris Xe) dans le vaste immeuble du plus célèbre site de petites annonces français, Le Bon Coin. Les salariés commencent leur journée en montant et descendant les étages, un petit carton sous le bras. On se tutoie, on se fait la bise.

    Le site Internet au look vieillot, où l'on vend et l'on achète tout, de la petite cuillère au four à micro-ondes, a pris ses quartiers fin 2016 dans cet immense espace rénové de 5 500 m2, en plein cœur de Paris, et en a profité pour révolutionner les codes de la vie de bureau. « Les salariés n'ont plus de bureau fixe. Chacun déménage en fonction de l'équipe avec laquelle il travaille sur le moment. On s'adapte en permanence », explique Alexandre Collinet, le directeur général adjoint.

    Ainsi va la vie au Bon Coin, qui ne ressemble à nulle autre entreprise. Grande ruche moderne en mouvement permanent où s'activent au quotidien 450 salariés, la petite start-up créée en 2006 par deux personnes - dont le fondateur Olivier Aizac - a fait du chemin. Jamais les Norvégiens de Schibsted, à l'origine du concept, n'auraient imaginé que ce concept connaisse un tel essor en France. Elle ne cesse de diversifier ses activités.

    Le petit bateau devenu paquebot

    « Au départ, on était dix, serrés dans un local de 15 m2 à Levallois. Ce n'était pas rutilant », se remémore Antoine Jouteau, l'actuel PDG, jeune quadra à l'allure décontractée. Quelques années plus tard, la petite entreprise déménage dans de modestes bureaux dans le centre de Paris, rue du Louvre (IIe) avant de migrer une troisième, puis une quatrième fois.

    Antoine Jouteau, directeur général du Bon Coin, à gauche, et Alexandre Collinet, directeur général adjoint, à droite. LP/Yann Foreix
    Antoine Jouteau, directeur général du Bon Coin, à gauche, et Alexandre Collinet, directeur général adjoint, à droite. LP/Yann Foreix LP/Yann Foreix

    En douze ans, l'entreprise a changé quatre fois de locaux, suivant la même ascension que son chiffre d'affaires. Il faut dire que la PME est devenue un gros paquebot entrepreneurial qui ne cesse de grossir au fil des mois. « Je suis arrivée ici, j'étais toute seule, rappelle Olivia, directrice commerciale. Depuis, j'ai recruté une vingtaine de personnes. Tout l'enjeu, c'est désormais d'arriver à conserver une organisation souple et un esprit start-up, lié à l'économie collaborative », confie-t-elle.

    «L'aspect familial a disparu»

    Au Bon Coin, les salariés ne sont pas que des codeurs ou des développeurs informatiques. Sur les 200 nouveaux venus, l'entreprise a recruté de nombreux commerciaux qui sillonnent la capitale, juchés sur leurs vélos orange. La moyenne d'âge avoisine les 33 ans, les équipes sont mixtes, 55 % des salariés sont des femmes.

    Chaque mois, de petits nouveaux arrivent, d'autres décident aussi de quitter le navire. « J'ai choisi de venir travailler ici car je n'avais pas l'impression de travailler dans un bureau impersonnel de la Défense, raconte Amandine, jeune trentenaire. C'est toujours le cas. Mais l'ambiance change. C'est plus grand, il y a plus de monde. L'aspect familial a disparu. » « La petite boîte où tout le monde touche à tout, c'est fini, renchérit Olivia. Mais cela reste toujours très agréable de venir ici le matin », reconnaît-elle.

    L'entreprise figure depuis 2011 au classement mondial Great place to work - les entreprises où il fait bon travailler. Les locaux ferment à 21 heures tous les soirs, disposent de salles d'exposition, même d'un espace pour faire la sieste. « Mais il est interdit de passer la nuit sur place comme dans la Silicon Valley », glisse Alexandre Collinet, le directeur général adjoint. Un véritable enjeu managérial pour l'ancienne jeune pousse qui ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. A quand le prochain déménagement ? « Dans trois ans, certainement », confie-t-il, optimiste. Les locaux seront alors devenus trop petits.

    VISITE DES LOCAUX

    L'incubateur

    Dans les locaux, il y a des salariés du Bon Coin. Mais aussi ceux d’entreprises incubées au même endroit. LP/Yann Foreix
    Dans les locaux, il y a des salariés du Bon Coin. Mais aussi ceux d’entreprises incubées au même endroit. LP/Yann Foreix LP/Yann Foreix

    Il y a bien longtemps que l'offre du Bon Coin ne se limite plus à de simples objets vendus entre particuliers. Depuis quelques années, le site, qui a lui-même grandi dans l'esprit « start-up », rachète des PME, sert d'incubateur et épaule de jeunes pousses prometteuses. Au deuxième étage du bâtiment, on croise donc depuis peu les équipes de Solen et Lok-iz, deux petites entreprises du numérique spécialisées dans l'immobilier.

