Ce métier qui recrute : comment devenir… serveur

Plusieurs dizaines de milliers de places sont actuellement proposées, dont 10300 offres non pourvues sur le seul site de Pôle emploi. Il est temps pour la profession de redorer son image.

Les serveurs qualifiés sont une denrée rare et les employeurs sont prêts à leur offrir des salaires alléchants. (Illustration) LP/Jean-Baptiste Quentin
Les serveurs qualifiés sont une denrée rare et les employeurs sont prêts à leur offrir des salaires alléchants. (Illustration) LP/Jean-Baptiste Quentin

    Les serveurs retrouvent enfin le sourire. Les débouchés sont énormes et les syndicats de restaurateurs, incités par le gouvernement, proposent une augmentation des salaires (+ 6 à 9 % et le 13e mois) et de meilleures conditions de travail, avec des week-ends de congés, pour faire face à la pénurie. En effet, il y a urgence : « J’ai reçu un seul CV depuis avril, je refuse des clients faute de bras », témoigne ainsi Ludovic, restaurateur dans l’Oise.

    Si vous ne voulez pas faire d’école spécialisée

    Vous avez 20 ans et souhaitez devenir serveur très rapidement ? Laurent Barthelemy, l’un des dirigeants de l’Opco-AKTO, acteur majeur de la formation professionnelle pour la restauration, va à l’essentiel : « Deux possibilités s’offrent au candidat pour valider un diplôme. S’il est inscrit à Pôle emploi, la profession met en place des formations intensives sur trois mois et demi, grâce auxquelles le jeune va acquérir des bases professionnelles et s’initier aux techniques de service. Mais il a aussi une autre possibilité : il peut s’inscrire dans un parcours d’apprentissage ou de professionnalisation, sur 6 à 12 mois, et même disposer d’un renforcement de son parcours grâce au concours de professionnels. »

    Parmi les qualités requises, des aptitudes à la relation client, un minimum de connaissances et un bon sens du contact. « C’est un vrai métier, affirme Laurent Barthelemy. Il exige un savoir être et un comportement adaptés à toutes les situations et formes de service. Cela demande rigueur et précision… » Sans oublier la patience et le sourire affiché, même face aux clients grincheux…

    Deuxième option, la formation traditionnelle

    Le CAP restaurant, accessible après la troisième et proposé par les lycées hôteliers ou centres de formation privés, peut constituer une bonne base (technologie du service, règles d’hygiène, communication…). Le BEP hôtellerie-restauration (deux ans), option production de service, ajoute une formation sur le service de la table et l’entretien des chambres, la mise en place de la salle, l’accueil de la clientèle, la prise de commande des repas, la communication, la vie de l’entreprise, la prévention des risques. Enfin, pour acquérir encore un plus haut niveau, le Bac pro technologique hôtellerie et le BTS (Bac + 2) assurent une belle progression de carrière. Pour Laurent Barthelemy, « il faut multiplier désormais des formations à la carte, y compris grâce au e-learning, pour s’adapter aux nouvelles conditions du marché et refaire fonctionner l’ascenseur social dans nos métiers ».

    L’ascenseur social, Lionel, 25 ans, a bien failli le rater. Ce jeune Parisien, entré par la « petite porte » dans le métier avec un CAP, a cumulé les petits jobs de serveur dans la capitale pour apprendre sur le tas. « Ça a été très dur, avec des conditions de travail parfois inacceptables et des pourboires qui faisaient office de salaire de complément », se souvient-il. « Pas de week-end ou très peu, des horaires très tardifs et une fatigue énorme… Ma copine a fini par me quitter ! » Mais après le confinement, tout a changé et Lionel a retrouvé le sourire. « Le rapport de force est du côté des candidats maintenant, on va être mieux payés et travailler dans le confort, ou presque. C’est le Père Noël post-covid ! »

    Optimiste, Lionel est en train de faire la tournée de ses futurs employeurs potentiels à Paris. « Les offres sont bien meilleures et les bons serveurs sont devenus une denrée rare. Moi, je suis jeune et j’ai déjà plein d’expériences. » Il croise les doigts et doit signer prochainement « dans un grand restaurant parisien qui propose d’excellentes conditions » Un serveur gagne en moyenne 1570 euros brut par mois auxquels il faut ajouter les pourboires qui permettent de monter facilement à 1800 euros mensuels. Même si le métier est marqué par une forte rotation du personnel, les évolutions existent : un serveur peut devenir chef de rang puis maître d’hôtel, ou encore sommelier ou barman, voire manager, directeur de restaurant.

    « Les candidats expérimentés sont rares… et de plus en plus exigeants »

    Le salaire proposé peut même grimper au-delà de ces montants dans les zones et les spécialités tendues. Certains patrons n’hésitent plus à faire monter les enchères pour recruter. Propriétaire de trois restaurants (dont les très branchés Café A et Le Break), deux bars à vin et deux bars à cocktails à Paris, où travaillent soixante personnes en moyenne, David Zénouda cherche d’urgence sept serveurs pour ses établissements. « Si vous êtes qualifié et que vous êtes le champion des cocktails, je vous embauche tout de suite, promet-il. Vous serez bien rémunéré ! Je suis prêt à offrir d’excellentes conditions de travail et des salaires confortables pour attirer du personnel haut de gamme. À Paris, aujourd’hui, la recherche de la perle rare devient un sport de combat. J’embauche des profils bien précis, de serveurs spécialistes des cocktails, des chefs de rang ou des encadrants de salle. C’est le grand mercato ! »

    Et pour parvenir à ses fins, il a trouvé la solution : payer plus et proposer des horaires aménageables. « Ce n’est pas facile quand vous savez qu’on fait 50 % de notre chiffre d’affaires le week-end… Et côté salaire, on est concurrencés par les grands groupes qui font eux aussi des offres alléchantes aux serveurs qualifiés. Je vais être clair, je suis prêt à payer 2500 euros net mensuels au lieu de 1700 ou 1800 euros. Aujourd’hui, un serveur encadrant hautement qualifié avec expérience va jusqu’à prétendre à 3000 euros net, c’est du jamais-vu ! Les candidats expérimentés sont rares… et de plus en plus exigeants. Les mentalités ont changé depuis la crise du Covid et la fermeture forcée des restaurants. Les serveurs ont découvert que les week-ends en famille étaient très agréables et que rentrer chez soi avant 23 heures avait des avantages. Conclusion, le modèle archaïque des horaires impossibles — 10 à 15 heures puis 19 à 23 heures — et des petits salaires qu’on complète avec les pourboires, est révolu. »



    Dans l’idéal, un coup de pouce des pouvoirs publics serait le bienvenu. « Je souhaite une libéralisation des heures sup, avec l’augmentation du contingent annuel limité à 180 heures par salarié actuellement, leur défiscalisation et la baisse des charges sociales, conclut David Zénouda. Cela profiterait tout autant aux patrons qu’aux salariés. »