Quitter Paris : quand les régions font leur pub dans le métro

Allant droit au but, de nombreuses collectivités vantent les mérites de leur territoire en s’adressant aux Franciliens sans doute lassés des temps de transport.

Les territoires comme la Sarthe rivalisent de créativité pour attirer les travailleurs franciliens.
Les territoires comme la Sarthe rivalisent de créativité pour attirer les travailleurs franciliens.

    Avec 5 millions de voyageurs quotidiens dans le métro et le RER, les grandes pubs affichées sur les murs touchent du monde ! Pour Alexandra Lafay, de Mediastransports, quel meilleur endroit que le métro parisien pour vendre les charmes de la province ? « Selon une étude conduite en octobre 2021 avec Iligo, 54% des Franciliens interrogés déclarent utiliser régulièrement le métro ou le RER », rappelle-t-elle. Du coup, les campagnes pour inciter les Parisiens et banlieusards à quitter la capitale et l’Ile-de-France se multiplient. Tout le monde s’y met : les régions, les départements, les métropoles, les villes moyennes et même parfois les petites communes !

    « Marre du béton, soif de nouveaux horizons »

    L’Oise, l’Orne, le Cher, la ville d’Alès, la Sarthe, la Moselle, La Roche-sur-Yon et bien d’autres rivalisent de créativité dans leurs slogans. Il y a les campagnes offensives : « La solution, Marre du béton, soif de nouveaux horizons ! », martèle La Roche-sur-Yon, « Manque de place, besoin d’espace ? » demande l’Oise, «Déconfinez-vous pour toujours à Mazamet», clame la ville du Tarn…Il y a aussi les campagnes qui jouent sur les mots : «Alès, la capitale qui ne manque pas d’air!» (lire ci-dessous), ou séductrices : «Envie d’aller à la plage après le boulot ? » suggère le Var, «Vivre mieux, venez à Évreux, pour un week-end ou pour la vie», «Besançon, vous êtes bien partis pour rester!», «Venez vivre votre retraite 5 étoiles à Roanne». Il y a également les campagnes neutres, simples et directes : «Lancez-vous en Sarthe!», indiquent de grandes affiches illustrées par de jeunes actifs ayant rejoint le département. Enfin, il y a les campagnes qui jouent à fond sur le visuel. La plus récente : de magnifiques champs de lavandes du sud-Drôme qui ont ensoleillé les murs gris du métro il y a un mois. Des affiches géantes, placardées un peu partout sur les murs des stations du réseau RATP de la capitale. Une bonne idée des Offices du tourisme de la Drôme provençale.

    Déclencher le besoin de changer de vie

    Une centaine de territoires ont déjà vendu leurs atouts dans le métro parisien depuis l’explosion de ce nouveau marketing des régions de France. « Cela a toujours existé, avant c’était pour le tourisme estival, depuis quelques années et plus encore avec la crise sanitaire, c’est carrément pour inciter à quitter Paris et refaire votre vie ailleurs, relève Alexandra Lafay. Les campagnes parlent évidemment de qualité de vie, des transports, des services, de proximité, d’environnement, mais pas que… La province se veut désormais aussi attractive économiquement. »

    Les stratèges de la pub prennent bien soin de différencier les slogans avec les campagnes purement touristiques. Déclencher le besoin de changer de vie est bien plus difficile que de convaincre de passer de simples vacances quelque part.

    Si la France des grandes métropoles séduit, comme Nantes, Bordeaux, Lyon ou Marseille, des endroits plus inattendus comme la Haute-Marne ou le centre de la France attirent également du monde et souhaitent le faire savoir, espérant un effet boule de neige. Paris s’est rapproché du reste de la France grâce au TGV et l’Aube ou l’Indre, par exemple, jouent sur la proximité de la capitale pour s’adresser aux jeunes entrepreneurs.

    SPÉCIAL MOBILITÉ PROFESSIONNELLE – QUITTER PARIS

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    Allez Alès !

    L’agglomération d’Alès a multiplié les campagnes pour inciter les Parisiens à rejoindre et s’installer dans le Gard. La capitale des Cévennes, d’où sont originaires Julien Doré, Alexandra et Audrey Lamy, s’est affichée en 4 mètres sur 1,50 mètre dans le métro parisien. Avec un slogan sur 700 panneaux : « La capitale des Cévennes sourit aux audacieux. » Et une conviction : Alès est le bon compromis entre la campagne profonde et la grande ville. La ville a d’ailleurs choisi ce visuel pour montrer le bien-vivre, le grand air des montagnes des Cévennes, mais aussi tous ses attraits économiques et culturels.

    La campagne a envahi la ligne A du RER, et s’est montrée en majesté dans 100 stations, en passant par les Halles ou le Trocadéro. 700 affiches ont été vues par près de 5 millions de personnes en une semaine selon la RATP. Crise économique post-Covid oblige, la régie publicitaire de la RATP a négocié ses espaces au quart de leur prix : 20 000 euros la campagne au lieu de 90 000 euros habituellement affichés.

    Objectif revendiqué par l’agglomération occitane : atteindre 42 000 habitants en 2023 (contre un peu plus de 39 000 au dernier recensement). Les entrepreneurs séduits par l’idée d’un déménagement dans le Sud-Est pouvaient participer à un concours, avec, à la clé, un an de loyer offert, un accompagnement par une pépinière et une dotation financière.

    En 2020, la ville avait déjà promis aux particuliers, dans des campagnes sur les quais de la RATP, qu’elle ne « manquait pas d’air », et qu’elle était « une ville à taille humaine ».

    Objectif déjà atteint de la campagne : redorer l’image de la cité. « On pâtit parfois d’une image ancienne et injuste d’une ville minière noire, pauvre, enclavée, pour ceux qui ne nous connaissent pas », se désole un cafetier de la ville. C’est désormais surmonté…