Lycée occupé par des migrants : évacuation sous haute tension

Le face-à-face entre les militants, venus soutenir les migrants, et les gendarmes a très vite tourné à la bousculade quand les militaires ont dégagé les entrées du lycée Jean-Jaurès à coup de lacrymogène.

Rue Clavel (XIXe), hier. Des Nuit debout ont rejoint les collectifs de soutien aux migrants pour s’opposer à l’évacuation du lycée Jean-Jaurès par les forces de l’ordre.
Rue Clavel (XIXe), hier. Des Nuit debout ont rejoint les collectifs de soutien aux migrants pour s’opposer à l’évacuation du lycée Jean-Jaurès par les forces de l’ordre. (LP/Yann Foreix.)

    Des rangées de gendarmes mobiles d'un côté, 200 à 250 militants de la mouvance Nuit debout de l'autre ; des cris, des bousculades et des jets de lacrymogène pour disperser la foule... L'évacuation des migrants -- qui avaient investi le lycée Jean-Jaurès (un établissement vide du XIXe arrondissement) le 21 avril -- s'est déroulée hier matin, sous très haute tension.

    Les forces de l'ordre sont intervenues dans la foulée de l'ordonnance d'expulsion prononcée vendredi dernier par le tribunal administratif que la région avait saisi (lire ci-dessous)... et 3 jours seulement après le démantèlement du camp géant du boulevard de la Chapelle où 1 600 migrants s'étaient installés. Elles étaient attendues !

    A 6 heures du matin. Quand le dispositif se met en place, plusieurs dizaines d'opposants à l'expulsion bloquent déjà les entrées du lycée. Les insultes anti-police fusent. Puis le face-à-face tourne vite à la bousculade quand les gendarmes dégagent les entrées de l'établissement à coup de lacrymogène. « Il y a eu des sommations », justifie un peu plus tard un fonctionnaire de police. « Zéro sommation. On s'est fait gazer direct », corrige un jeune homme, les yeux rougis. « Il n'y a pas eu de prise de contact. Pas plus que de diagnostic social préalable à l'évacuation, comme c'est d'habitude le cas lors des mises à l'abri de réfugiés », confirme Eric Coquerel, responsable du Parti de gauche, en première ligne des manifestants.

    Derrière eux, les forces de l'ordre rentrées dans le lycée commencent à rassembler les migrants tandis qu'un puis deux puis... sept bus se fraient un chemin au milieu des militants pour emmener les réfugiés vers des « locaux où leur situation sera examinée au cas par cas. » L'opération se prolongera pendant plusieurs heures dans une atmosphère houleuse.

    « 74 personnes (dont 20 femmes et 6 enfants) ont été conduites vers un centre d'hébergement. 203 autres ont été prises en compte afin d'examiner leur situation administrative », indique le préfet de police Michel Cadot en milieu de matinée. Au même moment, derrière le lycée, l'évacuation touche à sa fin.

    Un dernier minibus ramené pour transporter d'éventuels « retardataires » se retrouve avec un pneu crevé puis est rapidement couvert de graffitis et d'insultes par les militants du collectif Chapelle Debout. Les interrogations sur les lieux où les migrants seront conduits après leur passage dans des commissariats parisiens sont au coeur de toutes les discussions.

    La rumeur d'un placement en centre de rétention des migrants (pour la plupart Soudanais, Erythréens ou Somaliens et donc non « éligibles » aux procédures d'asile) commence à circuler dans la foule. « Ce n'est pas une mise à l'abri. C'est une rafle ! », crie une jeune femme. « On a passé la nuit à essayer de convaincre les sans-papiers de partir avant l'arrivée de la police », complète Romain qui se dit militant « indépendant ». Manuel, un Ghanéen arrivé en France depuis peu, fait partie de ceux qui ont entendu ce message.

    Le jeune homme qui a quitté le lycée quelques minutes seulement avant le début de l'intervention a vu ses anciens « voisins » de squat partir dans les bus de la police. Pour quelle destination ? « On ne sait pas », indique le jeune homme qui répond par un haussement d'épaules quand on lui demande où lui va aller maintenant.

    « Pour l'instant je veux juste récupérer mes affaires qui sont restées à l'intérieur. Mais la police ne nous laisse plus passer », soupire-t-il. Derrière lui, des gendarmes mobiles, bouliers à touche-touche, créent un barrage infranchissable devant les entrées du lycée vidé de ses derniers occupants.