Anne Hidalgo : «J’ai décidé de créer une police municipale à Paris»

Anne Hidalgo, maire de Paris, annonce au Parisien-Aujourd’hui en France qu’après un audit sur la sécurité quotidienne des Parisiens, elle change de position en optant pour des policiers municipaux non armés.

    Paris est la seule ville de France où les pouvoirs de la police générale ne sont pas entre les mains du maire, mais dans celles du préfet de police. Même si ses prérogatives ont été rognées ces dernières années, au profit de la municipalité. Au Parisien-Aujourd'hui en France, Anne Hidalgo annonce ce vendredi la création d'une police municipale.

    Vous avez commandé un audit sur la sécurité à Paris, pourquoi et quels enseignements en tirez-vous ?

    ANNE HIDALGO. Je ne voulais pas rentrer par la question institutionnelle « pour ou contre une police municipale »? Je voulais partir de la réalité. Des faits, des besoins et du vécu des Parisiens. Depuis que je suis maire, j'ai conduit plusieurs réformes sur les questions de sécurité. Puis nous avons eu les attentats en janvier et novembre 2015. Depuis, la police nationale est plus mobilisée sur ces sujets et il y a un champ entier qui n'est pas assez traité : les questions de la tranquillité publique, du quotidien et de la façon dont on peut faire respecter les règles collectives. Il y a donc besoin de faire évoluer cette situation. Nous sommes parvenus à un moment où on peut le faire.

    Vous ne pouviez pas avant ?

    J'ai lancé en 2015 la réforme du statut de Paris avec le soutien de François Hollande et de Manuel Valls. La loi adoptée en 2017 a permis d'élargir les pouvoirs de police du maire de Paris et de transférer des effectifs. Nous avons créé une brigade municipale de lutte contre les incivilités, qui a de bons résultats. Il est désormais possible d'aller plus loin. Compte tenu du consensus des Parisiens sur le sujet et de la nécessité de nommer les choses, j'ai décidé de créer une police municipale.

    Concrètement, quelles doivent être les missions de la police municipale ?

    D'abord, faire respecter la propreté des rues, en luttant contre les dépôts d'ordures ou le vandalisme. Ensuite, assurer la tranquillité publique, en luttant contre les nuisances sonores dans les rues et les espaces verts. Enfin, protéger les citoyens dans leurs déplacements, c'est-à-dire veiller à la sécurité des piétons sur les trottoirs, au respect des pistes cyclables et des feux tricolores, ou encore à la bonne application des normes antipollution… Elle interviendra 24h/24.

    La police municipale parisienne sera-t-elle armée ?

    Non. Je fais le même choix que les maires de Bordeaux ou de Londres qui n'ont pas de police municipale armée. Les agents auront des matraques et des bombes lacrymogènes, qui permettent de garantir un certain nombre d'interventions pour lesquelles cette police est mobilisée. Mais pas d'arme à feu.

    VIDÉO. Anne Hidalgo : «La police ne sera pas équipée d'armes létales»

    En termes d'arme non létale, il y a le pistolet à impulsion électrique… Le retenez-vous à ce stade ?

    Non.

    Dans un rapport interne à la ville, il était préconisé d'équiper vos agents de caméras embarquées.

    Oui, je souhaite des caméras-piétons, pour filmer les interventions. La première violence que subissent nos agents, ce sont les insultes. Ces caméras permettront de prévenir et de sanctionner ces actes.

    Vous étiez opposée à la police municipale, Il y a eu un revirement de votre part sur ce sujet…

    La situation a évolué. En 2013, lors de la campagne municipale, nous à gauche, nous défendions l'idée qu'il fallait améliorer la sécurité dans une coproduction avec la préfecture de police. Je ne voulais pas d'une bataille pour le pouvoir, ça n'a pas de sens. Il fallait s'engager dans un travail en bonne intelligence avec le ministère de l'Intérieur et la préfecture de police. C'est ce que nous avons fait depuis.

    Au sein de votre majorité, il y a une franche opposition de la part de vos partenaires écologistes et communistes. Le plus dur ne reste-t-il pas à faire ?

    Je discute beaucoup avec ma majorité et je respecte les positions de chacun. Mais ma boussole, ce sont les Parisiens. C'est toujours difficile de porter de grandes évolutions et celle-ci fera date. Une des préoccupations majeures, par exemple, est que la création d'une police municipale ne doit pas inciter la police nationale à se désengager de ses missions.

    Vous avez obtenu des assurances du ministre de l'Intérieur à ce propos ?

    Nous sommes évidemment convenus que c'est un principe absolu : la première sécurité des Parisiens, c'est la préfecture de police. Elle a une longue expérience, elle est très compétente dans ses domaines d'intervention. Nous avons besoin de ses 15 000 fonctionnaires de police sur le terrain. Je proposerai un contrat gagnant-gagnant au gouvernement : je m'engage à créer la police municipale et lui s'engage à maintenir les effectifs dans les commissariats.

    Quelles sont les étapes pour la création de cette police municipale ?

    Vendredi, l'audit sur la sécurité des Parisiens a été présenté aux élus. Début février, il y aura un débat au Conseil de Paris, puis des réunions publiques dans les arrondissements. J'adresserai un courrier au ministre de l'Intérieur, pour le saisir officiellement sur cette réforme. Des changements réglementaires et législatifs devront être effectués pour que nos agents aient les compétences de policiers municipaux. Christophe Castaner m'a assuré qu'il m'accompagnerait dans cette démarche et je l'en remercie.

    Faudra-t-il faire voter une nouvelle loi ?

    La loi de 2017 sur la réforme du statut de Paris a créé une base légale solide. Il y aura peut-être quelques compléments.

    Quand souhaitez-vous que cette police municipale entre en action ?

    Dès 2020. Nous allons procéder à 200 recrutements sur l'année qui vient, pour porter nos effectifs à 3 400 agents et moderniser leur équipement.

    Avec cette annonce, ne cherchez-vous pas à couper l'herbe sous le pied à vos opposants ?

    Mon mandat de maire dure six ans. Je ne vais pas arrêter de travailler en attendant la campagne des élections municipales. La sécurité des Parisiens est un sujet essentiel. C'est le moment d'avancer.