Changement climatique : ce qu’il faut retenir du nouveau rapport alarmant du Giec

Les experts de l’ONU jugent que la responsabilité de l’humanité dans le réchauffement climatique est « sans équivoque ».

Le Giec dit s'attendre à une hausse "sans précédent" des événements météo extrêmes (Illustration). REUTERS/Jonathan Drake
Le Giec dit s'attendre à une hausse "sans précédent" des événements météo extrêmes (Illustration). REUTERS/Jonathan Drake

    Pire et plus vite qu’on le craignait. Le réchauffement de la planète pourrait s’accélérer plus tôt que prévu, et certaines conséquences seraient déjà « irréversibles », selon le dernier constat choc des experts climat de l’ONU (Giec), publié ce lundi. Il sonne comme un appel à l’action : les humains sont « indiscutablement » responsables des dérèglements climatiques et n’ont d’autre choix que de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, s’ils veulent en limiter les dégâts. Voici ce qu’il faut retenir du rapport.

    Le seuil de +1,5 °C atteint autour de 2030, dix ans plus tôt que prévu

    L’humanité, déjà frappée par des canicules et des inondations en série, n’est pas au bout de ses peines, selon le rapport publié lundi. Il faudra faire face à de nouveau désastres « sans précédent », et cela plus rapidement que prévu. Dix ans plus tôt. Le réchauffement de la planète pourrait atteindre le seuil de +1,5 °C autour de 2030 au lieu de 2040, date fixée par la précédente estimation du Giec en 2018.

    Le nouveau rapport du Giec passe en revue cinq scénarios d’émissions de gaz à effet de serre, du plus optimiste - certains diraient utopiste - à l’hypothèse du pire. Dans tous les cas, la planète devrait atteindre le seuil de +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle autour de 2030. Ensuite, d’ici 2050, la hausse se poursuivrait bien au-delà de ce seuil - qui est une des limites clés de l’Accord de Paris -, même si le monde parvenait à réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre. Et si ces émissions ne sont pas drastiquement réduites, les +2 °C seront dépassés au cours du siècle. Ce qui signerait l’échec de l’Accord de Paris et son objectif de limiter le réchauffement « bien en deçà » de +2 °C, si possible à +1,5 °C.



    S’attendre à une augmentation « sans précédent » des catastrophes naturelles

    Alors que la planète a gagné pour l’instant +1,1 °C, le monde voit de ses propres yeux les conséquences déjà à l’œuvre. Encore plus cet été, avec les images de flammes ravageant l’Ouest américain, la Grèce ou la Turquie, des flots submergeant des régions d’Allemagne ou de Chine, ou un thermomètre qui frôle les 50 °C au Canada. « Si vous pensez que ça, c’est grave, rappelez-vous que ce que nous voyons aujourd’hui n’est que la première salve », a mis en garde Kristina Dahl, de l’organisation Union for Concerned Scientists.

    Il faudra vivre avec le dérèglement climatique, selon les experts climat de l’ONU. Certaines conséquences du réchauffement de la planète, notamment la fonte des glaces et la hausse du niveau de la mer, sont désormais « irréversibles » affirme le Giec.

    Quel que soit le rythme des futures émissions de gaz à effet de serre, il est trop tard. Le niveau des océans va continuer à augmenter pendant « des siècles, voire des millénaires », notamment sous l’impulsion de la fonte des calottes glaciaires, selon le rapport qui estime que le niveau de la mer pourrait gagner jusqu’à 1 m d’ici 2100. « Ce rapport devrait faire froid dans le dos à quiconque le lit (…) Il montre où nous en sommes et où nous allons avec le changement climatique : dans un trou qu’on continue de creuser », a commenté le climatologue Dave Reay. En clair, le rapport prévient que la planète va subir une augmentation « sans précédent » des événements météo extrêmes comme les canicules ou les pluies diluviennes, même si le monde parvient à limiter le réchauffement à +1,5 °C.

    Viser la neutralité carbone le plus rapidement possible

    À moins de trois mois de la COP26 de Glasgow, les experts du Giec ont insisté sur la nécessité de fixer de nouveaux objectifs. « Stabiliser le climat va nécessiter une réduction forte, rapide, et durable des émissions de gaz à effet de serre, pour atteindre la neutralité carbone », a martelé Panmao Zhai, coprésident du groupe d’experts.



    Alors qu’il faudrait réduire les émissions de CO2 de moitié d’ici 2030 pour tenir le +1,5 °C, les experts estiment que la capacité des forêts, des sols et des océans à absorber le CO2 émis par les hommes risque de s’affaiblir avec la poursuite des émissions, menaçant les efforts pour limiter le réchauffement de la planète à des niveaux acceptables. En novembre, les dirigeants du monde entier se réuniront à Glasgow et « il n’y a pas le temps d’attendre et pas de place pour les excuses », a insisté Antonio Guterres, réclamant que la COP soit un « succès », après cette « alerte rouge pour l’humanité » lancée par le Giec.

    Ace stade, seule la moitié des gouvernements ont révisé leurs engagements d’émissions de gaz à effet de serre. La précédente série d’engagements, pris dans la foulée de l’Accord de Paris de 2015, conduirait à un monde à +3 °C, s’ils étaient respectés, mais au rythme actuel, la planète se dirige plutôt vers +4 °C ou +5 °C.

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    Les énergies fossiles montrées du doigt

    Le rapport d’évaluation devrait « sonner le glas » des énergies fossiles qui « détruisent la planète », a réagi le secrétaire général des Nations unies. Pour Antonio Guterres, « les sonnettes d’alarme sont assourdissantes : les émissions de gaz à effet de serre créées par les énergies fossiles et la déforestation sont en train d’étouffer notre planète ». Les associations écologiques ont rapidement réagi au rapport, menaçant les grands groupes de poursuites en justice à cause de leur inaction. « Nous ne laisserons pas ce rapport être remisé sur une étagère », insiste de son côté Kaisa Kosonen, de Greenpeace. « Nous l’apporterons avec nous dans les tribunaux » a-t-elle prévenu.

    « Nous ne sommes pas voués à l’échec »

    Si la responsabilité de l’humanité dans le réchauffement climatique est « sans équivoque », « nous ne sommes pas voués à l’échec », assure Friederike Otto, une des auteurs. En effet, les experts ont souhaité inclure un motif d’espoir dans leur rapport. Dans le meilleur scénario, et cela implique de couper drastiquement les émissions et en absorbant plus de CO2 qu’on en émet, la température pourrait revenir sous le seuil de 1,5 °C d’ici la fin du siècle. Mais les techniques permettant de récupérer le CO2 dans l’atmosphère à large échelle sont toujours à l’état de recherche, note le Giec.

    « Il est clair depuis des décennies que le système climatique de la Terre change, et le rôle de l’influence humaine sur le système climatique est incontesté », a déclaré Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du groupe d’experts ayant élaboré ce texte. À l’humanité désormais d’influencer la planète de façon positive.