DÉBAT. Faut-il armer les agents de sécurité de la Ville de Paris ?

Un rapport commandé par Anne Hidalgo que nous nous sommes procuré suggère d’équiper certains agents de pistolets à impulsion électrique.

 Les ISVP sillonnent les rues en VTT ou en voiture. Ils sont agrémentés et assermentés et peuvent verbaliser les incivilités
Les ISVP sillonnent les rues en VTT ou en voiture. Ils sont agrémentés et assermentés et peuvent verbaliser les incivilités M.-A. G.

    C'était il y a un peu plus d'un an. Le lendemain de l'attentat sur les Champs-Elysées tuant le policier Xavier Jugelé, une centaine d'agents de la Direction de la Prévention de la Sécurité et de la Protection (DPSP) avaient manifesté sous les fenêtres de l'Hôtel de Ville. Leur revendication ? Etre armés. Parce que depuis la vague d'attentats, les forces de sécurité sont clairement devenues des cibles (l'attaque de Liège en Belgique la semaine dernière l'a encore démontré), mais aussi pour assurer aux mieux les missions de sécurisation que la ville leur confie.

    Au lendemain des attentats de novembre 2015, la maire (PS) de Paris Anne Hidalgo avait d'ailleurs elle-même admis que l'armement de ces agents de surveillance parisiens n'était plus une question « tabou ».

    « La maire de Paris ne veut sans doute pas créer de division au sein de sa majorité »

    La mairie a donc demandé en avril 2017 à un cadre supérieur de la ville de mener une étude sur le sujet.

    Si les organisations syndicales de la DPSP soutiennent quasi unanimement la nécessité de renforcer l'armement des agents, tout comme la droite qui plaide pour la création d'une police municipale, du côté des groupes politiques, les partenaires communistes et écologistes de la maire de Paris y sont farouchement opposés.

    Est-ce pour cette raison que la ville n'a toujours pas rendu public le rapport qui devait être présenté à l'automne ? « Le rapport est presque finalisé et sera remis à la maire au mois de juin », explique-t-on à l'Hôtel de Ville.

    « La maire de Paris ne veut sans doute pas créer de division au sein sa majorité, mais le débat, il va falloir qu'il ait lieu et il ne faudra pas attendre les municipales et les polémiques politiciennes », insiste Laurent Zignone, président du syndicat UCP au sein de la DPSP.

    EN CHIFFRES

    POUR. Laurent Zignone : « Le climat s'est dégradé et nos missions sont plus sensibles »

    Laurent Zignone président du syndicat UCP au sein de la Direction de la Prévention de la Sécurite et de la Protection (DPSP)/DR
    Laurent Zignone président du syndicat UCP au sein de la Direction de la Prévention de la Sécurite et de la Protection (DPSP)/DR M.-A. G.

    Laurent Zignone, président du syndicat UCP au sein de la Direction de la Prévention de la Sécurite et de la Protection (DPSP), se prononce pour l'armement d'au moins une partie des agents de sécurité de la Ville de Paris.

    Pourquoi souhaitez-vous que les agents de la Direction de la Prévention de la Sécurité et de la Protection (DPSP) de la Ville de Paris soient plus armés ?

    Notre syndicat d'abord et avant tout, est favorable à la création d'une police municipale à Paris. C'est légitime et il y a largement la place dans la capitale pour ça. D'ailleurs les ASP (agents d'accueil et de surveillance) et les ISVP (Inspecteurs de Sécurité de la Ville de Paris), c'est une police municipale qui ne dit pas son nom !

    Mais quel intérêt pour ces agents d'avoir une arme ?

    Nous demandons une évolution de notre armement parce qu'aujourd'hui les nouveaux risques et menaces font que l'on a besoin d'être mieux équipé. Dans le contexte terroriste actuel, nous voyons bien que les gens qui portent des uniformes sont devenus des cibles. Sans compter qu'on nous envoie régulièrement sur des missions de sécurisation comme les Champs-Elysées piétons. Ou encore sur tous les lieux touristiques où notre présence va être demandée cet été. Si l'on veut qu'on les sécurise alors qu'on nous en donne les moyens ! Et puis après tout, ce ne serait qu'un retour en arrière…

    C'est-à-dire ?

