Urgence médicale : le Samu de plus en plus sollicité dans l’Oise

Le Samu 60 a répondu à plus de 400 000 appels l’an dernier. Un chiffre qui ne cesse de grimper. L’une des explications : la désertification médicale.

 Beauvais, mercredi 31 octobre. Le Samu de Beauvais reçoit plus de 400 000 appels tous les ans.
Beauvais, mercredi 31 octobre. Le Samu de Beauvais reçoit plus de 400 000 appels tous les ans. LP/Vincent Gautronneau

    Il est 11 heures. Ce matin tout semble bien se passer. La journée est déjà rythmée, mais le Samu n'a dû faire appel aux pompiers qu'à quelques reprises. « 72 % des appels ont pu être gérés par des ambulances », souligne un régulateur. « Vous voyez, on fait au mieux pour épargner les pompiers », plaisante Thierry Ramaherison, le médecin chef du Samu dans l'Oise.

    « Nous sommes complémentaires avec les pompiers »

    Quelques jours après le coup de colère des pompiers, qui déploraient être trop souvent appelés à suppléer le Smur ou les ambulances privées, le Samu a souhaité répondre. Pas pour enclencher une polémique, mais pour expliquer son quotidien, ses contraintes. En précisant que « le partenariat se passe très bien avec les pompiers au quotidien, nous sommes complémentaires ».

    Beauvais, mercredi 31 octobre. Thierry Ramaherison dirige le Samu de l’Oise. LP/Vincent Gautronneau
    Beauvais, mercredi 31 octobre. Thierry Ramaherison dirige le Samu de l’Oise. LP/Vincent Gautronneau LP/Vincent Gautronneau

    Nous sommes au centre de régulation du 15. Avant toute intervention, tout appel atterrit ici. Plusieurs médecins et des assistants de régulation médicale (ARM) doivent juger, en quelques minutes, de l'urgence d'une situation. Et envoyer les services les plus adaptés.

    La régulation, une première étape « vitale »

    « La régulation est vitale, explique Thierry Ramaherison. C'est déjà ici que se joue la suite d'une intervention. Si on se trompe dans les moyens à envoyer, on met le patient en danger. » La décision de dépêcher un hélicoptère, ou de transporter un patient dans un trauma center en Ile-de-France ou à Amiens (Somme), est parfois prise avant même l'arrivée des secours sur zone.

    Une prise de décision dans l'urgence qui n'est pas toujours simple, comme a pu le montrer la récente affaire Naomi Musenga, cette jeune femme décédée à la suite d'un appel qui n'avait pas été pris au sérieux par le Samu de Strasbourg. D'autant que les appels au Samu sont toujours plus nombreux.

    « Les campagnes de prévention font grimper les appels »

    En 2017, celui de l'Oise a ainsi géré 401 075 appels, soit directement au 15 soit en provenance du 18. Un chiffre qui augmente tous les ans, notamment en raison de la désertification médicale qui progresse.

    « Comme les gens ont difficilement accès à un généraliste, ils appellent le 15, constate Thierry Ramaherison. On remarque aussi que les campagnes de prévention font grimper le nombre d'appels : c'est notamment le cas avec les AVC qui sont mieux connus des patients. Donc au moindre signe, ils téléphonent. »

    Beauvais, mercredi 31 octobre. Le Smur intervient avant tout sur les urgences vitales. LP/Vincent Gautronneau
    Beauvais, mercredi 31 octobre. Le Smur intervient avant tout sur les urgences vitales. LP/Vincent Gautronneau LP/Vincent Gautronneau

    Et là encore, le Samu doit trancher. Parfois, l'appel d'un malade se solde par un simple conseil, notamment grâce à la présence de médecins généralistes à la régulation le samedi matin. Ce qui permet aussi d'éviter une surcharge des urgences. Parfois, il s'agit simplement de rassurer un patient, le temps que les pompiers ou une ambulance privée assurent la prise en charge.

    « Dès qu'il s'agit d'urgences vitales, le Samu est mobilisé »

    Mais « dès qu'il s'agit d'urgences vitales, comme de grosses difficultés respiratoires ou une suspicion d'infarctus, le Samu est mobilisé. » Pour cela, dans l'Oise, le Smur — le bras armé du Samu — compte neuf équipages : trois à Beauvais, deux à Compiègne, un à Creil, Senlis, Clermont et Noyon.

