Merah condamné à vingt ans mais pas jugé complice du crime de son frère

Le crime d'association de malfaiteurs terroriste a été retenu contre Abdelkader Merah et son coaccusé. Mais le frère du tueur au scooter a été acquitté de la complicité des assassinats perpétrés par Mohamed Merah en 2012 à Toulouse et Montauban. 

    Dans une salle comble bardée de forces de l'ordre, un silence absolu. Après huit heures de délibéré et cinq semaines d'un procès sous haute tension, la Cour d'assises spéciale de Paris a rendu son verdict dans l'affaire Merah — un verdict complexe, en demi-teinte, bien en deçà des peines requises par l'avocate générale et dont le président Franck Zientara a tenu à détailler longuement la motivation.

    Les cinq magistrats jurés de cette formation dédiée aux crimes terroristes ont donc tranché. Jugé coupable du vol du scooter utilisé par Mohamed Merah pour ses crimes, Abdelkader Merah, 35 ans, frère aîné du terroriste islamiste de Toulouse et Montauban, est condamné à une peine de vingt ans de réclusion assortie d'une sûreté des deux tiers pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle ». Il est en revanche acquitté du crime de complicité d'assassinats, pour lequel il encourait la perpétuité -- demandée par le ministère public.

    LIRE AUSSI
    >
    «Dans moins de 15 ans, il sera dans la rue et sera un danger pour nos jeunes», lance la mère d'une victime

    Son coaccusé Fettah Malki, 35 ans, fournisseur du pistolet-mitrailleur Uzi utilisé par Mohamed Merah à l'école juive Ozar Hatorah, écope de quatorze ans de réclusion, également pour association de malfaiteurs terroriste criminelle, avec deux tiers de sûreté- là où l'avocate générale avait requis vingt ans.

    Dans le box, sonné, Fettah Malki ne réagit pas. « A aucun moment je n'ai pu imaginer que Mohamed allait commettre de telles atrocités », avait-il affirmé dans ses derniers mots à la cour, en demandant « pardon » aux proches des victimes. « Je ne suis pas un meurtrier, pas un djihadiste », s'était-il défendu durant le procès. « Il est effondré à l'idée d'être considéré comme un terroriste. Il envisage de faire appel », annonce l'un de ses avocats, M e Christian Etelin. « Il paye la nouvelle définition de l'association de malfaiteurs terroriste, qui vise à signifier à tous : attention à ceux que vous fréquentez », commente son autre conseil Edouard Martial.

    Épuisement et déception des parties civiles

    Impassible à l'énoncé du verdict, Abdelkader Merah esquissera plus tard un sourire en saluant ses avocats. « Je n'ai rien à voir avec les assassinats commis par mon frère », avait-il dit, laconique, avant que les jurés ne partent délibérer. Sur les marches, ses avocats, Me Eric Dupond-Moretti, Antoine Vey, Archibald Celeyron sont accueillis par les huées de provocateurs mêlés à la foule. Lors de ses plaidoiries, le trio de la défense s'était attelé à démontrer la faiblesse des éléments à charge, appelant les jurés à ne pas céder « à la pression de l'opinion ». Ils ont été en partie entendus. « En acquittant Abdelkader Merah du crime de complicité d'assassinats, la cour d'assises a rappelé que même dans les affaires de terrorisme les plus graves, la preuve et la règle de droit n'étaient pas reléguées au rang d'accessoires », a avancé Me Dupond-Moretti.

    Serrées sur les bancs des parties civiles, les familles des victimes ont accueilli la décision dans le calme. Elles s'enlacent, les yeux rougis. Elles pleurent d'épuisement, de déception aussi. Latifa Ibn Ziaten, mère du premier soldat tué par Mohamed Merah, peine à quitter la salle. Plus tard, assaillie de caméras, elle confie son désarroi. « Je suis vraiment déçue. Mon fils est mort pour rien. Je pense que [les magistrats de la cour] n'ont pas été jusqu'au bout. » Samuel Sandler, père et grand-père de trois des victimes juives, exprime le même sentiment : « C'est mieux que rien mais nos enfants, eux, ont pris perpétuité. Lui (NDLR : Abdelkader Merah) aura tout oublié dans quinze ans. Nous, notre peine, notre malheur, sont éternels. »

    QUESTION DU JOUR. La peine de prison infligée à Abdelkader Merah vous semble t-elle juste?