Entreprises aidées par l’Etat : faut-il exiger des contreparties?

Alors que le gouvernement vient d’annoncer de nouvelles mesures de soutien aux établissements fermés administrativement, le débat enfle sur une possible conditionnalité des aides.

 Fermées dans les zones d’alertes renforcées pour quinze jours minimum, afin de lutter contre la propagation du Covid, les petites salles et les grands centres de fitness s’inquiètent pour leur avenir. (Illustration)
Fermées dans les zones d’alertes renforcées pour quinze jours minimum, afin de lutter contre la propagation du Covid, les petites salles et les grands centres de fitness s’inquiètent pour leur avenir. (Illustration) LP/F.Gi.

    Le gouvernement a fait le choix de la reprise en s'appuyant sur les entreprises, plutôt que sur la consommation. Ce sont donc elles les grandes gagnantes du Projet de loi de finances pour 2021 qui sera présenté ce lundi, et qui intègre les 100 milliards d'euros du Plan de relance. Ces derniers jours, avec le nouveau tour de vis sanitaire qui oblige à fermer bars, restaurants ou encore salles de sport dans certains départements, les mesures de soutien en faveur des entreprises vont encore alourdir les dépenses publiques.

    Mais tous ces milliards dépensés en faveur des entreprises ont-ils été insuffisamment assortis de contreparties? C'est en tout cas la polémique qui enfle alors que de grands groupes annoncent en rafales des suppressions massives de postes. « Le gouvernement distribue des aides sans condition et cela pose vraiment problème, dénonce Philippe Martinez, le leader de la CGT. Nous militons depuis un moment pour qu'il y ait une réelle conditionnalité des aides financières, et notamment en termes de maintien de l'emploi. » Jusqu'ici, le gouvernement n'a pas prêté l'oreille à cette demande.

    « Je crois que ce débat crée un attentisme qui va à contre-courant de l'objectif d'une rapidité d'exécution du plan », déplore Philippe Martin, le président délégué du Medef. Du côté de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Mathieu Plane est du même avis. « Si l'on souhaite exiger des contreparties, il faudra lancer des négociations et cela prendra trop de temps, analyse l'économiste. Aujourd'hui, il faut que les mesures d'accompagnement soient rapides pour soutenir les entreprises qui, malgré les aides de l'Etat, ont enregistré 50 milliards d'euros de pertes entre le début du confinement et fin juin. »

    «Les entreprises essaient d'abord de sauver leur peau»

    Sans compter que pour lui, vu le contexte économique, aucun patron ne peut promettre de ne pas licencier dans six mois : « dans une situation de forte incertitude comme la nôtre, les entreprises ne peuvent pas s'engager sur le maintien de l'emploi. Ou alors, ce serait au prix d'efforts très lourds, comme des baisses de salaires, une hausse du temps de travail … »

    Les patrons vont tout de même bénéficier de 20 milliards d'euros en deux ans, avec la seule baisse des impôts de production. Mais si cette mesure va concerner 1,2 million d'entreprises, elle ne déclenchera pas mécaniquement une vague d'embauches. « Parmi ces entreprises, beaucoup ont des problèmes de compétitivité, de rentabilité, de trésorerie, déplore Patrick Martin. En ce moment, les entreprises essaient d'abord de sauver leur peau. Les embauches se feront, mais elles se feront naturellement. »

    Au Medef, on estime donc que la polémique actuelle est dénuée de fondement. « Des contreparties en termes d'emplois existent déjà, poursuit le président délégué du Medef. Je pense à l'aide de 4 000 euros pour l'embauche d'un jeune de moins de 26 ans, ou aux primes de 5 000 euros et 8 000 euros pour les employeurs qui recrutent en apprentissage ». « Insuffisant », tacle Philippe Martinez qui réclame depuis des mois que « ces aides soient conditionnées à un CDI et pas seulement à un CDD ».