Boom des locations touristiques à Paris : «On voit les valises passer tous les matins»

Alain Tribolet, boucher rue Montorgueil dans le IIe arrondissement de la capitale, ne voit plus que des touristes à cause des locations type Airbnb.

 Paris (IIe), vendredi 4 janvier. La rue piétonne Montorgueil et le IIe arrondissement connaissent un boom de locations touristiques type Airbnb ces dernières années.
Paris (IIe), vendredi 4 janvier. La rue piétonne Montorgueil et le IIe arrondissement connaissent un boom de locations touristiques type Airbnb ces dernières années. LP/Philippe de Poulpiquet LP/Philippe de Poulpiquet

    Alain Tribolet montre la photo affichée derrière sa caisse : « C'est mon grand-père, mon père et le petit jeune, là, c'est moi. Ma famille est au 54, rue Montorgueil depuis 1927. Je suis boucher pour la troisième génération. » Et après le départ des Halles, il en a vu des transformations. « Montorgueil reste une belle rue commerçante. Le IIe reste un très bel arrondissement. Mais ce n'est plus la même population. On a de plus en plus de touristes et de moins en moins d'habitants », confirme-t-il. Pour preuve : « On voit les valises passer tous les matins… »

    « La seule explication pour la baisse de population depuis 2014 dans le IIe, c'est l'explosion de la location touristique saisonnière. Rien que dans mon immeuble, j'en ai trois », affirme Jacques Boutault, maire écologiste de cet arrondissement, le plus perdant en population de la capitale avec une baisse de 11,6 % entre les recensements de 2011 à 2016. « Il y a encore quelques années, en réunion de quartier, les gens parlaient des crottes de chiens et des motos mal stationnées. Maintenant, c'est Airbnb et toutes les nuisances que cela engendre », ajoute l'élu.

    «C'est pire que les Champs-Élysées»

    Ariane, depuis 60 ans dans le quartier, regrette : « Résultat de cette évolution, l'école de la rue Étienne-Marcel a fermé deux classes. » Conséquence de la baisse du nombre d'habitants, ce sont les commerces qui évoluent. Côté rue des Petits-Carreaux ou rue d'Aboukir, une population touristique a pris ses quartiers de façon flagrante. « On avait auparavant la mono activité des sex-shops. Maintenant on a des sandwicheries pour le midi et des restaurants et bars de nuit pour touristes », constatent les résidents.

    Emmanuelle, 48 ans, depuis 19 ans rue de Mulhouse, résiste à la tentation du départ malgré ses trois enfants. « Même les commerces de tissus du Sentier ferment. Ils sont remplacés par ces bars, qui ont des horaires beaucoup plus étendus et qui ouvrent les week-ends. » Une association « Sentier Village » a été créée pour lutter contre ce nouveau fléau.

    Rue Montorgueil (Paris IIe), Emmanuelle se bat pour conserver une diversité de commerçants. LP/Éric Le Mitouard
    Rue Montorgueil (Paris IIe), Emmanuelle se bat pour conserver une diversité de commerçants. LP/Éric Le Mitouard LP/Philippe de Poulpiquet LP/Philippe de Poulpiquet

    Julien, comédien, sort de son cordonnier de quartier. « La baisse de la population ? Naturellement je la ressens. Avant, on avait une vie de village. Les gens se connaissaient. Maintenant, venez le dimanche, ici, c'est pire que les Champs-Élysées. »