Protection de la haute mer : un traité « historique » signé après… 15 ans de discussions

Les 51 États membres de l’ONU se sont mis d’accord sur un texte, destiné à contrecarrer les menaces qui pèsent sur des écosystèmes vitaux pour l’humanité.

Ces océans foisonnent d'une biodiversité souvent microscopique, qui fournit aussi la moitié de l'oxygène que nous respirons et limite le réchauffement climatique en absorbant une partie importante du CO2 émis par les activités humaines. PATRICIA DE MELO MOREIRA/AFP
Ces océans foisonnent d'une biodiversité souvent microscopique, qui fournit aussi la moitié de l'oxygène que nous respirons et limite le réchauffement climatique en absorbant une partie importante du CO2 émis par les activités humaines. PATRICIA DE MELO MOREIRA/AFP

    À la nuit tombée, « le navire a atteint le rivage ». C’est par ces mots que Rena Lee, présidente de la conférence, a clos plus de 15 ans de discussions, qui ont débouché sur le premier traité international de protection de la haute mer. Ce samedi, peu avant 21h30 à New York (3h30 en France), les applaudissements étaient nourris et prolongés au siège de l’ONU : ses 51 États membres se sont enfin mis d’accord sur un texte d’une importance immense. Le traité qu’ils ont signé est destiné à contrecarrer les menaces qui pèsent sur des écosystèmes vitaux pour l’humanité.

    La troisième et « dernière » session a finalement été la bonne, ou presque. Les délégués ont finalisé le texte au contenu désormais gelé sur le fond, mais il sera formellement adopté à une date ultérieure après avoir été passé au crible par les services juridiques, et traduit pour être disponible dans les six langues officielles de l’ONU. La commission européenne a salué ce dimanche matin un « moment historique ».

    Un « triomphe » sur la géopolitique

    Le contenu exact du texte n’a pas été publié dans l’immédiat, mais les militants l’ont salué comme étant un tournant décisif pour la protection de la biodiversité. « C’est un jour historique pour la conservation et le signe que dans un monde divisé la protection de la nature et des personnes peut triompher sur la géopolitique », a déclaré Laura Meller, de Greenpeace.

    Après deux semaines d’intenses discussions, dont une session marathon dans la nuit de vendredi à samedi, les délégués ont finalisé un texte qui ne peut désormais plus être modifié de manière significative. « Il n’y aura pas de réouverture ni de discussions de fond » sur ce dossier, a affirmé Rena Lee aux négociateurs.

    Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a félicité les délégués, selon un de ses porte-parole qui a déclaré que cet accord est une « victoire pour le multilatéralisme et pour les efforts mondiaux visant à contrer les tendances destructrices qui menacent la santé des océans, aujourd’hui et pour les générations à venir ». La haute mer commence où s’arrêtent les zones économiques exclusives des États, à maximum 200 milles nautiques (370 km) des côtes et n’est donc sous la juridiction d’aucun État.

    Longtemps ignorée dans le combat environnemental

    Même si elle représente plus de 60 % des océans et près de la moitié de la planète, elle a longtemps été ignorée dans le combat environnemental, au profit des zones côtières et de quelques espèces emblématiques.

    Avec les progrès de la science, on sait désormais à quel point la protection de ces océans est vitale : ils foisonnent d’une biodiversité souvent microscopique, qui fournit aussi la moitié de l’oxygène que nous respirons et limite le réchauffement climatique, en absorbant une partie importante du CO² émis par les activités humaines.

    Mais les océans s’affaiblissent, victimes de ces émissions (réchauffement, acidification de l’eau…), des pollutions en tout genre et de la surpêche. Alors le nouveau traité, quand il entrera en vigueur après avoir été formellement adopté, signé puis ratifié par suffisamment de pays, permettra de créer des aires marines protégées dans ces eaux internationales.

    Environ 1 % seulement de la haute mer fait l’objet de mesures de conservations, et cet outil emblématique est jugé indispensable pour espérer protéger d’ici 2030 30 % des terres et des océans de la planète, comme s’y sont engagés l’ensemble des gouvernements de la planète en décembre. Chapitre hautement sensible qui a cristallisé les tensions jusqu’à la dernière minute, le principe du partage des bénéfices des ressources marines génétiques collectées en haute mer.

    Molécules miracles

    Les pays en développement qui n’ont pas les moyens de financer de très coûteuses expéditions et recherches se sont battus pour ne pas être exclus de l’accès aux ressources marines génétiques et du partage des bénéfices anticipés de la commercialisation de ces ressources - qui n’appartiennent à personne - dont entreprises pharmaceutiques ou cosmétiques espèrent tirer des molécules miracles.



    Comme dans d’autres forums internationaux, notamment les négociations climat, le débat a fini par se résumer à une question d’équité Nord-Sud, ont commenté des observateurs. Avec une annonce vue comme un geste pour renforcer la confiance Nord-Sud, l’Union européenne a promis 40 millions d’euros pour faciliter la ratification du traité et sa mise en œuvre initiale.

    Au-delà, elle s’est engagée à consacrer plus de 800 millions d’euros à la protection des océans en général pour 2023 lors de la conférence « Notre Océan » qui s’est achevée vendredi à Panama. Au total, la ministre panaméenne des Affaires étrangères Janaina Tewaney a annoncé que « 341 nouveaux engagements », d’un montant de près de 20 milliards de dollars, dont près de 6 milliards des États-Unis, avaient été pris lors de cette conférence pour protéger les mers.