Meurtre d’Alexia Daval : «Un scénario machiavélique» pour le procureur

L’enquête sur le meurtre d’Alexia Daval, tuée en 2017, est terminée. Selon nos informations, le procureur demande un procès aux assises et estime que son mari Jonathann a élaboré une mise en scène, bien loin d’une mort accidentelle.

 « L’enquête a permis d’établir le caractère volontaire des coups portés sur sa compagne » par Jonathann Daval écrit le procureur dans son réquisitoire définitif.
« L’enquête a permis d’établir le caractère volontaire des coups portés sur sa compagne » par Jonathann Daval écrit le procureur dans son réquisitoire définitif. DR

    C'est un document qui laisse entrevoir le travail de fourmi, patiemment et méthodiquement accompli par les enquêteurs. Dans son réquisitoire définitif daté du 18 décembre dernier, le procureur de Vesoul Emmanuel Dupic rend d'ailleurs hommage aux gendarmes ayant travaillé sur le dossier Daval, celui d'une disparition inquiétante d'une joggeuse, qui s'avérera, très vite, être en fait un meurtre conjugal.

    Au fil des 29 pages résumant cette enquête ayant pris une tournure hors norme en raison de sa médiatisation, des dénégations et des revirements spectaculaires du mis en cause, Emmanuel Dupic souligne d'ailleurs les doutes quasi-immédiats des gendarmes de Gray (Haute-Saône).

    Quand Jonathann Daval se présente à eux, le 28 octobre 2017, pour signaler la disparition d'Alexia, ceux-ci s'étonnent d'emblée de ses griffures aux bras. Puis de son discours : il explique que son épouse est violente et l'accuse de la droguer… La propre mère de Jonathann, qu'il est passé voir ce matin-là, leur apprend qu'il s'est montré étrange, et ce, dès 9h30. « Je l'ai trouvé pas bien ». « Il m'a dit ça m'inquiète […] parce qu'Alexia est partie faire son jogging toute seule ».

    « La volonté d'échapper à sa responsabilité »

    Le corps de la jeune banquière, partiellement brûlé, est découvert le lundi 30 octobre dans un bois. Un bouchon y est ramassé, correspondant à une bombe aérosol retrouvée chez Jonathann et ayant servi à enflammer le corps. Idem au sujet d'un drap. Des moulages de pneus, deux témoignages humains et le traceur GPS de sa voiture le désignent…

    Mais Jonathann Daval s'enferme dans un mensonge qu'il a entouré d'une mise en scène : SMS envoyé depuis le portable d'Alexia pour faire croire à une sortie jogging, construction d'un alibi avec de multiples allers-retours dans la matinée, SMS inquiets à Alexia…

    Une « volonté d'échapper à sa responsabilité », résume Emmanuel Dupic, qui rappelle que Jonathann Daval a dû être entendu pas moins de douze fois pour passer des aveux complets. Le magistrat revient notamment sur la confrontation du 7 décembre 2018, lors de laquelle, face à Isabelle Fouillot, sa belle-mère qui l'implorait, le mis en examen a soulagé sa conscience.

    VIDÉO. Aveux de Jonathann Daval : « Nous voulions la vérité, nous l'avons eue »

    « Un instant d'une rare intensité », souligne le procureur pour qui l'intention homicide ne fait pas débat, contrairement aux déclarations, ce jour-là, de Jonathann : « Je ne veux pas de votre pardon, j'ai tout perdu. C'était un accident, je n'ai pas voulu », avait-il dit à sa belle-mère.

    « L'enquête a permis d'établir le caractère volontaire des coups portés sur sa compagne et l'étranglement de cette dernière pour entraîner sa mort, en dehors de toute situation de légitime défense », écrit le magistrat, anticipant la ligne de défense du mis en cause, que son avocat Me Randall Schwerdorffer a comparé dans la presse à Jacqueline Sauvage.

    « Intention mortifère »

    À cette fin, il souligne la durée de l'étranglement : 4 à 5 minutes. « À aucun moment Jonathann Daval n'a cessé […], manifestant ainsi son intention de tuer. Il n'a en outre jamais appelé les secours. » La dissimulation et la destruction du corps viennent enfin asseoir cette « intention mortifère ».

    Pourquoi le corps d'Alexia était-il particulièrement brûlé aux parties intimes ? « Sur ce point précis, le doute demeure quant aux intentions de Jonathann Daval », concède Emmanuel Dupic, qui s'interroge enfin sur la question de la préméditation, pertinente au vu de ce qu'il qualifie de « scénario machiavélique ».

    Mais, « si les éléments caractérisant une parfaite organisation de la disparition du corps après l'homicide sont bien constitués, l'information judiciaire n'a pas permis de caractériser la préparation du crime avant sa survenance », écrit Emmanuel Dupic, réclamant ainsi que Jonathann Daval soit jugé pour meurtre sur conjoint. Ce dernier encourt la réclusion criminelle à perpétuité.