    L'endroit héberge aussi provisoirement les salariés de Box2Home, qui a développé son activité autour du transport d'objets volumineux. Outre son activité d'incubateur, Le Bon Coin a également récemment racheté des entreprises, comme Agriaffaires et Machinery Zone qui vendent des machines agricoles basées à Evry (Essonne) ou encore en 2017 la start-up Kudoz, surnommée le « Tinder des jeunes diplômés ».

    Une opération réussie puisque Le Bon Coin lance le 16 mai prochain « Le Bon Coin Emploi Cadres », une opération pour orchestrer sa propre arrivée sur ce marché rémunérateur. Dans le même quartier, rue des Vinaigriers (Paris Xe), Le Bon Coin a installé À vendre à louer, racheté en décembre dernier, qui appartenait auparavant au groupe SoLocal (ex-Pages jaunes). L'immobilier, encore et toujours.

    Les amphithéâtres

    « Louvre » est le nom de l’un des deux amphithéâtres. LP/Yann Foreix
    « Louvre » est le nom de l’un des deux amphithéâtres. LP/Yann Foreix LP/Yann Foreix

    « Louvre » et « Lavoisier » : tels sont les noms des deux amphithéâtres présents dans le bâtiment. Chacun occupe deux niveaux et dispose d'un grand écran où sont projetés, certains soirs, des films ou des séries. Pas n'importe lesquels. « Notre ciné-club a un petit faible pour les nanars », précise-t-on au Bon coin.

    Autre particularité : les réunions professionnelles qui s'y tiennent se font parfois debout. Cela permettrait, paraît-il, de les écourter…

    Les bistrots

    Le Bon Coin compte sous son toit deux bistrots. LP/Yann Foreix
    Le Bon Coin compte sous son toit deux bistrots. LP/Yann Foreix LP/Yann Foreix

    Le roof-top

    Le roof-top offre une vue à 360° sur tout Paris. LP/Yann Foreix
    Le roof-top offre une vue à 360° sur tout Paris. LP/Yann Foreix LP/Yann Foreix

    De cette terrasse de 400 m2 qui surplombe les toits de la capitale, on opère un survol féerique de Paris. Ouvert à tous les salariés du Bon Coin qui y organisent des cours de yoga et de gym, c'est un site imprenable pour rêvasser, parfaire sa connaissance des monuments parisiens, mais aussi pour prendre un verre après le travail à l'heure du coucher du soleil. « Vu les horaires de l'immeuble, elle ferme à 21 heures », précise néanmoins une porte-parole.

    Autre interdiction notable : celle d'y boire de l'alcool lorsque des soirées tardives se déroulent dans l'immeuble. La vue n'attire d'ailleurs pas que les personnes qui travaillent dans l'entreprise. Le Bon Coin - et le précédent locataire des lieux, l'agence de publicité BETC - l'ont souvent loué pour des tournages et défilés de mode. Cela a notamment été le cas notamment pour le film « Le rôle de sa vie » avec Agnès Jaoui et Karine Viard en 2004.

    L'équipe de la série Dix pour Cent, diffusée sur Canal+ depuis 2015 a également foulé ces dalles grises à l'occasion de nombreuses scènes de sa première saison mais aussi, plus récemment, de la dernière, qui sera diffusée l'automne prochain, avec Joey Starr, Monica Bellucci et Gérard Lanvin. La marque Yves-Saint Laurent a aussi jeté son dévolu sur le site pour qu'il serve de décors à certaines de ses publicités.

    C'est aussi sur cette terrasse unique en son genre que l'ancien couple Louis Bertignac et Carla Bruni dansèrent et jetèrent des ballons orange en 2004 pour le clip tourné à l'occasion de leur duo « les Frôleuses ».

    L'HISTOIRE D'UN LIEU

    Impossible de la rater. Si vous levez le nez devant l'immeuble du Bon Coin, à l'angle du boulevard Saint-Martin et du passage du Désir à Paris (Xe), vous apercevrez sans mal une frise en grandes lettres de mosaïque dorée dédiée « aux classes laborieuses ». Il s'agit d'une référence « Aux classes laborieuses, Limited », le nom de l'un des premiers grands magasins anglais qui s'est installé ici en 1897, construit par l'architecte Jacques Hermant, tenant du courant de l'éclectisme et également créateur, à Paris, de la salle Gaveau (VIIIe).

    Le monument a même été primé par la ville de Paris en 1900. « Aux classes laborieuses » est un ancien grand magasin, à l'instar du Bon marché ou des Galeries Lafayette où linge de maison, vaisselle et articles ménagers en tous genres pouvaient s'acheter dans un seul et même lieu. Un étonnant pied de nez à l'Histoire quand l'on sait la petite révolution opérée dans le domaine du commerce en ligne par le Bon coin depuis 2006.

    LES REPÈRES

    2006 : année de création

    1 Français sur 2 utilise Le Bon Coin

    1 : nombre de salariés au départ

    800 : nombre de salariés aujourd'hui (dont 450 travaillent rue du Faubourg-Saint-Martin)

    6e site le plus visité en France (derrière Google, Facebook, YouTube, Amazon et Wikipédia)

    257,4 millions de chiffre d'affaires en 2017

    28,6 m de visiteurs par mois