Bolsonaro de retour au Brésil : quelles conséquences judiciaires attendent l’ancien président ?

Après un exil de trois mois aux États-Unis, Jair Bolsonaro a annoncé son retour au Brésil ce jeudi. Il est dans le collimateur de la justice pour plusieurs affaires et encourt des peines de prison.

L'ex-président d'extrême droite pourrait être condamné à huit ans d'inéligibilité, ce qui l'empêcherait de se présenter à la présidentielle de 2026. EVARISTO SA/AFP
L'ex-président d'extrême droite pourrait être condamné à huit ans d'inéligibilité, ce qui l'empêcherait de se présenter à la présidentielle de 2026. EVARISTO SA/AFP

    Jair Bolsonaro cultivait le doute sur un éventuel retour au pays. Finalement, après un exil de trois mois aux États-Unis, l’ancien président du Brésil a annoncé qu’il reviendrait jeudi. Une longue tergiversation qui s’explique par les risques judiciaires liés à son retour : l’ex-chef d’État d’extrême droite est sous le coup de cinq enquêtes à la Cour suprême dans des affaires qui pourraient lui valoir des peines de réclusion.

    Quelles sont ces enquêtes ?

    Quatre enquêtes portent sur des délits présumés commis durant son mandat, entre 2019 et 2022. Une cinquième concerne des soupçons d’incitation de ses partisans à prendre part aux émeutes du 8 janvier dernier à Brasilia.

    L’une des enquêtes a été ouverte en 2020, quand son ancien ministre de la Justice l’a accusé d’ingérence auprès de la Police fédérale pour protéger des proches soupçonnés de corruption. Jair Bolsonaro fait également l’objet d’enquêtes pour désinformation sur les systèmes d’urnes électroniques ou sur le Covid.

    Avec l’immunité présidentielle, il ne pouvait être jugé que par la Cour suprême. À présent, les affaires peuvent être prises en charge par des tribunaux de première instance, où les procédures sont généralement plus courtes.

    Dans le cas « très peu probable » où Jair Bolsonaro serait condamné aux peines maximales pour l’ensemble des délits qui lui sont imputés, il pourrait passer près de 40 ans derrière les barreaux, selon Carla Junqueira, avocate et docteure en Droit de l’Université de Sao Paulo.

    Peut-il être incarcéré ?

    L’ancien chef de l’État a lui-même reconnu récemment que ce risque était réel. « Un mandat d’arrêt peut arriver sans crier gare », a-t-il confié en février au quotidien Wall Street Journal. La détention préventive est également possible si un juge estime que le suspect risque de compromettre l’enquête, en détruisant des preuves, par exemple.

    Cependant, il est peu probable que Jair Bolsonaro soit condamné définitivement par toutes les instances (il y en a quatre au Brésil) à court terme. Le jugement de tous les recours peut prendre des années. Au Brésil, une personne condamnée ne peut être incarcérée uniquement lorsque tous ses recours sont épuisés, à moins qu’elle ne représente un danger pour la société.

    Peut-il être déclaré inéligible ?

    Jair Bolsonaro est également sous le coup de 16 enquêtes au Tribunal supérieur électoral. Il pourrait être condamné à huit ans d’inéligibilité, ce qui l’empêcherait de se présenter à la présidentielle de 2026. L’ex-président est notamment mis en cause pour ses attaques verbales répétées contre le système d’urnes électroniques.

    Des plaintes dénoncent par ailleurs l’usage de l’appareil de l’État à des fins électorales. Son gouvernement a par exemple fait approuver au Congrès une augmentation des minima sociaux à quelques mois du scrutin d’octobre dernier, qu’il a finalement perdu face au président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva.



    Mais l’enquête la plus avancée, qui représente selon les spécialistes une vraie menace pour son avenir politique, porte sur une réunion avec des ambassadeurs en juillet dernier à Brasilia.

    Face à des diplomates d’une quarantaine de pays, Jair Bolsonaro a montré une présentation sur PowerPoint truffée de fausses informations sur les urnes électroniques, ce qui lui vaut d’être soupçonné d’abus de pouvoir.

    L’affaire des bijoux saoudiens

    L’ex-président d’extrême droite est également sous pression en raison d’un autre scandale, qui a fait les gros titres de la presse brésilienne : il est accusé d’avoir fait entrer illégalement au Brésil des bijoux offerts par l’Arabie saoudite.

    La douane brésilienne avait saisi une parure de diamants évaluée à trois millions d’euros destinée à son épouse, Michelle Bolsonaro. Ces bijoux se trouvaient dans le sac d’un assistant d’un ministre du gouvernement, qui revenait d’une visite officielle à Ryad, en octobre 2021. Ils n’avaient pas été déclarés au préalable.

    Un autre lot, de bijoux masculins, est arrivé en possession de Jair Bolsonaro, qui les a restitués la semaine dernière par le biais de ses avocats, à la demande de la Cour des comptes. Mardi, le quotidien Estadao a révélé l’existence d’un troisième lot, avec une montre Rolex sertie de diamants, que l’ancien président a reçu lors d’un voyage en Arabie saoudite en 2019, et qu’il aurait conservé.

    Selon la loi brésilienne, quand il s’agit de cadeaux reçus de la part d’un pays tiers, seuls des cadeaux à caractère très personnel ou d’une valeur minimale peuvent être conservés par le chef de l’État. En l’absence de ces deux critères, ils doivent rester dans la collection de la présidence. Pour le ministre de la Justice actuel, Flavio Dino, Bolsonaro pourrait donc faire l’objet de poursuites pour appropriation illégale de bien publics ou pour fraude fiscale.