« Je me suis aperçue que Boulogne était un fief russe, l’idée m’est venue d’écrire »

Carole Sorreau, écrivaine de Boulogne, a écrit son premier roman « De la Neva à la Seine », inspiré de faits réels sur deux destins de femmes, dont celui d’une Russe blanche

 Carole Sorreau a écrit son premier roman « De la Neva à la Seine », un roman inspiré de faits réels sur deux destins de femmes, dont celui d’une Russe Blanche.
Carole Sorreau a écrit son premier roman « De la Neva à la Seine », un roman inspiré de faits réels sur deux destins de femmes, dont celui d’une Russe Blanche. Garami

    En 2007, Elena, la trentaine, tente de reconstruire sa vie à Paris après la mort de son mari. Quand elle se lance dans les travaux de rénovation de son nouvel appartement elle fait une découverte étonnante qui va la pousser sur les traces de Viktoria, une aristocrate de Saint-Pétersbourg qui a quitté, en 1917 sa Russie natale pour fuir la révolution bolchevique et se réfugier à Paris.

    « De la Neva à la Seine », aux éditions Maïa, est le premier roman de Carole Sorreau, écrivaine boulonnaise qui dédie son livre aux Russes blancs, à l'occasion de la commémoration de la Révolution russe, il y a cent ans. Rencontre avec l'autrice.

    Comment est née l'histoire de votre roman ?

    C'est arrivé par un événement banal de la vie quotidienne. Nous avons eu de gros travaux à faire dans mon immeuble rue Georges-Sorel. J'ai effectué alors quelques recherches sur les anciens plans de l'immeuble et l'urbanisme de Boulogne, et j'ai découvert une liste de déportés juifs qui ont vécu dans cette même rue.

    Sur la liste figurait le nom d'une femme : Bertha Billig, une juive russe déportée sur délation en 1943. J'ai cherché alors à retrouver sa trace. Elle avait fui la Révolution russe en 1917, s'était installée en Allemagne avant de venir s'établir à Boulogne car elle craignait la montée de l'antisémitisme. C'est alors que je me suis aperçue que Boulogne était un des fiefs des exilés Russes après la révolution bolchevique. L'idée m'est donc venue d'écrire un livre.

    Pourquoi avoir choisi deux héroïnes ?

    J'ai toujours trouvé passionnant les combats menés par les femmes et ce qu'elles nous ont légué aujourd'hui. Viktoria, avant d'arriver en France, ne sait pas cuire un œuf. Elle ne connaît que le prix d'un diadème et va devoir s'adapter, gagner de l'argent dans un monde complètement nouveau. Elena apprend-elle à vivre sans son mari. C'est également un nouveau défi et elle va partir dans les traces de Viktoria. Ce sont deux destins croisés de femmes fortes.

    Vous travaillez dans le domaine de l'agriculture, l'écriture est loin de votre métier…

    Je suis passionnée d'histoire depuis toujours. Et ce pan du passé est assez méconnu. J'ai donc souhaité, modestement, retracer l'histoire de ces destins tragiques qui ont tout perdu, sont arrivés dans les Hauts-de-Seine, pensant, pour beaucoup, rentrer un jour en Russie, mais n'en sont finalement jamais repartis. Les Russes blancs ont apporté beaucoup à la France dans l'art, le cinéma, la mode, la musique… C'était ma manière de leur rendre hommage.

    Comment avez-vous travaillé ?

    Cela m'a demandé beaucoup de travail. J'ai mis 18 mois à écrire le livre. Pour cela j'ai lu environ 70 livres d'histoires, j'ai épluché des milliers d'articles d'époque et fait énormément de rencontres. J'ai pu ainsi recueillir les témoignages de Russes blancs de deuxième, troisième et quatrième générations, et ai pu avoir accès à des carnets privés. J'ai beaucoup travaillé également avec les églises orthodoxes de Boulogne, de Paris XVe et XVIe. Pour décrire les lieux, j'ai fait moi-même une carte des anciens quartiers russes de la ville et me suis plongée dans l'étude de plans de Saint-Pétersbourg d'époque. Quand mon livre a été publié, beaucoup de descendants de Russes blancs m'ont félicité, et c'est un magnifique cadeau.

    « De la Neva à la Seine », aux éditions Maïa, 366 p., 19 €.