Attentat de Nice : 86 morts en 4 minutes et 17 secondes

86 personnes ont été tuées et plus de 400 blessées le 14 juillet 2016 en soirée à Nice, lorsqu'un camion a foncé sur la foule massée sur la promenade des Anglais après le feu d'artifice. 

 La soirée cauchemardesque a té filmée par les caméras de surveillance.
 La soirée cauchemardesque a té filmée par les caméras de surveillance.

    Voilà dix minutes à peine que s'est évaporé le bouquet final dans le ciel devenu noir. Le jour cède à la nuit. A 22 h 33, ce 14 juillet, la caméra de surveillance de la ville numéro 60 fige l'image de ce camion blanc de 19 t qui s'engage sur la promenade des Anglais. Nathalie, une Niçoise, attend le bus devant l'hôpital Lenval, lorsqu'elle remarque ce « gros camion à l'arrêt » comme pour une livraison, feux éteints : « J'ai vu le chauffeur sourire et accélérer. » Quand Nathalie se retourne, elle aperçoit « plein de corps », « des horreurs ». Le début de 4 minutes et 17 secondes en enfer, durant lesquelles 86 personnes, de multiples nationalités et de confessions diverses, perdent la vie.

    Le conducteur invisible roule maintenant sur le trottoir côté mer, accélérant dans une foule de plus en plus dense, semant la mort derrière lui. Kamel raconte aux enquêteurs : « J'ai vu ma femme essayer d'attraper mes petits-enfants qui dansaient et le camion les a percutés tous les trois. » Franck, lui, voit six membres de sa famille emportés. Lorine, étudiante, offre une barbe à papa à sa petite soeur lorsqu'elle entend « les bruits ». « Vous comprenez, confiera-t-elle aux enquêteurs. C'était les bruits de personnes qui tapaient sur le camion. J'ai vu un petit garçon (pleurs). J'ai vu une dame qui s'est fait renverser et un petit garçon (pleurs). »

    Il change de vitesse et zigzague pour viser des groupes de gens

    Face à l'hôtel West End, trois copines remontent de la plage. Au sol, elles portent secours à cette petite métisse, sa mère « allongée sur le ventre, morte » à son côté. « On avait vu cette maman et cette petite fille juste avant le passage du camion », se souvient Houria. « Je me suis agenouillée près d'elle », témoigne son amie Alexandra. Un os, visible sous la jupe, a ouvert l'artère fémorale. « Lorsque j'ai commencé à m'occuper de la petite, elle était vivante. Après quelques minutes, un monsieur m'a dit sans la voix en articulant juste les mots avec ses lèvres : Elle est morte. » Le papa, hagard, se tient à ses côtés, un bébé dans les bras. Devant les enquêteurs, les témoins, pour parler de la mort atroce des victimes de Nice, emploient des mots doux, « glisser », « sombrer », comme s'ils voulaient les envelopper d'une couverture de douceur.

    Le « camion terroriste », comme l'appellent les enquêteurs, poursuit sa course visant délibérément non la foule mais des groupes de gens, changeant de vitesses et zigzaguant. A 22 h 35, Franck, qui roule sur son Piaggio, sent le souffle du 19 t, le doublant à « 80 km/h ». Il se lance à sa poursuite : « Je n'avais qu'une idée en tête : essayer de stopper ce camion. J'étais à fond, tout en évitant les gens jonchés au sol. Je criais de rage. »

    Une voiture de police tente de rattraper le poids lourd. La foule qui fuit l'en empêche. Le chauffeur repère deux enfants de 6 et 8 ans environ qu'il cherche à écraser. Il les manque in extremis. En aval, les policiers voient déferler vers eux un flot de spectateurs paniqués, puis « à 60 m » cette masse blanche - « il faisait des soubresauts à cause des corps sur lesquels il roulait », dira l'un des policiers. « Arrête-toi, arrête-toi ! » hurle l'un d'eux. La vitre explose : le conducteur vient de tirer sur eux. « Devant le nombre de victimes, j'ai vrillé, reconnaît un livreur. J'ai sorti mon Opinel pour clairement le buter. »

    Les policiers vident leur chargeur pendant plus d'une minute

    Un peu plus loin, le camion ralentit après avoir percuté une pergola entre le Negresco et le palais de la Méditerranée mais repart plus lentement. Il vise maintenant la foule qui lui tourne le dos. Un carnage. A 22 h 35 et 46 secondes, « le camion terroriste » cale. C'est Franck le pilote du Piaggio qui arrive le premier à la hauteur de la portière gauche. « J'ai frappé à plusieurs reprises le conducteur du camion qui était armé d'un pistolet automatique. » On devine enfin les traits de l'assassin. Il vise Franck, tombé au sol et le manque de peu. Les policiers vident leur chargeur, pendant plus d'une minute. « J'ai arrêté de tirer quand j'ai pu remarquer que l'individu ne bougeait plus », dit Gaëtan. Personne ne comprend. Les policiers font le tour du camion. Ils glissent sur le sang. « Tout était figé. » Par réflexe, une jeune femme masque les yeux de sa petite soeur. Et lâche aux policiers, pleine d'effroi : « Moi, j'ai vu... »

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