Location de gros-porteurs privés : un centre militaire perquisitionné dans les Yvelines

Le Parquet national financier enquête sur le recours par l'armée française à des transporteurs aériens privés.

Pour ses opérations extérieures, l'armée française a recours à la location de gros porteurs privés. (Illustration)
Pour ses opérations extérieures, l'armée française a recours à la location de gros porteurs privés. (Illustration) LP/Philippe de Poulpquet.

    Un centre militaire des Yvelines chargé de l'acheminement du fret vers les théâtres d'opérations et placé sous la tutelle de l'état-major des armées a été perquisitionné mardi dans le cadre de l'enquête du Parquet national financier sur le recours par l'armée française à des transporteurs aériens privés.


    Le Centre du soutien des opérations et des acheminements (CSOA), un organisme inter-armées chargé de coordonner le soutien logistique militaire a été perquisitionné par les gendarmes, ainsi qu'un prestataire des armées, la société International Chartering Systems (ICS), à Paris, a révélé  Le Monde. Le Parquet national financier n'a pas souhaité commenter cette information.

    Une location jugée «excessivement coûteuse»

    L'enquête porte sur la location jugée «excessivement coûteuse» de gros-porteurs sur le marché privé, faute pour l'armée française de posséder elle-même les avions nécessaires. Interrogé par l'AFP, l'entourage de la ministre des Armées, Florence Parly, en poste depuis juin, a confirmé que la justice avait été saisie au titre de l'article 40, qui oblige tout fonctionnaire à signaler un crime ou un délit dont il aurait connaissance, mais n'a pas donné plus de précisions.


    Le CSOA «centralise le pilotage des flux de transport et peut ainsi les optimiser». Il s'assure «le suivi, la qualité du service rendu, les délais d'acheminement et la connaissance des ressources déployées sur les théâtres», indique le site du ministère de la Défense. Début octobre, Le Monde avait révélé que la Cour des comptes avait saisi du dossier les magistrats du Parquet national financier avant l'été. En mars, un rapport du député François Cornut-Gentille (LR) avait pointé du doigt la trop grande dépendance de l'armée française envers les Russes et les Ukrainiens dans le domaine du transport stratégique ainsi que les fragilités «juridiques» et «financières» entourant les contrats de location.

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    L'armée ne couvre «au mieux» qu'un quart de ses besoins

    «Pour la projection et l'entretien de nos forces armées sur les théâtres extérieurs, la France est soumise au bon vouloir d'opérateurs (aériens) russes et ukrainiens», soulignait-il alors dans son rapport présenté en commission des Finances à l'Assemblée nationale. Selon le document, l'armée française couvre «au mieux» un quart de ses besoins en matière de transport vers les théâtres d'opération.


    L'armée de l'Air ne dispose que de deux Airbus A340 et trois A310, âgés de 20 à 30 ans en moyenne, ainsi que de 11 Boeing C135 et trois KC135 d'un âge canonique souvent supérieur à 50 ans. Le nouvel avion de transport militaire européen A400M, outre ses retards de livraison et ses problèmes techniques, ne peut pour sa part rivaliser en termes de coût et de capacité d'emport avec les gros porteurs ukrainiens Antonov 124, notamment pour le fret hors gabarit, ajoutait le rapport.


    Selon un document budgétaire détaillant les dépenses des armées pour 2018, cité par Le Monde, les Antonov 124 ont été facturés 67 500 euros l'heure de vol en 2017 par la société International Chartering Systems (ICS), un prix en hausse de 37% en un an. Un deuxième contrat, dit Salis, passé auprès d'une agence de l'Otan pour les mêmes avions, a été facturé 38 600 euros l'heure de vol en 2017, un prix stable. Dans son rapport, François Cornut-Gentille relevait que l'armée recourait «anormalement» à ICS, une pratique défiant selon lui la «logique financière».