Birmanie : un peu moins de manifestants dans la rue, face au déploiement militaire

Les manifestations se poursuivent en Birmanie, en réaction au putsch du 1er février. Mais les forces de l’ordre ont intensifié la répression, en déployant des troupes dans le pays.

En Birmanie, les manifestations se poursuivent malgré le renforcement de la répression militaire.
En Birmanie, les manifestations se poursuivent malgré le renforcement de la répression militaire.

    Des manifestants pro-démocratie sont de nouveau descendus dans les rues, ce lundi, en Birmanie, mais ils étaient moins nombreux que les jours précédents, en raison de l’intensification de la répression par la junte, qui a déployé des troupes dans le pays.

    Plusieurs centaines de contestataires étaient malgré tout assis près du siège de la banque centrale, dans le nord de Rangoun - la capitale économique - pour appeler les fonctionnaires à se mettre en grève. Certains agitaient des drapeaux rouges aux couleurs de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d’Aung San Suu Kyi, d’autres appelaient à « chasser la dictature ».

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    La foule était tout de même moins dense que les jours précédents, selon des journalistes de l’AFP sur place. Outre la présence des forces de l’ordre, appuyées par des canons à eau et des camions militaires, certaines entreprises avaient envoyé des courriels à leurs employés pour les inciter à ne pas manifester. « On essaye de nous faire peur en déployant les soldats », a regretté un manifestant, tandis qu’un autre a assuré que « les mouvements populaires ne s’arrêter [aient] pas ».

    D’autres rassemblements se sont tenus à travers le pays, et notamment à Naypyidaw, la capitale administrative construite par la junte. Selon un journaliste local, plusieurs dizaines de personnes ont été arrêtées, dont une vingtaine d’étudiants.

    La répression se durcit

    La veille, les militaires s’étaient déployés dans plusieurs villes du pays. De quoi raviver d’inquiétants souvenirs du passé et notamment les soulèvements populaires de 1988 et 2007, qui ont été réprimés dans le sang par l’armée. Depuis le début des contestations début février, les forces de l’ordre ont déjà dispersé violemment des rassemblements, en tirant sur des manifestants. Une jeune femme de 20 ans, grièvement blessée la semaine dernière, se trouve toujours dans un état critique.

    Dimanche, plusieurs personnes ont été blessées dans le nord du pays. Une journaliste locale n’a pas pu préciser à l’AFP si des balles réelles ou des munitions en caoutchouc avaient été utilisées. Cinq journalistes ont été interpellés lors d’un rassemblement et Internet a été quasiment coupé pendant une grande partie de la nuit de dimanche à lundi, mais les connexions ont été rétablies dans la matinée.

    En réaction aux vagues d’arrestations nocturnes, des comités de vigilance citoyenne ont vu spontanément le jour : des habitants sont chargés de surveiller leur voisinage en cas d’opérations menées par les autorités pour arrêter des opposants.

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    Ces manifestations - les plus importantes depuis la « révolution de safran » menée par des moines en 2007 - ont lieu en réponse au putsch du 1er février, qui a renversé le gouvernement civil d’Aung San Suu Kyi et mis fin à une fragile transition démocratique de 10 ans. L’ex-dirigeante de 75 ans a été inculpée pour avoir importé illégalement des talkies-walkies. Elle est assignée à résidence et « en bonne santé », selon son parti, la Ligue Nationale pour la démocratie (LND). Elle devrait paraître en audience ce mercredi.

    Depuis le putsch, près de 400 personnes - responsables politiques, militants, médecins, étudiants - ont été arrêtées.

    Des réactions à l’international

    Cette escalade de la répression a été condamnée par l’ONU. Le secrétaire général, Antonio Guterres, a enjoint dimanche la junte à « garantir que le droit de se réunir pacifiquement est pleinement respecté », demandant aux généraux d’autoriser « d’urgence » la diplomate suisse Christine Schraner Burgener à venir sur place « pour évaluer directement la situation ».

    Les chefs de la junte seront « tenus pour responsables » des violences, a averti de son côté Tom Andrews, rapporteur spécial des Nations Unies pour la Birmanie, tandis que les représentants diplomatiques des Etats-Unis, du Canada et de plusieurs pays de l’Union européenne ont exhorté l’armée à « ne pas recourir à la violence ». Washington a, par ailleurs, détaillé une série de sanctions à l’encontre de plusieurs généraux, leur demandant de rendre le pouvoir. En vain.

    Les généraux putschistes contestent la régularité des législatives du mois de novembre, massivement remportées par la LND. Ils affirment avoir pris le pouvoir en respectant la Constitution et ont ordonné aux journalistes d’arrêter de parler de « coup d’Etat ».