À Rouen, le double meurtre de la place de la Pucelle devant les juges

L’homme accusé d’avoir tué Elise Fauvel et Julien Tesquet une nuit de décembre 2015 à Rouen était sorti de prison un mois avant et aurait dû être expulsé. Son procès, dont le verdict sera rendu en fin de semaine, s’ouvre ce lundi.

 Les corps tuméfiés de Julien Tesquet et d’Elise Fauvel avaient été retrouvés enlacés dans un drap blanc, les visages recouverts d’une écharpe rose.
Les corps tuméfiés de Julien Tesquet et d’Elise Fauvel avaient été retrouvés enlacés dans un drap blanc, les visages recouverts d’une écharpe rose. DR

    « La situation n'est pas très rassurante ». Lorsqu'elle adresse cet ultime SMS à l'un de ses amis, Elise Fauvel ne sait pas encore que le pire l'attend. Il est 4h29, ce dimanche 20 décembre 2015. Après une soirée festive, la jeune femme de 24 ans vient de regagner son studio de la place de la Pucelle, en plein centre-ville de Rouen (Seine-Maritime). Elle a tenu à ramener chez elle Julien Tesquet, 34 ans, dont l'état d'ivresse avancé préoccupe alors leur groupe d'amis et fait l'objet de cet échange de messages.

    En chemin, Elise Fauvel a trouvé, pense-t-elle, une main secourable en la personne de Jean-Claude Nsengumukiza. Sur sa proposition, ce dernier va l'aider à acheminer Julien Tesquet, titubant et malade, jusque dans son appartement. Dix heures plus tard, l'homme quitte les lieux, laissant derrière lui une insoutenable scène de crime : les deux amis ont été étranglés et Elise brutalement violée. L'homme, un colosse de 38 ans, SDF en situation irrégulière, est jugé à partir de ce lundi et jusqu'à vendredi aux assises de la Seine-Maritime. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour ces crimes dont il soutient n'avoir aucun souvenir, en dépit de preuves accablantes.

    « Satan s'est transformé en moi »

    « Il est toujours terrible pour la famille de ne pas connaître les dernières heures de leur proche, mais dans ce cas précis, c'est peut-être mieux ainsi… », souffle Me Marc Absire, avocat du père de Julien Tesquet, évoquant une « atrocité » doublée d'une « mise en scène macabre » : les deux corps tuméfiés avaient été retrouvés enlacés, les visages recouverts d'une écharpe rose, les corps d'un drap blanc.

    Confondu par son sperme et son ADN retrouvés en quantité dans l'appartement qu'il a pourtant pris soin de nettoyer, Jean-Claude Nsengumukiza va nier, arguant d'un emploi du temps fantaisiste avant d'être contredit par les images de vidéosurveillance et la téléphonie. Au lendemain des faits, il s'est aussi débarrassé de son pantalon et de son portable, il présente des griffures qu'il attribue tantôt à une blessure avec de l'huile bouillante, tantôt au chat d'une amie… « Satan s'est transformé en moi » dira-t-il également, sans convaincre les experts psychiatres qui l'ont jugé en pleine possession de ses moyens, doté au contraire d'une personnalité « manipulatrice et perverse ».

    L'homme s'est plusieurs fois introduit chez des femmes

    « C'est un prédateur, un loup », abonde Me Yves Mahiu, avocat de la famille maternelle de Julien Tesquet : condamné à une dizaine de reprises, l'homme s'est plusieurs fois introduit chez des femmes en escaladant leur façade et en entrant par la fenêtre… En août 2009, il était ainsi parvenu à violer une femme - une « cougar » dit-il de sa victime, qui selon lui était consentante.

    Condamné à huit ans de prison, il avait été libéré un mois seulement avant le double meurtre. « Or il n'aurait jamais dû se trouver là », souligne Me Dominique Lemiegre, avocat de la famille Fauvel, qui compte attaquer l'Etat pour faute lourde. « Il aurait dû être expulsé à sa sortie de prison … mais est ressorti libre comme l'air! », s'agace le pénaliste, soulignant que l'accusé - dont la nationalité, rwandaise ou ougandaise, n'est toujours pas établie - était « passé maître dans l'art de se dérober à l'expulsion, utilisant treize identités, quatorze filiations et six dates de naissance différentes… ».

    « Rien que de très classique et compréhensible pour quelqu'un qui redoute plus que tout l'expulsion », répond Me Julia Massardier, son avocate, jugeant la polémique hors sujet. « Il ne conteste pas sa responsabilité, mais les faits sont assez terribles pour ne pas avoir besoin d'en rajouter », ajoute l'avocate, espérant qu'il soit jugé « pour ces seuls faits et non pour les fantasmes qu'on projette sur lui ». Le verdict est prévu vendredi.