Procès en appel à Aix-en-Provence : le couple aux 271 Picasso change de version

      Les époux Le Guennec n'en démordaient pas. Les 271 oeuvres de Picasso stockés dans leur garage? Un cadeau, offert par la dernière femme de l'artiste autour de 1971 ou 1972, en remerciement de leur dévouement. Un ou deux ans avant que Pablo Picasso ne meure. Condamnés en 2015 à deux ans de prison avec sursis, ils viennent de présenter ce lundi une toute nouvelle version des faits, lors de l'ouverture de leur procès en appel à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône).

      L'ex-électricien Pierre Le Guennec, la voix tremblante et l'expression maladroite, a d'abord expliqué que «Madame Picasso Jacqueline», dernière femme de l'artiste, «avait des problèmes avec Claude Picasso», le fils du peintre, né d'une union précédente.

      Quelques mois après le décès de Pablo Picasso, sa dernière compagne aurait, selon l'époux, demandé «de bien vouloir mettre (...) en réserve des sacs poubelle», qu'il chiffre entre 15 et 17. Un temps indéterminé après, elle lui aurait demandé de lui rendre, et lui aurait dit de garder le dernier, en disant «Gardez-le, c'est pour vous.»

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      Eric Dupont Moretti, star du barreau et avocat des prévenus, a affirmé n'avoir obtenu cette version de son client il y a seulement quelques jours, «difficilement» et a demandé un complément d'information. Pierre Le Guennec a indiqué qu'il s'agissait «peut-être» de faire échapper ces sacs à l'inventaire de succession. Il aurait menti par peur d'être accusé du vol des sacs.

      «Je ne crois pas à la version du don», soutenue par les prévenus, a affirmé lundi l'avocat général Christophe Raffin confirmant «largement» le jugement de 2015. «Je pense que c'est une soustraction à un Pablo Picasso vieillissant et à Jacqueline, plus que jamais focalisée sur son mari». «On peut se demander si ce qu'on nous a présenté comme vérité aujourd'hui n'est pas encore un mensonge», a-t-il poursuivi. Deux ans de prison avec sursis ont finalement été requis contre le couple. Une peine identique à celle prononcée en première instance.

      Les oeuvres, non signées ni inventoriées au moment du décès du peintre en 1973, datent de 1900 à 1932. Elles ont refait surface lorsque Pierre Le Guennec s'était présenté à Claude Picasso afin d'en faire authentifier 180, ainsi qu'un carnet de 91 dessins. Les héritiers avaient aussitôt porté plainte.

      Un préjudice à la «confiance» et à la «mémoire» de Picasso

      Durant le procès en première instance, les témoignages de proches et d'experts de Picasso ont tous convergé pour détruire la thèse d'un don. L'enquête n'avait toutefois pas permis d'établir formellement l'identité de l'auteur du ou des vols. Le tribunal avait décidé de remettre les oeuvres au fils de l'artiste, Claude Ruiz-Picasso, représentant les six héritiers au procès.

      Le ministère public avait requis cinq ans de prison avec sursis à l'encontre du couple estimant que les époux septuagénaires avaient porté préjudice à «la confiance» et à «la mémoire» de Pablo Picasso. Pour le procureur Laurent Robert, Pierre le Guennec a été un pion manipulé par des marchands d'art véreux, tentant d'écouler des oeuvres initialement volées par son cousin «Nounours», ex-chauffeur de Picasso.