«Un boulanger ambulant, c’est ce qu’il y a de mieux» : en tournée avec Franck, artisan de l’Essonne

Depuis début octobre, ce commerçant de Boissy-sous-Saint-Yon part en tournée six fois par semaine pour livrer baguettes et viennoiseries à huit villages du département. Conquis, les habitants ne peuvent déjà plus se passer de ce nouveau service.

Sermaise (Essonne), ce lundi. Depuis le début du mois d'octobre, le boulanger de Boissy-sous-Saint-Yon, Franck Buisson (à gauche), effectue une tournée à travers huit villages de l'Essonne. LP/Florian Garcia
Sermaise (Essonne), ce lundi. Depuis le début du mois d'octobre, le boulanger de Boissy-sous-Saint-Yon, Franck Buisson (à gauche), effectue une tournée à travers huit villages de l'Essonne. LP/Florian Garcia

    Klaxon hurlant et sono en renfort, le boulanger signale son arrivée à chaque nouvelle étape. Ce lundi, il est à peine 9h30 quand Franck Buisson, de la boulangerie Chez Céline et Franck, à Boissy-sous-Saint-Yon (Essonne), entre sur le parking de la mairie de Sermaise avec son utilitaire rouge. À l’intérieur, l’artisan a soigneusement disposé une quarantaine de baguettes, autant de « traditions », une trentaine de réalisations aux graines, des croissants, des pains au chocolat et même des pâtisseries. Ces douceurs seront vendues au terme d’une tournée de 70 km à travers l’Essonne.

    La tournée de Franck a commencé le 3 octobre, « le jour de mon anniversaire », précise-t-il avec le sourire. Depuis, chaque matin à l’exception du dimanche, le boulanger quitte sa boutique de Boissy-sous-Saint-Yon pour sillonner durant quatre heures les hameaux de huit communes du département.



    « J’avais déjà lancé cette initiative il y a une dizaine d’années, se remémore-t-il entre deux haltes. Mes grands-parents habitaient en ville mais il fallait prendre la voiture pour aller chercher du pain. Comme ils ne conduisaient plus, nous devions les emmener. Et si nous n’étions pas là, ils ne mangeaient pas de pain. Je me suis dit qu’ils ne devaient pas être les seuls… C’est comme ça que tout a commencé. » Mais au bout de deux ans et demi, la tournée a pris fin. « Pour différentes raisons », élude l’artisan.

    Si Franck « ne venait pas avec son pain, je ferais sans »

    Cette fois, la tournée de Franck semble bel et bien ancrée dans le territoire. Sur le parking de Sermaise, les clients l’attendent déjà. « Il avait promis de nous faire les gâteaux gratuits si la France gagnait la Coupe du monde, plaisante Serge, venu acheter sa baguette avec son chien. Mais comme on a perdu, on va payer double ! » Les éclats de rire résonnent autour du boulanger ambulant. L’ambiance est détendue.

    « Sur ce parking, il y a une machine automatique qui distribue du pain, note Éric, 38 ans. Mais ce n’est pas pareil… Il n’est pas aussi frais que celui-ci. S’il ne venait pas nous voir avec son pain, je pense que je ferais sans… Je ne prendrais pas la voiture juste pour une baguette. »

    Des boulangeries trop éloignées pour certains retraités

    À Sermaise, où il n’y a pas de boulangerie, la venue de Franck est une bénédiction. « C’est une excellente initiative, reconnaît la maire, Magali Hautefeuille (SE). Il est venu nous voir pour nous présenter son projet et trois jours après, c’était réglé. À Sermaise, il y a sept hameaux et un centre-bourg. Cela représente 26 km de voirie. Beaucoup de personnes ne peuvent pas se déplacer. Un boulanger ambulant, c’est ce qu’il y a de mieux ! »

    Sans le passage de Franck, les habitants seraient contraints de parcourir plusieurs kilomètres pour acheter leur pain. « Aujourd’hui, les boulangeries les plus proches sont à Saint-Chéron et à Dourdan, ce qui représente environ 5 km », complète un retraité.

    Vingt minutes après son arrivée, Franck remonte dans sa voiture. Direction le hameau de Blancheface. Là encore, les habitants ont pris l’habitude d’attendre le boulanger. « C’est très pratique, souligne Gaëlle, 46 ans. Autant pour les personnes âgées que pour celles et ceux qui sont en télétravail. »

    « Une heure après le passage, on est encore là à discuter »

    Même enthousiasme pour sa voisine, Claire, 53 ans. « Quand j’étais petite, il y avait le boucher qui passait, le poissonnier aussi… Puis tout s’est arrêté. Je travaille de chez moi, c’est super pratique d’avoir le boulanger au bout de sa rue. »

    Sermaise, lundi 19 décembre 2022. Au hameau du Mesnil, un canard très intéressé par le pain frais attend lui aussi le passage du boulanger.
    Sermaise, lundi 19 décembre 2022. Au hameau du Mesnil, un canard très intéressé par le pain frais attend lui aussi le passage du boulanger.

    Une fois tous les clients servis, Franck remonte à bord. « Maintenant, on va au Mesnil, qui est un autre hameau de Sermaise, prévient-il. On va voir le canard ! Vous allez voir, là-bas, un canard fait la queue avec les habitants. » La promesse est surréaliste. Mais en arrivant devant l’arrêt de bus qui marque la halte, un joli volatile attend lui aussi le boulanger avec impatience. « Il quémande, alors tout le monde lui donne à manger », explique une riveraine. Une version confirmée dans les minutes qui suivent avec cet homme qui, à peine après avoir acheté sa baguette, a cédé le croûton au canard devenu mascotte.

    « Avec le passage du boulanger, je gagne 40 km par semaine, résume Bernard, 73 ans. Au prix où est le gazole, ce n’est pas négligeable. Et en plus, cela nous permet de nous voir et de nous rencontrer. » « Parfois, une heure après le passage, on est encore là à discuter », ajoute sa voisine. Franck, lui, assure qu’il n’est pas déficitaire. « J’ai fait les calculs, conclut-il. Je suis rentable à partir de 20 baguettes vendues. »