Législatives : abstention, votes blancs ou nuls... comment l’indécision a démoli le front républicain

Le nombre d’électeurs ne voulant pas s’exprimer a largement progressé pendant l’entre-deux tours. L’analyse dans le détail des différentes situations montre un effritement du front républicain face à un Rassemblement national en progression.

Certains électeurs refusent de trancher pour un candidat. LP/Olivier Corsan
Certains électeurs refusent de trancher pour un candidat. LP/Olivier Corsan

    Les consignes de vote servent-elles encore ? C’est une question qui se pose à l’issue du second tour des élections législatives, qui ont permis dimanche de finaliser l’élection de 577 députés – avec une majorité non absolue pour la majorité présidentielle, un groupe puissant du Rassemblement national et un retour en force de la gauche. L’analyse dans le détail de l’abstention, des votes blancs et des votes nuls montrent une corrélation avec le duel et démontrent un effritement du front républicain.

    Pour ce second tour des élections législatives, 7,64 % des votes étaient blancs ou nuls, selon les résultats du ministère de l’Intérieur. L’abstention, elle, pointe à 53,77 %. Au total, alors, c’est seulement 42,70 % des électeurs qui ont exprimé un choix pour un candidat. Un chiffre en forte baisse par rapport au premier tour, où celui-ci était à 46,46 % (52,49 % d’abstention, 1,56 % et 0,64 % parmi les votes enregistrés). L’abstention progresse de 1,5 % entre les deux tours, le nombre de votes blancs de 240 % et celui des votes nuls de 218 %.



    Mais quand on regarde dans le détail des duels, on peut relever un découragement des électeurs ou une certaine résilience. Prenons l’abstention, d’abord : quand un candidat Ensemble fait face à un candidat des Républicains (c’est le cas dans 18 circonscriptions), le nombre d’électeurs qui ne va pas voter augmente de 10,87 % (contre 1,5 % au niveau de toutes les circonscriptions). C’est le seul cas de figure où l’on constate une telle explosion de l’abstention : une preuve que les électeurs de gauche s’abstiennent davantage ?

    Une explosion des votes blancs et nuls

    Mais on constate aussi une explosion des votes blancs et nuls. Là aussi, leur proportion diffère selon les duels. Ainsi, toujours dans un duel Ensemble/Les Républicains, le nombre de bulletins nuls augmente de 258 % et celui de votes blancs de 381 %. Dans le cas d’un duel Ensemble/Rassemblement national (il y en avait 108), le nombre de votes blancs augmente de 258 % et celui de nuls de 215 %. Une preuve, là encore, que les électeurs de gauche qui vont voter ne souhaitent pas s’exprimer pour un candidat… au risque de faire élire un député d’extrême droite.

    Les électeurs de gauche n’ont toutefois pas le monopole de l’indécision. Dans le cas d’un duel entre un candidat d’Ensemble et d’un de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (c’était le cas dans 271 circonscriptions), le nombre de votes blancs augmente de 224 % et celui de votes nuls de 260 %. Mais il est encore plus fort dans le cas d’un duel Nupes/Rassemblement national : le nombre de votes blancs augmente alors de 422 % et celui de votes nuls de 289 %.

    Autre donnée intéressante : l’évolution de la « non-expression » dans les duels contre LR, avec le Rassemblement national et la Nupes. Dans le premier cas, l’abstention progresse de 4,8 %, le nombre de vote blancs de 229 % et celui des votes nuls de 175 %. Dans le second, l’abstention progresse de 3,2 %, le nombre de votes blancs de 172 % et celui de votes nuls de 171 %. Dans ces deux cas, sauf pour l’abstention, ces chiffres sont inférieurs à ceux observés au niveau national.

    Des députés mal « élus »

    Derrière ces données très abstraites, on trouve toutefois des situations intéressantes à étudier. Dans la troisième circonscription de Moselle, où les électeurs avaient le choix de voter entre la Nupes ou le RN, le nombre de bulletins blancs a augmenté de… 873 % ! Dans les 4e et 11e circonscriptions de Seine-Saint-Denis, le nombre d’abstentionnistes explose de 15 %… puisqu’il y avait dans ces circonscriptions un seul candidat – les candidates de la Nupes Soumya Bourouaha et Clémentine Autain, en l’occurrence – car leur concurrent s’était désisté dans l’entre-deux tours.

    Ces situations font de certains parlementaires des députés mal « élus » et posent logiquement des questions de légitimité. Ainsi, le député UDI Meyer Habib de la 8e circonscription des Français de l’étranger n’a été élu qu’avec les voix de 6,5 % des électeurs. Le mieux élu du cru 2022 est Mikaele Seo, le député de Wallis-et-Futuna, qui recueille 38,8 % des suffrages de tous les inscrits. Paradoxalement, il est aussi l’un de ceux qui a eu le plus chaud, passant avec 16 voix d’avance sur son rival !