Discrimination raciale : SOS Racisme et un groupe immobilier face à face au tribunal

L’association entend déposer plainte contre le groupe ERA Immobilier. Elle appuie ses accusations via des enregistrements que nous avons pu consulter.

 Era Immobilier a lancé une procédure de référé probatoire contre SOS Racisme pour connaître les tenants et aboutissants de l’enquête.
Era Immobilier a lancé une procédure de référé probatoire contre SOS Racisme pour connaître les tenants et aboutissants de l’enquête. ONLYFRANCE.FR/Serge Attal

    Epinglé par SOS Racisme au printemps pour les pratiques supposées discriminatoires de ses franchisés, le groupe immobilier Era réagit. «La discrimination est contraire à nos principes, martèle Eric Allouche, le directeur exécutif de cette enseigne qui compte 400 agences sur le territoire. Notre mise en cause est injuste. »

    Mettant implicitement en cause les conditions de réalisation du testing accusateur, le groupe a lancé une procédure de référé probatoire contre l'association anti-raciste pour connaître les tenants et aboutissants de son opération. L'audience se tiendra ce jeudi. Du côté de SOS Racisme, on se dit totalement serein en arguant, enregistrements à l'appui, de la rigueur des enquêtes.

    Retour en mai dernier. SOS Racisme dévoile les résultats d'une enquête sur les discriminations raciales au logement, nourries par quatre opérations de testing. L'une d'elle consiste à savoir si les professionnels de l'immobilier sont perméables ou non aux critères discriminatoires demandés par les propriétaires.

    «S'ils veulent nos preuves, on leur donnera»

    Des militants de SOS Racisme appellent alors 90 agences immobilières en Ile-de-France (10 agences appartenant à 9 grands réseaux) en se faisant passer pour des propriétaires fictifs refusant de se voir proposer des profils « noirs et arabes ». Bilan : 51% des agences contactées acceptent. Era décroche le bonnet d'âne avec 80% d'agences (8 sur les 10 testées) concernées.

    En chiffres, l’étude menée par SOS Racisme/
    En chiffres, l’étude menée par SOS Racisme/ ONLYFRANCE.FR/Serge Attal

    « Nous avons été surpris par ces résultats, indique Eric Allouche. Nous avons demandé à deux reprises à l'amiable à SOS Racisme de nous communiquer le nom des agences impliquées. En vain. Nous passons désormais par la voie judiciaire. » A SOS Racisme, on assume de ne pas avoir transmis les informations demandées, par souci d'éthique. « Mais s'ils veulent nos preuves, on leur donnera », précise l'association.

    Eric Allouche ne cache pas non plus sa méfiance à l'égard du testing. « Quand je compare avec les résultats de certains de nos concurrents, je trouve que les résultats sont très curieux, avance le directeur exécutif d'Era. J'ai du mal à croire que nous soyons le pire réseau. »

    «Je veux vraiment pas de noirs ou d'arabes»

    A SOS Racisme, on balaye cette remise en cause. Les enregistrements des huit appels problématiques passées dans les franchises ERA testées, dont nous avons pris connaissance, sont explicites. « Donc, parmi les dossiers que vous allez me présenter, moi je veux vraiment pas de noirs ou d'arabes », demande par exemple une fausse propriétaire qui contacte une agence parisienne. « OK OK bon ben écoutez pas de problème », répond le responsable. « A force, on me demande beaucoup ça donc j'ai l'habitude ne vous inquiétez pas », assure pour sa part un franchisé de l'Essonne.

    Certains professionnels se montrent gênés, mais finissent par accepter. « Déontologiquement parlant c'est pas recevable mais je suis capable de l'entendre et puis après de sélectionner un peu plus les dossiers », explique un agent de Seine-et-Marne. Quant à ce franchisé parisien, il sait qu'accepter une telle demande est contraire à la loi : « Si vous me le demandez faut que ça n'apparaisse nulle part, que ça reste oral », explique-t-il à son interlocutrice.

    Devant de tels résultats, SOS racisme s'interroge sur d'éventuelles consignes passées en haut lieu chez ERA. L'association entend ainsi déposer plainte pour « subordination de la fourniture d'un bien ou d'un service à un critère discriminatoire » contre le réseau. «La lutte contre la discrimination est un sujet majeur pour nous, insiste Eric Allouche. Nous le rappelons dans toutes nos formations. Des erreurs ont peut être été commises par certains mais je défends notre réputation. »