Nuit debout : le juteux business des marchands à la sauvette

Mardi soir, minuit, place de la République Les vendeurs à la sauvette vendent aux quatre coins de la place des canettes de bières
Mardi soir, minuit, place de la République Les vendeurs à la sauvette vendent aux quatre coins de la place des canettes de bières (LP/C.C.)

    Ils viennent, parfois de loin pour contribuer à l'ivresse révolutionnaire de Nuit debout. Au sens propre ! Tous les soirs depuis le début de ce mouvement « spontané » et « citoyen », installé place de la République, une nuée de marchands à la sauvette, déballe, illégalement, ses stocks de canettes bière et abreuve la foule, moyennant 2 €50 la canette. « On les voit arriver le soir à 20 heures au métro République avec leurs caisses sous le bras », s'agace Samuel, un riverain qui dénonce le lendemain matin « un cimetière de canettes ». Certains vendeurs viennent de Balard (XVe), Torcy (Seine-et-Marne) et… même de Madrid et de Belgique !

    Ce mardi soir, plus calme que le week end dernier, ils étaient une trentaine, isolés ou en groupe. Certains trainent aux quatre coins de la place leur chariot rempli de 1664. D'autres sont installés sur un pliant avec leurs caisses de bières flottant sur un lit de glacons… tandis que les plus « pros », tréteaux, table de camping proposent également du pain et des saucisses pour se restaurer.

    Dans cette suite d'étals éparpillés, pas une bouteille d'eau ou de coca… « Que bière, répond dans un français approximatif un trentenaire encapuché. « Moi, pas français. Romania », précise-t-il.

    Vers minuit, la place se vide…

    Ce petit business d'alcool qui inquiète riverains, associations et élus prend de l'ampleur après 22 heures — heure qui correspond à la fermeture du Franprix, à l'autre bout de la place, rue Leon Jouhaux (Xe) —. Abdoulaye, le patron, est d'ailleurs le seul commerçant de la place de la République à ne pas se plaindre de Nuit debout… Il avoue même un chiffre d'affaires qui a bondi de 40 % la semaine passée !

    Momo*, l'un des rares vendeurs à la sauvette à parler français, s'y fournit d'ailleurs parfois quand il est « en rupture de stock ». Mais ce Marocain, plutôt bien organisé, qui est là tous les soirs depuis 12 jours, est venu de Madrid où il habite, avec son « patron et le camion ». Momo, qui n'a « jamais entendu parler de la loi El Khomry » dort avec les autres vendeurs le soir dans un « appartement à Belleville loué 800 € ! ». On ne saura pas combien lui rapporte son petit commerce : « ça dépend des soirs ».

    Plus loin, au pied de la statue, deux Roumains haranguent les jeunes. Cédric, trentenaire, intermittent du spectalcle, « un peu militant » prend deux canettes. « A ce prix là, on ne va pas chipoter ! ». « C'est mieux de vendre de la bière que de faire des braquages et d'aller en prison ! », argumente un des vendeurs. Désignant au loin le cordon de policiers qui font parfois des descentes.

    Au centre de la place, il y a toute une famille « des gitans », précise un vendeur roumain. Sur un tabouret de fortune, la grand mère, fichu sur la tête et jupe longue, face à sa caisse de bières, attend, silencieuse, le client.

    Vers minuit, alors que la place se vide doucement de ses militants après le visonnage d'un film et au terme de débats, des jeunes, sac poubelle à la main, ramassent les canettes qui jonchent le sol au milieu de petites bandes titubantes et bruyantes.

    Les vendeurs à la sauvette, eux, commencent à ranger. Une jeune « gitan » traverse la place de la République, sa table de camping sous le bras, escortée par de jeunes hommes qui portent les caisses vides. Ils chargent le tout dans une voiture garée rue Leon-Jouhaux. Voiture immatriculée en Belgique.