Grève des éboueurs : Darmanin demande à Paris de réquisitionner du personnel, la mairie rétorque

Le ministre de l’Intérieur explique sa décision par « les conditions sanitaires » actuelles dans la capitale, où près de 7 000 tonnes d’ordures sont actuellement entreposées dans les rues.

    Le gouvernement a décidé d’agir. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a chargé mardi soir le préfet de police de Paris de demander à la mairie de « réquisitionner » des moyens pour évacuer les milliers de tonnes d’ordures jonchant les trottoirs de la capitale, a-t-on appris auprès du ministère de l’Intérieur.

    Au neuvième jour de la grève des éboueurs contre le projet de réforme des retraites du gouvernement, quelque 7 000 tonnes d’ordures non ramassées ont été dénombrées mardi, selon Emmanuel Grégoire, le premier adjoint à la mairie de Paris.

    Dans l’entourage du ministre de l’Intérieur, on explique sa décision par « les conditions sanitaires » actuelles et un courrier adressé en ce sens par la maire LR du VIIe arrondissement, Rachida Dati. Qui s’en félicite donc : « Merci à Gérald Darmanin et à Laurent Nuñez, le préfet de police de Paris. Il faut mettre un terme au mépris et à l’inaction coupable d’Anne Hidalgo qui laisse les déchets s’entasser et les rats proliférer dans les rues. »

    « Privilégier le dialogue plutôt que de passer en force »

    Mercredi matin l’entourage d’Anne Hidalgo, maire de Paris, répond : « Gérald Darmanin a informé la maire de son intention de lever les blocages et de réquisitionner les grévistes, sachant que la Ville n’a pas le pouvoir de le faire ». Mais, l’élue socialiste soutient le mouvement social des éboueurs et a appelé sur Twitter « au dialogue social, à la négociation plutôt qu’à l’épreuve de force ».

    De son côté, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, s’agace : « Vous faites comment pour réquisitionner les gens ? Vous allez les chercher un par un ? Il en faut 3 000 pour ramasser les déchets à Paris et ils ne sont pas dans le XVIe, ils sont en banlieue ! ».

    « Les agents sont en grève. Est-ce que la préfecture de police va se rendre à leur domicile pour les réquisitionner ? Ils sont 3000 ! On ne va quand même pas envoyer les maîtres nageurs nettoyer les rues », s’emporte aussi Emmanuel Grégoire. Et l’adjointe chargé de la propreté, Colombe Brossel, a ajouté : « La réquisition c’est quoi ? C’est contraindre les grévistes à reprendre le travail. Or depuis le début de la grève, les agents assurent le déblaiement des marchés, ramassage de sacs au sol, sécurisation des cheminements, dans un souci de salubrité. Cette demande de réquisition est une atteinte au droit de grève. Pour l’instant, aucun document n’est arrivé à la Ville de Paris. La Ville continuera à assumer ses responsabilités. »

    Bras de fer entre l’Etat et la mairie de Paris

    Si la mairie « ne donne pas suite à la réquisition, l’État se substituera » pour évacuer les poubelles, a-t-on ajouté dans l’entourage de Gérald Darmanin. C’est un bras de fer qui s’est engagé entre l’Etat et la mairie de Paris. Ce mercredi midi, à la sortie du conseil des ministres, Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, a rappelé que « la responsabilité politique, elle incombe à la mairie de Paris ». Tout en ajoutant à ses propos : « Ca veut dire qu’elle l’assume au nom de la commune de Paris et elle impose aux Parisiennes et aux Parisiens les conséquences de cela ».

    « A Paris, la mairie détient la police de la salubrité sur la voie publique. A ce titre, il est de sa compétence de requérir une entreprise privée ou de réquisitionner les agents pour l’exécution de la mission d’enlèvement des poubelles et ordures. Le préfet de police, dans un second temps, peut intervenir et mettre en demeure la ville de le faire. Dans l’hypothèse d’une mise en demeure restée infructueuse, le préfet de police peut se substituer à elle », rappelle en effet la préfecture de police.

    Mais il faut tout de même le justifier. « Dans la situation actuelle, il faudrait que l’interruption du service ou son fonctionnement dégradé en raison de la grève porte une atteinte importante à la salubrité et à la santé publiques, évaluée par l’Agence régionale de santé, service de l’État compétent en la matière », explique la préfecture de police. Qui dit suivre avec attention l’évolution de la situation.

    « Je ne conteste pas le droit de grève. Mais que les éboueurs mettent en danger la population, là ce n’est plus un droit », avait jugé mardi l’ex-Garde des sceaux sur BFMTV, appelant à mettre en place « un service minimum » qui permettrait selon elle aux agents qui veulent faire grève de le faire tout en maîtrisant les risques « sanitaires » et « sécuritaires ».

    Les éboueurs parisiens ont voté mardi la reconduction du mouvement au moins jusqu’à lundi 20 mars. Plusieurs villes comme Nantes et Bourges sont également concernées par une grève des poubelles.