Crise en Birmanie : Internet coupé, des manifestants blessés et des journalistes arrêtés

Les forces de l’ordre ont tiré sur des manifestants ce dimanche en Birmanie, tandis que des militaires se déployaient et qu’Internet était presque totalement coupé.

Rangoun, le 14 février 2021. Des gens se rassemblent autour d'un véhicule blindé, après des jours de manifestations de masse contre le coup d'État.
Rangoun, le 14 février 2021. Des gens se rassemblent autour d'un véhicule blindé, après des jours de manifestations de masse contre le coup d'État.

    La tension est montée d’un cran ce dimanche en Birmanie. Les forces de l’ordre ont tiré sur des manifestants, tandis que des militaires étaient en train d’être déployés, faisant craindre une répression imminente du mouvement de protestation contre le coup d’Etat du 1er février qui a renversé le gouvernement d’Aung San Suu Kyi.

    Coupure Internet quasi-générale. La Birmanie connaît des « coupures d’internet » dans l’ensemble du pays, a indiqué ce dimanche l’ONG de surveillance d’internet, NetBlocks. Ces importantes perturbations « ont commencé vers 1 heure » (19 heures en France), a fait savoir l’organisation qui précise qu’Internet fonctionne à « 14 % de ses niveaux habituels ».

    Soldats déployés. Des chars ont été aperçus à Rangoun, la capitale économique. Des déploiements de soldats ont été constatés dans d’autres villes, d’après des images diffusées sur les réseaux sociaux. Nous avons reçu « des indications sur des mouvements de troupes », a confirmé sur Twitter l’ambassade des Etats-Unis en Birmanie, demandant aux Américains de rester à l’abri.

    Mobilisation massive. La mobilisation ne faiblit pas avec des fonctionnaires (enseignants, docteurs, employés de chemin de fer, etc.) en grève. Ce dimanche, pour le neuvième jour consécutif, les Birmans sont descendus par dizaines de milliers dans les rues. A Rangoun, ils se sont notamment réunis près de la célèbre pagode Shwedagon, pour réclamer la fin de la dictature et la libération de la lauréate du prix Nobel de la paix 1991, tenue au secret depuis son arrestation. A Dawei (sud), sept policiers ont annoncé faire défection, tandis que des médias locaux ont fait état de cas similaires ces derniers jours.

    Tirs sur des manifestants, journalistes interpellés. A Myitkyina, dans le Nord, il y a eu plusieurs blessés quand les forces de l’ordre ont dispersé des manifestants en tirant, d’après une journaliste locale. « Ils ont d’abord lancé du gaz lacrymogène, puis ont tiré », a-t-elle déclaré, sans pouvoir préciser si des balles réelles ou des munitions en caoutchouc avaient été utilisées. Cinq journalistes ont été interpellés à cette occasion, d’après un média local.

    Chasse aux « fugitifs ». L’armée a de son côté diffusé une liste de sept militants parmi les plus renommés de Birmanie, qu’elle recherche activement pour avoir encouragé les manifestations. « Si vous trouvez les fugitifs mentionnés ci-dessus ou si vous avez des informations à leur sujet, signalez-vous au poste de police le plus proche », a-t-elle écrit dans un communiqué. « Ceux qui les hébergent seront (confrontés) à des actions conformément à la loi ». Sur la liste des sept « fugitifs » figure le nom de Min Ko Naing, un leader du mouvement étudiant de 1988, qui a déjà passé plus de dix ans en prison. « Ils arrêtent les gens la nuit et nous devons être prudents », a-t-il déclaré quelques heures avant l’émission de son mandat d’arrêt. « Ils pourraient sévir avec force et nous devrons être préparés » a-t-il ajouté dans une vidéo publiée sur Facebook.

    Pouvoirs d’exception. Le chef de la junte, Min Aung Hlaing, a doté samedi les forces de l’ordre de pouvoirs d’exception. Elles peuvent procéder à des perquisitions sans mandat ou détenir des personnes pour une courte période sans l’autorisation d’un juge. Depuis le putsch, quelque 400 personnes ont été arrêtées, des responsables politiques, des militants et des membres de la société civile, y compris des journalistes, des médecins et des étudiants.

    Réactions internationales. Réagissant à cette escalade de la répression, les ambassadeurs en Birmanie des Etats-Unis, du Canada et de plusieurs pays de l’Union européenne ont diffusé une déclaration commune sur Twitter, exhortant l’armée à « ne pas recourir à la violence à l’encontre des manifestants et des civils ». « C’est comme si les généraux avaient déclaré la guerre au peuple birman », a tweeté Tom Andrews, rapporteur spécial des Nations unies pour la Birmanie. « A l’attention des généraux : vous serez tenus pour responsables ». La situation a fait l’objet de nombreuses condamnations internationales depuis deux semaines, Washington détaillant une série de sanctions à l’encontre de plusieurs généraux.