Le difficile procès de Patrick Giovannoni, repenti corse

Premier accusé à être jugé sous le statut de repenti, Patrick Giovannoni était absent lors de l’ouverture de son procès lundi. Celui-ci se tiendra à huis clos.

 Ajaccio, le 18 octobre 2010. Antoine Nivaggioni a été criblé de balles par deux tueurs alors qu’il sortait du domicile d’une de ses amies à Ajaccio (Corse-du-Sud).
Ajaccio, le 18 octobre 2010. Antoine Nivaggioni a été criblé de balles par deux tueurs alors qu’il sortait du domicile d’une de ses amies à Ajaccio (Corse-du-Sud). AFP/STEPHAN AGOSTINI

    « Une audience publique serait de nature à mettre en grand danger sa vie et son intégrité physique au regard de la qualification des faits! » Lundi, Patrick Ramaël, président de la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, a accepté la demande de huis clos de Patrick Giovannoni, le premier accusé à être jugé sous le statut de repenti « à la française », absent au début de l'audience et qui tenait à ne pas apparaître à visage découvert.

    Malgré les protestations des avocats des quatre autres prévenus dans ce dossier corse mêlant banditisme et nationalisme, la cour d'assises a entendu les arguments de M e Laurent-Franck Liénard, le défenseur de Patrick Giovannoni. L'homme de 48 ans a en effet avoué aux enquêteurs sa participation comme « petite main » à l'exécution par balles en 2010 à Ajaccio d'Antoine Nivaggioni, un militant du MPA (Mouvement pour l'autodétermination) reconverti dans les affaires, en pleine guerre entre nationalistes corses.

    « Il est normal de prendre le maximum de précautions »

    Mis en examen mais acceptant de collaborer avec la justice et protégé depuis 2015 par le statut de repenti mis en place par la loi Perben II de 2004, qui est réellement entrée en vigueur en 2014, il a orienté les enquêteurs vers les noms des assassins présumés : des membres de la bande du Petit Bar, des héritiers de l'empire de Jean-Jérôme Colonna qui a régné sur la Corse du Sud jusqu'à sa mort en 2006. « On est dans une affaire avec des gens qui en tuent d'autres, il est normal de prendre le maximum de précautions en limitant autant que possible le nombre de ceux qui verront son visage. S'il n'y avait pas eu le huis clos, il ne serait peut-être pas venu au palais », justifie Me Liénard, qui ne sait pas où réside son client doté d'une nouvelle identité et protégé par les hommes du service interministériel d'assistance technique (Siat).

    « Une visioconférence a été envisagée, mais tenir deux semaines de procès en continu était très difficile techniquement. » Il demande également que Giovannoni, « qui n'a pas empêché le crime mais en a dénoncé ses auteurs », ne soit pas condamné à de la prison ferme, ce qui « tuerait dans l'œuf ce statut de repenti en plein rodage ». Alors que les avocats de Giovannoni ont réservé une place dans la salle d'audience à leur client loin des autres accusés, dont deux sont incarcérés, « pour éviter regards et pressions », les défenseurs des autres mis en examen ont plaidé jusqu'au bout pour la publicité des débats.

    « Inadmissible » pour les avocats

    « Ce huis clos est inadmissible, il permet toutes les manipulations et nous replonge soixante-dix-huit ans en arrière quand on valorisait les collaborateurs de toute nature », dénonce ainsi Me Bernard Ripert. « Monsieur Giovannoni, dont on dit qu'il est un repenti, ne raconte que des choses qui sont très loin de la vérité. Il est facile d'accuser quelqu'un pour se protéger soi-même quand on est le seul à avoir avoué sa participation à un assassinat. »

    Accusé d'être le commanditaire de l'exécution, Jacques Santoni, 40 ans, tétraplégique depuis un accident de moto en 2003, sera lui jugé ultérieurement, son état de santé lui interdisant de comparaître dans ce procès qui se tient jusqu'au 2 mars prochain.