Électricité : le gouvernement et EDF s’accordent sur le prix de 70 euros le mégawattheure

L’État vient de conclure un accord avec EDF pour tenter de stabiliser les prix de l’électricité, tout en préservant les capacités d’investissement de la filière nucléaire. Mais à trop vouloir préserver à la fois la chèvre et le chou, il court le risque de ne faire que des perdants.

Le nouveau dispositif sur le prix de l'électricité semble se distinguer par une certaine complexité. LP/Thomas Hubert
Le nouveau dispositif sur le prix de l'électricité semble se distinguer par une certaine complexité. LP/Thomas Hubert

    Comment faire rentrer un rond dans un carré ? En l’occurrence, ici préserver à la fois le budget des ménages, la compétitivité des entreprises et la capacité d’investissement d’EDF, plombé par une dette de 65 milliards d’euros, et qui opère les 56 réacteurs nucléaires actuellement en fonctionnement et doit également construire six nouveaux EPR ? La réponse est forcément complexe. Le gouvernement a néanmoins tenté d’en apporter une ce mardi matin lors d’une conférence qui réunissait le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier Runacher, le ministre de l’Industrie Roland Lescure et le PDG d’EDF Luc Rémont.

    « Nous avons conclu ce matin avec EDF un accord qui garantit un prix autour de 70 euros le mégawattheure (MWh) qui correspond aux coûts totaux de production de l’électricité nucléaire en France », a expliqué le ministre de l’Économie. Cet accord permettra de construire un dispositif qui prendra la suite de celui dit de l’Arenh (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique) qui imposait depuis près de douze ans à EDF de vendre une partie de sa production d’électricité nucléaire à prix bradé (42 euros par MWh) à ses concurrents. Ce dispositif prend fin en 2025.

    « Il fallait donc prévoir une suite, dès maintenant, a précisé Agnès Pannier-Runacher. Et la suite, c’est à la fois l’accord qui a été conclu il y a quelques semaines avec l’Union européenne qui déconnecte les prix de l’électricité de ceux du gaz, et celui que nous venons de conclure avec EDF. » Un nouveau dispositif qui se distingue néanmoins par une certaine complexité. « Dès lors que les prix seraient significativement au-dessus de 70 euros le MWh, un mécanisme de captation de la rente sera mis en place pour être redistribué rapidement au consommateur. Cette captation serait de 50 % (de la différence entre le prix observé et le prix de référence de 70 euros) à partir d’un seuil de 78 à 80 euros. Puis de 90 % à partir de 110 euros. »

    Quels prix à partir de 2025 ?

    Une nouvelle usine à gaz donc, destinée officiellement à protéger les consommateurs « de la volatilité des prix », selon Bruno Le Maire, et permettre au gouvernement de ne plus avoir à dégainer un nouveau bouclier tarifaire. « Celui actuellement en place doit perdurer jusqu’à fin 2024, a rappelé le ministre, et a coûté à l’État, et in fine au contribuable plus de 40 milliards d’euros. Mais grâce à lui, l’augmentation des prix de l’électricité sera au maximum 10 % en février prochain. Tout autre chiffre ou prévision est fantaisiste. »

    Cet accord, qui fait également suite à la « renationalisation » d’EDF, au terme d’une offre publique d’achat (OPA) de près de 10 milliards d’euros, représente le plan énergétique « le plus radical depuis le plan Messmer lancé en place en 1974 », selon les termes de Bruno Le Maire. Ce plan permit à la France de construire le parc nucléaire actuel, pour un investissement de 200 milliards d’euros actuels.



    Mais quid de l’évolution des prix de l’électricité après 2024 et la fin du bouclier tarifaire ? Et plus encore après 2025 et la fin de l’Arenh ? « Le mégawattheure de l’électricité à 42 euros ne concernait qu’un tiers de la production d’électricité nucléaire d’EDF, a encore rappelé le ministre. Le reste était dépendant de la volatilité du marché. Là, c’est toute la production qui sera concernée par cette nouvelle régulation avec ce seuil de 70 euros. »

    Il n’empêche. Nous passons actuellement d’une inflation conjoncturelle liée à la guerre en Ukraine et à la faible disponibilité du parc nucléaire en 2022 liée à des problèmes de maintenance et de corrosion, à une inflation structurelle et durable liée elle à la transition énergétique. Dans cette impossible équation, une seule certitude : à la fin, quels que soient les garde-fous que mettra en place le gouvernement, ce seront les ménages, mais aussi les entreprises qui trinqueront via la hausse de leurs factures mais également celle des prix en général.