Crise agricole : « Malgré les difficultés, il est possible de s’en sortir »

Emmanuel et Nicolas Mary, éleveurs de moutons en Normandie, ont décroché 22 médailles au Concours général agricole lors du dernier Salon de l’agriculture. Un record pour cette famille spécialisée dans la race Hampshire dont ils sont des spécialistes reconnus dans la France entière.

Emmanuel (à gauche) et Nicolas Mary entourent leur soeur Claire, venue prêter main forte lors du dernier Salon de l'agriculture où la famille a décroché 22 médailles au Concours général agricole, dont 11 en or, pour la qualité de leurs moutons. DR
Emmanuel (à gauche) et Nicolas Mary entourent leur soeur Claire, venue prêter main forte lors du dernier Salon de l'agriculture où la famille a décroché 22 médailles au Concours général agricole, dont 11 en or, pour la qualité de leurs moutons. DR

    Une semaine après la clôture du Salon de l’agriculture le 3 mars 2024, Emmanuel et Nicolas Mary, éleveurs de moutons de père en fils, ont encore des étoiles plein les yeux. Il faut dire qu’ils ne sont pas repartis les mains vides ! Installés à Saint-Pierre-des-Ifs (Eure), les deux hommes ont raflé la bagatelle de 22 médailles au Concours général agricole, dont 11 en or.

    Ils n’en sont pas à leur coup d’essai. « La première année, en l’an 2000, j’avais reçu deux deuxièmes prix. Et depuis, je participe tous les ans », sourit Emmanuel Mary, 61 ans, pas peu de fier d’avoir entraîné avec lui son fils dans l’aventure du Hampshire, la race qu’il a choisi d’élever en plein air et le plus naturellement possible depuis 1997. Aujourd’hui, les deux exploitants possèdent chacun leur propre troupeau, 180 bêtes pour le père et la moitié pour le fils, mais travaillent main dans la main. Et le passage de témoin s’opère peu à peu.

    « Même ma grand-mère me disait que c’était le dernier des métiers »

    « Je ne suis pas fils d’agriculteur, mais mes grands-parents l’étaient », précise Emmanuel Mary. « Le temps que je passais chez eux, c’était pour moi le paradis. D’aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours voulu travailler dans une ferme. Et lorsqu’à 8 ans, ils ont dû vendre leur exploitation, je l’ai vécu comme un drame, un déchirement… ». Il se promet alors d’en faire son métier, même si à l’école on lui dit qu’il va devenir un bouseux ! « Même ma grand-mère me disait que c’était le dernier des métiers ! C’est compréhensible. Elle n’avait pas eu une vie facile. Mais moi, j’avais la passion… »

    Une fois ses études agricoles achevées, il achète ses deux premières brebis au début des années 80. « Mon grand-père avait gardé un petit terrain de 3 000 m2 sur lequel j’ai pu m’installer. Je n’avais pas vraiment d’expérience, mais petit à petit j’ai appris et je me suis développé ». Jusqu’au tournant décisif de sa rencontre avec la race Hampshire qui compte environ 6 000 spécimens à travers la France. « Ce sont de beaux animaux. Très rustiques, la plus rustique des races bouchères, avec une laine très dense qui leur permet de vivre dehors, par tous les temps. Ce qui permet de la nourrir exclusivement avec du fourrage naturel, sans OGM. Et avec en prime une tête de nounours qui fait toujours son effet ».

    Depuis, il est devenu une référence dans le monde de l’élevage national, sélectionnant année après année les plus beaux spécimens et vendant ses animaux pour constituer d’autres troupeaux dans tout le pays. « J’ai l’amour du travail bien fait. Et je crois que j’ai réussi à transmettre cela à mon fils. D’ailleurs cette année, il m’a battu dans beaucoup de catégories ! Avec l’un de ses béliers, il a même reçu la note de 19 sur 20 ».



    Lui est particulièrement fier d’avoir eu l’un de ses mâles décrocher un deuxième prix, toutes races confondues, pour la qualité de sa laine. « Ces prix, c’est évidemment une reconnaissance qui nous aide dans notre activité. Mais c’est aussi la preuve que malgré les difficultés de notre métier, il est possible de s’en sortir. Moi, c’est toujours le message que je porte auprès des jeunes qui veulent s’installer. Et notamment l’élevage d’ovins qui permet de le faire sans avoir à trop investir », assure l’éleveur qui garde dans un coin de la tête le souvenir de ses aïeuls. « J’ai toujours un vieux gilet de mon grand-père. Il n’y a pas une semaine où je ne le mets pas. Je suis sûr qu’il serait heureux de nous voir réussir en famille et partager les valeurs qu’il m’a inculquées ».