Homophobe, pro-vie… qui est Mike Johnson, le nouveau « speaker » de la Chambre des représentants ?

Après trois semaines de blocage et d’élections avortées, les républicains, majoritaires à la chambre basse du Congrès américain, ont finalement choisi pour président un élu méconnu de Louisiane, pétri de sa foi évangéliste.

Mike Johnson, nouveau speaker de la Chambre des représentants, s'adresse à ses pairs au Capitole mercredi. REUTERS/Elizabeth Frantz
Mike Johnson, nouveau speaker de la Chambre des représentants, s'adresse à ses pairs au Capitole mercredi. REUTERS/Elizabeth Frantz

    Dans sa biographie X (ex-Twitter), il se présente comme « chrétien, mari, père, élu depuis 2017 ». L’ordre des mots a son importance. « La Bible dit très clairement que Dieu est celui qui élève ceux qui détiennent l’autorité. Il a élevé chacun de vous, nous tous », a dit Mike Johnson mercredi soir, lors de son premier discours de « speaker » de la Chambre des représentants.

    Depuis que l’extrême droite des républicains a organisé la chute de Kevin McCarthy, coupable d’un compromis avec le président Biden sur le budget fédéral, la volonté divine ne semblait pourtant pas avoir apaisé les débats à la Chambre. Quatre votes se sont succédé dans un désordre épuisant, à la recherche de celui qui allait faire converger les opposés d’un parti conservateur ultra-divisé.

    Sa femme Kelly « a passé les deux dernières semaines en prière »

    Lundi soir, comme une dernière chance après trois élections ratées, les républicains de la Chambre ont entendu huit candidats à huis clos. Puis, mardi, vote après vote, ils ont éliminé ceux qui ne leur convenaient pas. À la faveur de l’abattement général, la candidature de Johnson a surgi du chapeau. « Ami de tous, ennemi de personne », l’a présenté Elise Stefanik, élue de l’État de New York.

    Le représentant de Louisiane, âgé de 51 ans, n’est élu au Congrès que depuis six ans. Il est le moins expérimenté des speakers, mais il n’est pas le moins déterminé à user de son mandat pour modeler l’Amérique selon ses idéaux. Raie sur le côté, visage juvénile malgré des tempes tirant sur le gris, Mike Johnson a d’abord été avocat. Au milieu des années 2000, il a travaillé pour l’Alliance Defending Freedom, très influent lobby de juristes évangélistes, qui tente d’infuser ses principes religieux au sein du gouvernement fédéral, des écoles publiques, et plus largement de la société.

    Pas d’avortement, pas de mariage homosexuel, pas de débat sur l’identité de genre ou sur l’euthanasie… À leur tableau d’honneur, les avocats de l’ADF ont récemment accroché le texte de loi anti-avortement du Mississippi, qui a conduit la Cour suprême à annuler la jurisprudence Roe versus Wade, en juin 2022, bouleversant le droit au choix de millions de femmes acquis 50 ans plus tôt. « Dieu nous bénira » pour cette décision, a alors salué Johnson.

    Un élu de second plan, soucieux de ne fâcher personne

    Dans des écrits dénichés par CNN, le père de quatre enfants a qualifié l’homosexualité d’ « intrinsèquement contre nature ». Dans un billet datant de 2004, année où les villes de San Francisco et Portland mettent le pied dans la porte, Johnson écrit qu’autoriser le mariage entre personnes du même sexe « obligera à faire de même pour chaque groupe déviant. Polygames, polyamoureux, pédophiles réclameront la même protection. Il n’y aura plus de fondement légal pour refuser à quelqu’un d’épouser son animal de compagnie. »

    Élu, Johnson n’a joué aucun rôle de premier plan. Il a cosigné des propositions de loi contre l’IVG ou des sujets LGBT, il n’en a jamais été le chef de file. Rien qu’un soutien zélé, avançant sans braquer personne dans les méandres de Washington. Partisan de Donald Trump, il a compté parmi les 147 qui ont tenté de faire annuler juridiquement les résultats de l’élection présidentielle de 2020, puis s’est opposé à la certification du résultat, le 6 janvier 2021.

    Il continue de dénoncer les poursuites judiciaires engagées contre son champion, parfois dans un podcast animé par sa femme. Kelly Lary, militante pro-vie, a fondé un cabinet où elle délivre « des conseils individuels, matrimoniaux et familiaux fondés sur la Bible ». Elle « a passé les deux dernières semaines à genoux en prière au Seigneur, et elle est un peu épuisée », a dit, sans ironie, son mari après sa victoire.

    Lundi, en meeting dans le New Hampshire, Donald Trump a évoqué l’élection impossible du speaker ainsi : « Il n’y a qu’une seule personne qui peut aller au bout, vous savez qui ? Jésus-Christ. » Johnson, qui pense détenir son mandat de la volonté divine, peut croire qu’il va marcher sur l’eau.