Ce que l’on sait de la mort d’une militante propalestinienne américano-turque, tuée lors d’une manifestation en Cisjordanie

Une citoyenne américaine et turque de 26 ans qui manifestait contre l’expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie a été tuée par balle dans le nord de ce territoire palestinien. Ankara et le Bureau des droits de l’Homme de l’ONU accusent l’armée israélienne, qui a reconnu avoir ouvert le feu mais n’a pas confirmé être à l’origine de sa mort.

Aysenur Ezgi Eygi a été mortellement blessée à la tête par un tir israélien. X/@HalaAbouHassira.
Aysenur Ezgi Eygi a été mortellement blessée à la tête par un tir israélien. X/@HalaAbouHassira.

    Une jeune femme américano-turque, Aysenur Ezgi Eygi, âgée de 26 ans a été mortellement blessée par une balle à la tête vendredi lors d’une manifestation contre la colonisation israélienne à Beita, dans le nord de la Cisjordanie occupée, où l’armée israélienne a reconnu avoir ouvert le feu.

    Qui était-elle ?

    La jeune femme était membre du International Solidarity Movement (ISM - Mouvement international de solidarité), une organisation propalestinienne, et se trouvait à Beita pour participer à une manifestation hebdomadaire contre l’expansion des colonies israéliennes dans les environs, a indiqué à l’AFP Neta Golan, cofondateur de cette ONG. Israël occupe la Cisjordanie depuis 1967 et l’ONU répète régulièrement que la colonisation israélienne de ce territoire palestinien est illégale au regard du droit international.

    Que s’est-il passé ?

    « Le 6 septembre, les FSI [forces de sécurité israéliennes, NDLR] ont tué une activiste américaine de 26 ans à Beita [...] en tirant une balle qui l’a atteinte à la tête alors qu’elle participait à une manifestation pacifique contre la colonisation », a indiqué officiellement un communiqué du Bureau des droits de l’Homme de l’ONU (BDHNU). pour le Territoire palestinien occupé, en ajoutant que la victime, Aysenur Ezgi Eygi, avait aussi la nationalité turque.

    Joint au téléphone, le maire de Beita, Mahmoud Barham, a indiqué à l’AFP que le drame s’était produit après que la plupart des manifestants se furent dispersés. « Nous sommes rentrés chez nous et seul un petit nombre d’individus sont restés sur les lieux, y compris la militante américaine, a dit l’élu notant que c’était sa première participation à la marche hebdomadaire de Beita ».

    Le maire affirme avoir été informé, après être rentré chez lui, qu’un soldat israélien « avait tiré deux balles en direction de ceux qui étaient restés ». Selon le Croissant-Rouge palestinien, un jeune Palestinien de 18 ans a également été blessé par un tir israélien à Beita.

    Le Dr Fouad Nafaa, directeur de l’hôpital Rafidia de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie, a annoncé vendredi après-midi le décès d’Aysenur Ezgi Eygi. Elle « est arrivée à l’hôpital avec une blessure par balle à la tête et nous avons prononcé sa mort vers 14h30 », (13h30 à Paris) a-t-il dit à l’AFP, joint par téléphone de Jérusalem.

    L’ambassadrice de la Palestine en France, Hala Abou-Hassira a posté sur le réseau social X une photo de la victime « assassinée par balle dans la tête à Beita, à côté de Nablus (appelée aussi Naplouse, NDLR,) par l’armée d’occupation israélienne. Nous sommes dévastés et nous prions que son âme repose en paix ».

    Que disent les États-Unis ?

    « Nous déplorons cette perte tragique », a déclaré le secrétaire d’État américain Antony Blinken à des journalistes en République dominicaine où il effectuait une visite. « Lorsque nous aurons plus d’informations, nous les partagerons, les mettrons à disposition et nous agirons en conséquence », a-t-il ajouté.

    « Nous rassemblons urgemment davantage d’informations sur les circonstances de sa mort », a déclaré le porte-parole du département d’État américain, Matthew Miller, qualifiant le décès de la jeune femme de « tragique », sans y attribuer de responsabilité dans l’immédiat.

    Et la Turquie ?

    Le président turc Recep Tayyip Erdogan a condamné vendredi sur le réseau social X une « intervention barbare d’Israël » ayant conduit à la mort de la jeune militante propalestinienne et « prie pour la miséricorde de Dieu envers notre citoyenne Ayşenur Ezgi Eygi, qui a perdu la vie dans cette attaque ». Il assure que son pays veut « mettre fin à cette politique d’occupation et de génocide d’Israël, qui dure depuis près d’un an et qui a tué 41 000 personnes, dont des enfants, des jeunes et des vieux, et pour lui demander des comptes devant la loi pour les crimes contre l’humanité qu’il a commis ».

    Tsahal dit examiner les « circonstances » des tirs

    Dans un communiqué, l’armée israélienne a indiqué sur le réseau social X que des membres de la troupe en opération près de Beita avaient « répondu par des tirs en direction de l’instigateur principal de violences qui avait lancé des pierres sur les [soldats] et présentait une menace pour eux ».

    L’armée « examine des informations selon lesquelles une ressortissante étrangère a été tuée du fait de coups de feu tirés dans la zone » et les « détails de l’incident [ainsi que] les circonstances dans lesquelles elle a été touchée font l’objet d’un examen », ajoute le texte.

    Quelles sont les autres réactions ?

    « Le message est clair et nous le disons [au président américain Joe] Biden : ces balles américaines qui soutiennent le gouvernement d’occupation tuent (…) des citoyens américains, de la même façon qu’elles tuent nos enfants à Gaza, Jénine et Tulkarem » (deux villes du nord de la Cisjordanie récemment visée par une opération militaire israélienne), a déclaré à des journalistes le gouverneur de Naplouse, Ghassan Daghlass. « Au cours d’une marche pacifique, des étrangers et des militants de la paix sont tués », a-t-il ajouté accusant Israël « de tuer la paix ».

    Hussein Cheikh, secrétaire général du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a estimé sur X que la mort de la militante américano-turque était « un crime supplémentaire s’ajoutant à la série de crimes commis chaque jour par les forces d’occupation et qui nécessitent que leurs auteurs rendent des comptes devant la justice internationale ».

    Dans un communiqué, le Hamas a qualifié la mort d’Aysenur Ezgi Eygi de « crime odieux ».

    Une intensification des combats en Cisjordanie

    Depuis le début de la guerre le 7 octobre dans la bande de Gaza entre l’armée israélienne et le Hamas, déclenchée par une attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien, les violences entre les Palestiniens d’une part, et l’armée et les colons israéliens d’autre part, se sont intensifiées en Cisjordanie.



    Au moins 661 Palestiniens y ont été tués par des tirs de soldats ou colons israéliens, selon des données du ministère palestinien de la Santé, et au moins 23 Israéliens, parmi lesquels des soldats, y ont péri dans des attaques palestiniennes ou dans des opérations militaires, selon des données officielles israéliennes.