    Il y a quelques années, le corps des inspecteurs de sécurité était armé pour assurer certaines missions : la sécurité rapprochée de certaines personnes, les transferts de fonds…

    Pour quelles raisons ne le sont-ils plus maintenant ? Il y a eu des dérapages ?

    Non, aucun incident. Mais une ancienne directrice passée par la DPSP a jugé que cet armement était illégal et l'a fait supprimer.

    Le travail des inspecteurs de sécurité est-il plus dangereux aujourd'hui ?

    Oui. Les risques et menaces sont partout. Les agressions d'inspecteurs sont fréquentes. Le climat général s'est dégradé à Paris et nos missions sont plus sensibles. Square Léon par exemple dans le XVIIIe, lorsque les inspecteurs y vont le soir pour le fermer, il y a des « comités d'accueil » qui les attendent, ça se passe souvent mal.

    Vous comprenez les réticences de certains groupes politiques sur ce sujet ?

    Si demain notre armement devait évoluer, tous les agents ne seraient pas équipés. Il faut une habilitation pour ça. Et puis les agents seraient formés aussi. Nous, ce que l'on demande dans un premier temps c'est une évolution pour les missions les plus sensibles sur la voie publique, les sites touristiques dont la sécurité est assurée par nos équipes… L'étape intermédiaire pourrait consister à les équiper de pistolets électriques.

    CONTRE. Pascal Julien : « Plutôt que d'investir dans des armes, revalorisons les salaires des agents »

    Pascal Julien, conseiller de Paris EELV est élu du XVIIIe arrondissement./DR
    Pascal Julien, conseiller de Paris EELV est élu du XVIIIe arrondissement./DR M.-A. G.

    Pascal Julien, conseiller de Paris EELV, ne souhaite pas armer les agents de sécurité de la Ville.

    Pourquoi êtes-vous opposé à l'armement des agents de la Direction de la Prévention de la Sécurité et de la Protection (DPSP) de la Ville de Paris ?

    Parce que je pense qu'il ne faut pas refaire la même erreur que sur la vidéosurveillance. Moi je m'interroge en dehors de toute posture idéologique. Quel est le rapport coût financier/efficacité ? Est-ce que la délinquance ou la criminalité ont baissé depuis le développement de la vidéosurveillance ?

    N'est ce pas légitime de la part des agents de demander à être armés lorsque l'on voit, dans le contexte terroriste actuel, que les personnes incarnant l'ordre et la sécurité peuvent être prises comme cibles ?

    On ne peut pas prendre une aussi grande décision que celle de les armer sous l'émotion. Il faut réfléchir. Comparer. Les « bobbies » en Angleterre sont très peu armés. Aux Etats-Unis en revanche tout le monde est armé… Nice où la vidéosurveillance est très développée et la police municipale armée, est une ville très endettée. Alors avant toute décision, faisons une étude d'impact et ne cédons pas au lobby de l'armement. Et puis la question des personnes en uniformes est un puits sans fond. Il faudrait alors armer les huissiers et pourquoi pas les agents qui sont à l'entrée de la cantine de la ville ?

    Vous refusez que ces agents municipaux soient armés et, pourtant, après les attentats, ils ont été envoyés devant les écoles pour sécuriser les lieux…

    Il faut que les missions confiées à la DPSP soient celles de la DPSP et pas celles de la police nationale. Si nécessaire demandons alors plus de présence policière. Mais pourquoi faudrait-il aujourd'hui revoir l'armement de nos agents ? Depuis toujours ces agents sécurisent les squares et il n'y a jamais eu d'incident. Des agents ont-ils été ciblés ? Tués ? Et si par malheur un accident devait arriver, ça ne changera rien de les armer.

    Etes-vous juste opposé à la dotation d'armes à feux ou accepteriez-vous par exemple qu'ils soient dotés d'un taser ?

    Non, non et non. Et puis il faut arrêter de dire que les agents de la de la Direction de la Prévention de la Sécurité et de la Protection ne sont pas armés : ils ont un bâton de défense et une bombe lacrymogène. Je crois surtout que la revendication de ces agents exprime un malaise auquel l'armement ne répondra pas. Plutôt que d'investir dans l'achat d'armes, des formations… revalorisons leurs salaires et leurs fonctions.