Procès du «bébé du coffre» : deux ans de prison ferme pour la mère de Séréna

Rosa-Maria Da Cruz a été condamnée à cinq ans de prison, dont deux ferme pour avoir causé des handicaps irréversibles à sa fille, confinée durant deux ans. La cour d’assises a notamment retenu son parcours de vie fait de plusieurs dénis de grossesse.

 Tulle (Corrèze), lundi 12 novembre. Rosa Maria Da Cruz, la mère de Séréna, lors de son procès.
Tulle (Corrèze), lundi 12 novembre. Rosa Maria Da Cruz, la mère de Séréna, lors de son procès. AFP/Georges Gobet

    Indéchiffrable jusqu'au bout. On ne lit ni soulagement, ni joie, ni tristesse sur son visage, seulement une forme de lassitude. A peine glisse-t-elle un « prends soin des enfants » à sa sœur, venue l'embrasser dans le box des accusés avant de quitter le tribunal pour être incarcérée. Ce vendredi, Rosa-Maria Da Cruz a pourtant évité le pire. La mère de la petite Séréna, cette enfant née en cachette puis confinée durant ses deux premières années de vie dans un coffre de voiture, a été condamnée par la cour d'assises de la Corrèze à une peine de cinq ans de prison, dont trois avec sursis, assorti d'une mise à l'épreuve et d'une obligation de soins. Un verdict clément, loin des 20 ans encourus en raison des séquelles irréversibles de la fillette. Loin également des huit années de réclusion criminelle réclamées par l'avocat général, qui peut toutefois faire appel.

    Un peu plus tôt dans la matinée, ce dernier avait certes reconnu l'existence d'un déni de grossesse de la part de l'accusée - ce phénomène psychique encore méconnu dont il a tant été question durant cette semaine d'audience. Olivier Kern a toutefois estimé que celui-ci s'était mué en « dissimulation » au moment de cet accouchement éclair au sous-sol du pavillon familial de Brignac-la-Plaine (Corrèze), le 24 novembre 2011. Un incroyable mensonge rendu possible deux ans durant par « l'organisation millimétrée » de cette mère de trois autres jeunes enfants. Et une mise au secret aux conséquences désastreuses pour Séréna, enfermée dans ce réduit aux relents immondes, pataugeant dans ses excréments - « ce cloaque dont elle sortira fortuitement », a rappelé Me Rodolphe Costantino pour l'association Enfance et Partage, grâce à un garagiste, en octobre 2013.

    « Elle manque alors de tout : de fer, de vitamine D, de calcium. Les experts utilisent des termes terribles : on parle de nanisme psychosocial, de rachitisme ! » a tonné l'avocat général. Mais Rosa-Maria Da Cruz, dont il ne nie pas l'attachement à cette enfant dont elle s'est partiellement occupée, a selon lui fait un « choix ».

    « Je voudrais lui demander pardon »

    « On ne choisit pas, on subit le déni de grossesse ! » a martelé en défense Me Chrystèle Chassagne-Delpech, théorisant que ce dernier s'était ensuite poursuivi en « déni d'enfant ». Développant sa plaidoirie autour de cet état de « dissociation psychique » qui rend des femmes inconscientes de leur propre grossesse - au point de ne pas prendre de poids et d'avoir des saignements qu'elles pensent être leurs règles - l'avocate a parlé de « fléau » qui reste à ce jour dans un « vide psychiatrique ». De fait, tous en ont convenu, l'audience n'aura pas permis de cerner les ressorts profonds des agissements de Rosa-Maria Da Cruz, une femme sans pathologie mentale ni traits pervers, restée lisse et inaccessible. Peut-être sont-ils à trouver dans ce couple qu'elle idéalise, quand son concubin est notoirement alcoolique, infidèle et désinvesti ; plus sûrement, a estimé son avocate, dans le manque de suivi médical après son premier accouchement - « un carnage » - puis deux autres naissances inopinées, dont un déni cinq ans avant Séréna.

    Ce vendredi, la cour d'assises a justifié sa mansuétude par la « prise en compte du parcours » de l'accusée, aujourd'hui âgée de 50 ans, mais aussi par ses responsabilités familiales - elle pourra solliciter une remise en liberté à brève échéance pour élever ses trois enfants. Quant à Séréna, les jurés ont prononcé à son égard la déchéance totale de l'autorité parentale, estimant que son seul contact pourrait mettre à bas tout le travail de reconstruction de la fillette, confiée aujourd'hui à une famille d'accueil. Une décision que Rosa-Maria Da Cruz avait anticipé : « Je voudrais lui demander pardon pour tout le mal que je lui ai fait, avait-elle dit dans ses derniers mots à la cour. Je me rends compte que je lui en ai fait beaucoup et que je ne reverrai plus jamais ma petite fille. »