Des dépistages gratuits et plus faciles pour un «Paris sans sida»

La Ville et l’association Vers Paris sans sida présentent de nouvelles mesures pour atteindre l’objectif de vaincre le VIH à l’horizon 2030. Parmi elles, le dépistage rapide dans les laboratoires d’analyses.

 Paris, vendredi. Eve Plenel est la directrice générale de Vers Paris sans sida.
Paris, vendredi. Eve Plenel est la directrice générale de Vers Paris sans sida. LP/Elodie Soulié

    L'objectif est toujours le même, faire disparaître le sida de la capitale à l'horizon 2030. Un défi théoriquement possible, grâce aux progrès de la recherche et à la mobilisation générale des associations, institutions et services de soins engagés contre le sida. Pour autant, il n'est pas gagné. Le fléau tue toujours, touche toujours plus massivement les hommes homosexuels et les migrants d'Afrique subsaharienne, et accuse une faiblesse difficile à compenser : le dépistage, auquel échappent encore 3 % des hommes homosexuels nouvellement contaminés, et 2 % des hommes et femmes originaires d'Afrique Subsaharienne diagnostiqués.

    Ce mardi, à quelques jours de la Journée mondiale de lutte contre le sida, l'association Vers Paris sans sida, créée en 2016 afin de porter la « stratégie » de Paris et mettre en œuvre les bons outils, présente son nouvel arsenal afin de faciliter le dépistage et de lutter contre les tabous qui l'entourent encore. « Ce devrait être un geste banal, débarrassé de son poids anxiogène, un contrôle simple comme l'on surveille tous régulièrement d'autres aspects de notre santé ! » milite infatigablement Eve Plenel, la directrice de Vers Paris sans sida.

    « Le dépistage augmente depuis quelques années, la tendance est au mieux, notamment dans les populations les plus exposées, mais cela reste ténu et n'a pas réellement d'impact sur le nombre de nouveaux cas déclarés ». Près de 20 % des nouvelles séropositivités échappent encore au dépistage, une stagnation déjà soulignée par Vers Paris sans sida, dans son rapport remis à la maire de Paris en 2016.

    Des tests gratuits en laboratoire

    D'où le bénéfice potentiel de l'une des mesures phares annoncées ce mardi, expérimentée dès 2019 : le test en laboratoires d'analyses médicales, gratuit et sans prescription préalable. Sur le principe, les laboratoires parisiens y seraient prêts. Reste à finaliser un protocole qui perturbe le « parcours de soins coordonnés » cher à la Sécurité sociale, en sautant l'étape en principe obligatoire du passage chez le médecin traitant.

    En tout cas, « ce sera une avancée majeure, assure Eve Plenel. On ne peut pas demander aux personnes les plus exposées de se tester tous les 3 mois, quand on sait quel parcours cela représente : délais de rendez-vous chez le médecin, centres de dépistages déjà saturés, avec des horaires contraints. A Paris, seuls 4 des 13 sites de dépistage public gratuit (CeGIDD) sont ouverts le samedi ! ». N'avoir qu'à pousser la porte d'un laboratoire, notamment dans les quartiers du centre et du nord-est parisien, où vivent les populations les plus à risque, sera forcément un facilitateur de dépistage.

    Des autotests distribués

    D'autres efforts en faveur du dépistage mais aussi de la PrEP, (la prophylaxie préexposition, c'est-à-dire la prise d'un traitement anti-VIH à but préventif, par des personnes non contaminées mais exposées), commencent à monter en puissance. « Nous avons augmenté le nombre d'autotests distribués gratuitement par les associations et centres de dépistage », souligne Eve Plenel.

    20 000 autotests ont ainsi été distribués dans la capitale depuis juillet 2017, soit le double du nombre vendu dans les pharmacies parisiennes. Vers Paris sans sida a également financé l'accroissement de leur offre de test rapide de 8 associations de terrain, intervenant directement auprès des populations les plus exposées. C'est l'une des actions de « dépistage communautaire » les plus efficaces pour atteindre les populations très exposées.

