Conflit interne entre motards, balle en pleine tête… Ce que l’on sait du meurtre de deux « Hells Angels »

Deux hommes, membres des « Chosen few », un groupe de motards affilié aux Hells Angels, ont été abattus dans la nuit de samedi à dimanche. Les enquêteurs privilégient la piste d’un conflit interne.

Les deux victimes étaient membres d'un club de motards affilié aux "Hells Angels". Illustration JANEK SKARZYNSKI/AFP
Les deux victimes étaient membres d'un club de motards affilié aux "Hells Angels". Illustration JANEK SKARZYNSKI/AFP

    Un drame digne de la série « Sons of Anarchy », qui suit la vie d’un club soudé de motards hors-la-loi des États-Unis. Mais ce samedi 3 août, c’est à Aubigny-au-Bac, dans le Nord, que l’histoire débute. Deux hommes, âgés d’une trentaine d’années, membres d’un club de motards affilié aux Hells Angels, ont été abattus par balles dans un hangar. Pour les enquêteurs, il pourrait s’agir d’un conflit interne.

    Deux hommes, placés en garde à vue depuis dimanche, ont été mis en examen et placé en détention provisoire dans le cadre de l’information judiciaire ouverte, ce mercredi, par le parquet de Douai pour « meurtre en bande organisée » et « participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime ».

    Que s’est-il passé ?

    Ce sont les pompiers qui ont été appelés en premier. À leur arrivée dans ce local, situé dans une zone commerciale d’Aubigny-au-Bac, où des soirées « motards » sont régulièrement organisées, ils découvrent deux hommes, blessés par balles, en arrêt cardio-respiratoire.

    L’une des victimes, qui a reçu au moins une balle dans la tête, a déjà succombé à ses blessures. Les secours tentent de réanimer le deuxième homme, en vain. Son décès est prononcé vers 1h40, cette fois vraisemblablement causé par une balle dans le cœur.

    D’après le quotidien La Voix du Nord, une balle au moins aurait traversé la porte en acier permettant un accès latéral au local. Cité par le même quotidien, un voisin dit avoir entendu « deux à trois coups de feu ». Devant les enquêteurs, des témoins ont affirmé avoir vu plusieurs véhicules, dont une moto, qui stationnaient sur le parking du local, prendre ensuite la fuite après les faits, a appris Le Parisien.

    Qui sont les victimes ?

    Selon les informations du Parisien, les deux victimes étaient tous les deux connues de la justice pour des faits de droit commun. Les deux hommes, âgés de 34 et 38 ans, étaient membres des « Chosen few MC 1 % » (CFMC) — un club de bikers affilié aux célèbres Hells Angels.

    Selon nos informations, le plus âgé des deux, Logan Marcoux, se faisait appeler « Tank » et était le président du club de motards des « Chosen Few MC 1 % ». Samedi, quelques heures avant les faits, « Tank » avait publié une vidéo sur ses réseaux sociaux, dans laquelle il déclarait avoir été « évincé en dehors des règles » et « viré comme un malpropre » par des membres du groupe. « Je vous attends. Je suis chez moi, venez me sortir de là ! », avait-il lancé, face caméra, à l’adresse de ses rivaux en se filmant à l’intérieur des locaux du club.

    Quant à Rémy Vandewalle, 34 ans, le deuxième homme abattu, il s’agirait d’une victime collatérale. Dans La Voix du Nord, son père a affirmé qu’il n’était pas membre des « Chosen Few MC 1 % » et qu’il s’était simplement rendu à Aubigny-au-Bac pour « boire un verre » avec son frère, qui n’est pas non plus membre du club.

    Qui sont les deux hommes en garde à vue ?

    Dimanche, quelques heures après les faits, un premier homme a été interpellé. Le lendemain, un deuxième individu s’est présenté dans l’après-midi à la section de recherches de la gendarmerie de Lille, en charge de l’enquête. Il s’agit d’un Français de 32 ans, connu de la justice pour des infractions aux règles de conduite.

    Les deux hommes ont été placés en garde à vue. L’homme interpellé dimanche aurait eu un « rôle plus modeste » dans ce double meurtre, a précisé le procureur de la République de Douai, Frédéric Fourtoy.

    Après l’ouverture d’une information judiciaire, mercredi, par le parquet de Douai pour « meurtre en bande organisée » et « participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime », les deux hommes ont été présenté à un magistrat instructeur. Ils ont été mis en examen et placés en détention provisoire dans la foulée, a appris Le Parisien, ce jeudi.

    Quelle est la piste privilégiée ?

    Selon les premiers éléments de l’enquête, les policiers privilégient la piste d’un conflit interne au sein du groupe de motards « Chosen Few », affilié aux Hells Angels, selon la source proche de l’enquête. Selon nos informations, des membres avaient déjà procédé à « de nombreux actes délictueux, avec une idéologie néonazie » en 2015.

    À l’époque, quinze motards des « Chosen Few » de Lille, à 50 km d’Aubigny-au-Bac, avaient été interpellés en juin 2015 dans le cadre d’une vaste opération de police visant à démanteler ce club. Celle-ci avait permis, avec l’appui de 230 militaires, de saisir drogue, armes et véhicules volés à Lille, Douai, Lens et Calais.

    Dans le milieu des « bikers », les règlements de comptes se font davantage entre groupes concurrents. En 2021, un affrontement entre « rebels MC » et Hells Angels avait fait un mort à Tarbes (Hautes-Pyrénées).

    Que sait-on des « Hells Angels » ?

    Né aux États-Unis en 1947, les « Hells Angels », résumés dans l’acronyme HAMC, pour Hells Angels Motorcycle Corporation, est un club mondial de motards, fréquemment criminalisé, arrivé en France en 1981. Plusieurs « chapitres », des clubs locaux, se sont installés dans l’Hexagone. Selon nos informations, en France, les « Hells Angels » compte une centaine de motards.

    En 2022, une note du service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée (Sirasco), auquel Le Parisien a eu accès, détaillait la nature de la menace représentée par les gangs de motards. « Le folklore qui entoure ces groupes de motards ne doit pas conduire à les sous-estimer. De nombreux pays d’Amérique et d’Europe du Nord les ont hissés au rang de groupes criminels à haut risque », estime le Sirasco. En 2019, par exemple, les Hells Angels ont été interdits et bannis des Pays-Bas

    D’après une autre note diffusée en interne en 2023 par la gendarmerie, Europol fait de ces groupes « une priorité en termes de criminalité organisée. » L’organisme de coordination des polices européennes déplore toutefois qu’en France, de façon paradoxale, le diagnostic ne soit pas convergent. » Europol se demande alors « si la faible visibilité criminelle des bikers est attachée à la discrétion de ces mouvements, ou à l’incapacité des forces de l’ordre à les détecter. »