    Ce matin-là, il y a une urgence à Beauvais. Après avoir entendu une patiente respirer avec difficulté, une médecin alerte un véhicule du Smur. Dans les couloirs de l'hôpital, un haut-parleur mobilise l'équipage. Quelques instants plus tard, ils sont en route…

    11 000 appels malveillants l'an dernier

    Beauvais, le 31 octobre. Sylvie Héron est régulatrice au Samu de Beauvais/LP/V.G.
    Beauvais, le 31 octobre. Sylvie Héron est régulatrice au Samu de Beauvais/LP/V.G. LP/Vincent Gautronneau

    Parmi les appels reçus au quotidien, il y en a une trentaine en moyenne que les régulateurs du Samu préféreraient éviter. Ce sont les faux appels ou les coups de fil malveillants. L'an passé, le Samu de l'Oise a ainsi dû gérer un peu plus de 11 000 cas de ce type sur les 400 000 appels enregistrés.

    « Tous ne sont pas malveillants, précise tout de suite Sylvie Héron, assistante de régulation médicale du Samu à Beauvais depuis une dizaine d'années. On a beaucoup de gens qui font simplement une erreur et qui raccrochent. Ça, ce n'est pas très grave. »

    Les insultes fréquentes

    Le plus problématique, ce sont les insultes, fréquentes sans être quotidiennes. Souvent l'œuvre d'habitués qui « peuvent appeler plusieurs fois dans la même journée ou dans une semaine », souligne Sylvie Héron. Et même s'ils ne sont pas plaisants, ces appels aussi doivent être pris en charge avec sérieux par les opérateurs du Samu. Car « on ne sait jamais, assure la régulatrice. Et puis ces insultes, même si c'est frustrant pour nous, on se dit aussi que c'est le signe d'un mal-être de la personne qui téléphone et ça doit être pris en compte. »

    Un phénomène plutôt en baisse

    Contrairement aux pompiers, le Samu ne signale pas systématiquement ces appels. Ces dernières années toutefois, ces appels malveillants ont globalement diminué au Samu de Beauvais. « La fin des cabines téléphonique nous a fait du bien, plaisante Sylvie Héron. Après, nous avons toujours quelques blagues d'enfants, mais là aussi il faut se montrer vigilant. »

    Car parfois, un enfant qui appelle et qui ne dit rien n'est pas juste en train de faire une mauvaise plaisanterie. « On prend toujours quelques minutes pour l'écouter, explique Sylvie Héron. Nous devons rester attentifs. Il peut s'agir d'enfants intimidés qui téléphonent car leur père ou leur mère a fait un malaise. »

    Le Samu 60 en chiffres

    139 514. C'est le nombre d'appels ayant donné lieu à une régulation médicale, c'est-à-dire à l'envoi d'une ambulance, du Smur ou des sapeurs-pompiers, en 2017, sur les 400 000 appels reçus par le 15. En 1994, le Samu n'avait eu à traiter « que » 32 000 dossiers de régulation médicale.

    99,9. Selon les chiffres du magazine « Le Point » publié en août dernier, le Samu de Beauvais serait parmi les bons élèves quant au taux de réponse des appels au Samu. A Beauvais, 99,9 % des appels sont ainsi pris en compte par les opérateurs. 88,81 % de ces appels sont traités dans la minute. En une heure, un opérateur du Samu à Beauvais répondrait en moyenne à 11,1 appels.

    5. C'est le nombre d'assistants de régulation médicale chargés de répondre aux appels passés au 15. Ils sont parfois 4. Deux médecins sont ensuite présents en cas de besoin. Depuis quelques jours, un généraliste libéral vient renforcer l'équipe dans les locaux du Samu le samedi, jour de forte hausse des appels.

    12 695. C'est le nombre de sorties réalisées pour des urgences vitales par les équipes du Smur de l'Oise en 2017. 4 000 sorties ont dû être prises en charge par les pompiers faute d'équipages Smur disponibles.