    Enfin les deux centres associatifs dédiés à la santé sexuelle des personnes LGBT, le 190 (XI e ) et le Checkpoint ( IV e ), tous deux victimes de leur succès et saturés, ont pu développer des permanences supplémentaires de dépistage, une offre d'autotests sur place, et même, depuis le 31 octobre au 190, un dispositif baptisé « Lunch test » : tous les mercredis, la possibilité de faire un test rapide et gratuit du VIH, entre 12 et 14 heures.

    70 ÉVÉNEMENTS DE SENSIBILISATION ET DE DÉPISTAGE

    Premier temps fort de la journée mondiale de lutte contre le sida, le lancement dès ce lundi de la campagne phare de Vers Paris sans sida, « Le test est dans le sac ! ». 12 000 sacs seront distribués jusqu'au 2 décembre, contenant 6 000 autotests, 15 000 préservatifs masculins, 8 000 préservatifs internes (féminins).

    Parmi les autres rendez-vous à noter, le lancement d'un « social challenge », campagne ludique de selfies à partager sur les réseaux sociaux, indiquant qu'on a fait l'autotest. Il suffit de prendre un selfie avec un point rouge sur le doigt, pour symboliser la goutte de sang nécessaire à l'autotest, de le poster sur la toile avec les #autotestVIH et #DepistezVous, et d'inviter 3 autres personnes à le faire à leur tour.

    Samedi 1er décembre, un stand d'informations et de dépistage sera proposé à la mairie du Xe, 72, rue du Faubourg-Saint-Martin. Le même jour à midi, une action de sensibilisation et de dépistage aura lieu à la Rotonde, place de la Bataille-de-Stalingrad (Xe).

    Le dimanche 2 décembre, soirée « Positive attitude ! » à partir de 19 h 30 au Rosa bonheur du jardin des Buttes-Chaumont (XIXe).

    Tous les autres événements sont sur le site de la Ville de Paris.

    «TOUT CE QUI PEUT SIMPLIFIER LE DÉPISTAGE EST UNE BONNE CHOSE»

    S'il se sent aujourd'hui moins concerné parce qu'il vit « une relation stable » avec son compagnon et sait se protéger, Nicolas, 23 ans, garde la conscience du risque de contamination. Le dépistage ? « La première fois je l'ai fait dans un centre gratuit d'information et de dépistage (CeGIDD), mais il est vrai qu'il faut prévoir une demi-journée et arriver très tôt, avant l'ouverture, pour être sûr de pouvoir passer », reconnaît le jeune homme.

    La possibilité d'un test en laboratoire d'analyses médicales, sans prescription ? « Pourquoi pas, tout ce qui peut faciliter et simplifier le test est intéressant, estime-t-il, c'est un plus quand on a une vie active et pas toujours le temps d'attendre dans les lieux dédiés ou d'aller chez le médecin avant ».

    Nicolas a choisi une autre méthode : le recours au programme gratuit Mémo Dépistages piloté par Santé publique France dans 4 régions dont l'Île-de-France. « Tous les 3 mois, on reçoit un kit d'autoprélèvement du VIH et de plusieurs autres infections, explique-t-il. On les envoie ensuite à un laboratoire qui les analyse et interprète les résultats ».

    EN MOYENNE 6 000 NOUVELLES SÉROPOSITIVITÉS PAR AN

    Selon les données de Santé publique France, et compte tenu des délais entre contamination et diagnostic, environ 6 000 personnes ont découvert leur séropositivité en 2016 à Paris, et ce nombre évoluerait peu en moyenne annuelle. La majorité sont des 25-49 ans (plus de 4 000), un nombre en baisse continue depuis 2004 mais toujours élevé.

    Les jeunes représentent 11 % de ces découvertes (environ 700), une donnée également stable depuis plusieurs années. 80 % d'entre eux sont des hommes homosexuels. En revanche, la proportion des contaminations par usage de drogue est très faible : 0,6 %.

    47 % des jeunes de 15 à 24 ans diagnostiqués sont nés à l'étranger, dont les deux tiers en Afrique subsaharienne.

    14 % des diagnostics chez les jeunes ont été réalisés tardivement, à un stade avancé de la contamination.