Chirurgie, travail des mineurs, « brigade » dédiée… Bercy s’attaque aux dérives des influenceurs

Le ministère de l’Économie a présenté de nouvelles mesures pour mieux encadrer le travail des créateurs de contenus sur les réseaux sociaux. Au programme : des définitions claires dans la loi, des règles pour le travail des mineurs et des contrôles et sanctions renforcés.

L’activité des agences d’influenceurs sera clairement définie, et les collaborations entre influenceurs, marques et agences obligatoirement balisées par des contrats (illustration). Kilito Chan / Stock
L’activité des agences d’influenceurs sera clairement définie, et les collaborations entre influenceurs, marques et agences obligatoirement balisées par des contrats (illustration). Kilito Chan / Stock

    Il s’agirait d’une « première » en Europe, selon Bercy. Après des mois de polémique alimentée par le rappeur Booba, des tables rondes avec les acteurs du secteur et une consultation publique, le ministère de l’Économie a présenté vendredi une série de mesures encadrant le travail des influenceurs, ces stars des réseaux sociaux dont les revenus sont souvent issus de partenariats avec des marques.

    Désormais, le secteur de ce que Bercy appelle « l’influence commerciale » sera clairement défini dans la loi comme « une pratique qui consiste à créer, à diffuser à l’intention du public français, par un moyen de communication électronique, des conseils ou des contenus faisant la promotion directe ou indirecte de produits ou de services en contrepartie d’un bénéfice économique ou d’un avantage en nature ».

    L’activité des agences d’influenceurs sera elle aussi clairement définie. Quant aux collaborations entre influenceurs, marques et agences, elles seront obligatoirement balisées par des contrats, a ajouté le ministre de l’Économie.

    Les revenus des enfants influenceurs protégés

    Sujet à polémiques, le travail d’enfants influenceurs sera strictement encadré. Les mineurs de moins de 16 ans devront obtenir un agrément de l’État pour travailler sur les plateformes, et 90 % des sommes qu’ils gagneront seront bloquées jusqu’à leurs 18 ans pour éviter tout abus, a annoncé Bruno Le Maire.

    Autre sujet brûlant : les multiples arnaques dénoncées par les consommateurs, lésés par des partenariats douteux. En janvier, un collectif de victimes a déclenché des dizaines de plaintes à l’encontre du couple d’influenceurs Marc et Nadé Blata, les accusant d’escroquerie après la promotion de cryptoactifs et de trading en ligne. Des accusations niées par les intéressés.

    Sur ce point, « nous ne laisserons plus rien passer », promet Bruno Le Maire. La loi réglementant la promotion d’alcool, de produits financiers et des paris sportifs pour les médias s’appliquera désormais aux contenus des influenceurs en ligne.

    Dropshipping, filtres et chirurgie encadrés

    Très critiqué, le dropshipping sera quant à lui soumis « au régime des pratiques commerciales trompeuses » en cas d’informations manquantes dans les publicités. Les influenceurs qui feront des opérations commerciales seront tenus d’indiquer clairement l’usage de filtres lorsque c’est le cas.

    Bercy veut également interdire formellement la promotion de la chirurgie esthétique par les personnalités des réseaux sociaux. Bruno Le Maire réfléchit par ailleurs « à étendre cette interdiction à d’autres canaux », en raison des dérives constatées, notamment chez les jeunes.



    Plusieurs collectifs et comptes de signalements de dérives d’influenceurs avaient réclamé le déploiement de moyens de contrôle par les autorités : ils semblent avoir été entendus. Le ministère de l’Économie compte missionner 15 agents de la DGCCRF au sein d’une « brigade de l’influence commerciale ». Leur rôle ? « Surveiller les réseaux sociaux, répondre aux signalements et prendre les sanctions adaptées », comme la fermeture d’un compte ou la saisie d’un juge si besoin.

    Les associations et comptes engagés pourront bénéficier d’un statut de « signaleurs de confiance », avec des alertes traitées en priorité sur Signal Conso, qui sera adapté au sujet et décliné en une application mobile. Les plateformes devront aussi coopérer à ce travail de surveillance, défend Bercy.

    Les stars de Dubaï aussi visées

    Les manquements aux règles d’affichage des partenariats pourront être sanctionnés de 2 ans de prison et 300 000 euros d’amende, rappelle Bruno Le Maire. Surtout, les autorités pourront ordonner la suppression des publications illicites, la suspension des comptes visés, voire l’interdiction d’exercer en tant qu’influenceur. Les peines seront adaptées selon le profil et l’audience de l’auteur de l’infraction.

    Les stars s’étant exilées à l’étranger mais touchant un public français ne pourront pas échapper à ces mesures : elles viseront « tous les influenceurs où qu’ils se trouvent, à Dubaï ou ailleurs », a insisté Bruno Le Maire.

    Cette batterie de mesures sera inscrite dans un guide de bonne conduite et dans une proposition de loi co-construite par les députés Stéphane Vojetta (Renaissance) et Arthur Delaporte (LFI/Nupes) discutée dès la semaine prochaine à l’Assemblée nationale. Le texte, qui fait déjà « l’unanimité » en commission selon Bruno Le Maire, entrera en vigueur « dans les plus brefs délais », promet Arthur Delaporte.

    Du côté de la profession, l’Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenu (Umicc) « salue » les propositions de Bercy et des députés. En revanche, la fédération d’agences rappelle que les responsabilités de chacun « dans la chaîne » doivent être clarifiées, qu’il s’agisse d’influenceurs au sein ou en dehors des agences, des plateformes où sont diffusés les contenus... Ainsi que les entreprises, qui proposent les fameux partenariats scrutés de près par les autorités.