Protestations au Chili, au Liban, en Catalogne… notre monde est en ébullition

Du Chili au Liban, de la Catalogne à l’Algérie, les feux de la contestation s’allument un peu partout sur notre planète, plus instable et dangereuse que jamais. Faut-il s’inquiéter ?

 Liban, (ci-dessus), Espagne, Chili… ces derniers jours ont été marqués par des manifestations aux quatre coins de la planète.
Liban, (ci-dessus), Espagne, Chili… ces derniers jours ont été marqués par des manifestations aux quatre coins de la planète. EPA/MAXPPP/Nabil Mounzer

    2019-1989 : un petit air de déjà-vu… ou presque. Il y a trente ans, l'histoire s'emballait, les tyrannies vacillaient, les peuples opprimés prenaient la rue. De l'Europe de l'Est à la Chine, un vent de liberté soufflait. S'il s'est vite mué en larmes de sang dans la Chine maoïste de Tian'anmen, il a réussi à faire tomber le mur à Berlin, et déchirer le rideau de fer édifié par l'URSS de Staline et de ses sombres successeurs. Qui se souvient, à quelques jours des célébrations berlinoises, qu'on croyait alors, naïvement, à la « fin de l'histoire », au triomphe de la démocratie et du libéralisme économique ?

    Aujourd'hui, devant les images, partout, d'une planète en ébullition, tourneboulée, en proie aux explosions sociales, aux révoltes populaires, aux errements de dirigeants plus autocrates les uns que les autres, quel sens trouver à cette folle marche du monde ? « Il y a trente ans, on avait le sentiment que les dominos tombaient dans la bonne direction, analyse le géopolitologue Dominique Moïsi, conseiller de l'institut Montaigne. Désormais, cela semble hélas être l'inverse : le chaos, la complexité, l'instabilité, gagnent chaque jour du terrain. J'ai eu 73 ans aujourd'hui. Je n'ai pas le souvenir d'un monde aussi complexe. »

    Vieux démons

    Il suffit de presque rien pour allumer le feu des contestations. Une taxe sur la messagerie WhatsApp au Liban, une poignée de pesos de plus pour s'acheter un ticket de métro au Chili, et tout s'embrase. Plus (à Beyrouth) ou moins (à Santiago) pacifiquement. A Alger, la rue avide enfin de changement et de liberté ne lâche rien face au blocage d'un régime militaire qui a cru s'en tirer en débarquant le vieux président Bouteflika. En Egypte, la colère est de retour place Tahrir. Au Venezuela et chez bien de ses voisins latino-américains, les vieux démons dictatoriaux rôdent tels des fantômes.

    Même la vieille Europe n'est pas épargnée par ce climat de chamboule-tout. Qui sait ce qui ressortira de l'ubuesque feuilleton du Brexit, et de ses possibles contagions sur un continent miné par le doute…

    A Barcelone, au cœur de la si prospère Union européenne, les manifestations des indépendantistes catalans et la riposte de Madrid font songer que l'Espagne était encore entre les mains franquistes il y a moins de quarante ans. « Aujourd'hui, avertit François Hollande, ce sont les démocraties qui sont les plus vulnérables, pas les régimes autoritaires. »

    Dans le tourbillon de l'histoire, à l'heure des menaces tous azimuts (terrorisme, cybersécurité, crise économique…), difficile de retrouver raison et sérénité. « Il n'y a pas forcément plus de conflit qu'avant, conclut Dominique Moïsi, mais les gens ne comprennent plus ce qui se passe, et s'effraient d'une situation hors de tout contrôle. »