Charte éthique : Anticor épingle 16 villes françaises

L’association anti-corruption dresse le bilan des engagements pris par 40 communes après les élections municipales de 2014. Seize d’entre elles écopent d’un carton rouge.

 L’hôtel de ville de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, première mairie épinglée par l’association Anticor.
L’hôtel de ville de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, première mairie épinglée par l’association Anticor. DR

    Quel est le point commun entre Béthune (Pas-de-Calais), Bobigny (Seine-Saint-Denis), Metz (Moselle), Carcassonne (Aude), Draguignan (Var) ou encore Montreuil (Seine-Saint-Denis) ? Toutes ces villes ont été épinglées par Anticor. A quatre mois des élections municipales, l'association de lutte contre la corruption distribue les bons et les mauvais points.

    Il y a six ans, en pleines affaires Balkany et Cahuzac, elle avait proposé aux candidats aux élections municipales 2014 de signer sa charte éthique. Cinq cents listes avaient paraphé le document. Les candidats, une fois élus, s'engageaient, notamment, à ne pas cumuler plusieurs mandats politiques, à publier sur le site Internet de la ville les indemnités perçues, mais aussi à créer une commission éthique, à favoriser le rôle de l'opposition, ou encore à retirer, le temps de l'enquête, les délégations d'un élu mis en examen et même à leur enlever toutes responsabilités en cas de condamnation par la justice.

    « Une fois élus, nous n'avons plus eu de nouvelles »

    En contrepartie, les candidats avaient l'autorisation d'utiliser l'image d'Anticor dans leurs documents de campagne. Un vrai plus pour les signataires, qui se présentaient devant leurs concitoyens avec la promesse que le futur mandat serait exercé sous le signe de la transparence, de la probité et de l'éthique.

    Sur les quarante listes signataires qui ont finalement pris les commandes d'une commune, seize font figure de mauvais élèves et ont écopé d'un carton rouge d'Anticor, dix en ont reçu un orange et quatorze un vert. « Nous avons essayé d'être le plus encourageants possible, insiste Elise Van Beneden, secrétaire générale adjointe d'Anticor. Avec de la bienveillance, notamment envers les petites communes. Mais faire des efforts, ce n'est pas faire semblant de faire des choses ».

    « Il y a clairement des candidats qui ont signé la charte pour des raisons électoralistes, renchérit Grégoire Turlotte, secrétaire général d'Anticor. Et une fois élus, nous n'avons plus eu de nouvelles et rien n'a été fait ».

    Bobigny ne veut pas «rendre compte à une association»

    Et, à ce petit jeu, la palme revient à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Interrogé par Anticor en août 2015, pour dresser un premier bilan, le maire UDI, Stéphane de Paoli, adresse dans un courrier cinglant une fin de non-recevoir : « La légitimité démocratique qui est la nôtre nous rend seul maître du calendrier des actions que nous entendons mener dans notre ville à ce titre, sans que nous ayons à en rendre compte à une association qui n'a d'autre légitimité que celle qu'elle s'est crue autorisée à s'octroyer », écrit l'édile.

    Par ailleurs, la ville de plus de 50 000 habitants cumule les affaires peu en phase avec la République exemplaire chère à Emmanuel Macron et prônée par les Français, et notamment les Gilets jaunes. Ainsi, en septembre 2018, la Chambre régionale des comptes a rendu un rapport sévère sur la gestion de la ville par l'ancienne majorité communiste et surtout par l'actuelle UDI. Elle lui reproche des irrégularités en matière de marchés publics et de recrutement.

    Par ailleurs, la mandature a été marquée par la condamnation du premier adjoint à un stage de citoyenneté pour violence morale en réunion sur une élue. Une décision de justice qui ne l'a pas incité à démissionner.

    « Il n'a pas eu de peine d'inéligibilité », justifie une porte-parole de la mairie, qui s'étonne du bilan dressé par Anticor. « La charte a été respectée presque sur tout. Par exemple, il n'y a pas de cumul de mandat et l'indemnisation des élus figure dans les délibérations des conseils municipaux publiés sur notre site ».

    Metz dénonce des critiques «injustes, du moins inexactes»

    A Metz, l'association a également vu rouge, reprochant à Dominique Gros de cumuler les fonctions de maire et de conseiller départemental de la Moselle. Selon Anticor, l'édile socialiste a également omis de signaler à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ses participations dans une société luxembourgeoise. « Il ne détient plus aucune action, balaie la mairie. Les critiques d'Anticor nous semblent injustes, ou tout du moins inexactes ».

    « Je veux bien que l'opposition soit davantage associée, mais encore faudrait-il qu'elle soit présente », tacle de son côté Richard Strambio, le maire divers droit de Draguignan (Var), autre mauvais élève. Anticor ignore ce que c'est que de gérer une commune au quotidien ».

    Pas de charte pour les prochaines élections

    Pour dresser ce bilan, 700 bénévoles de l'association ont mis la main à la pâte. Un travail colossal. « Il n'est sans doute pas parfait, admet Grégoire Turlotte. Mais quand des élus cumulent les mandats ou qu'ils mentent sur leur déclaration d'intérêt, ce n'est pas négociable ». Pour autant, Anticor le qualifie de positif avec de grosses villes, comme Limoges (LR) en Haute-Vienne et Perpignan (LR) dans les Pyrénées-Orientales, qui affichent un bilan éthique avantageux.

    Pour les élections municipales de 2020, plus question de faire signer une charte aux candidats, trop chronophage à suivre. « Nous avons fait une trentaine de propositions pour une commune plus éthique, annonce Grégoire Turlotte. Aux candidats de s'en saisir ».