Paris : au Châtelet, prenez votre visa pour la Russie

Une maison de production Londonienne prépare un événement hors norme qui donnera le premier rôle aux Parisiens. Une expérience unique qui se déroulera au Châtelet et au théâtre de la Ville.

 Martine d’Anglejan-Chatillon, productrice exécutive, présente le projet Dau, dans l’ancien bureau du directeur du Châtelet, décoré avec des fresques en référence à Parade, le premier spectacle des Ballets Russes donnés au Châtelet.
Martine d’Anglejan-Chatillon, productrice exécutive, présente le projet Dau, dans l’ancien bureau du directeur du Châtelet, décoré avec des fresques en référence à Parade, le premier spectacle des Ballets Russes donnés au Châtelet. LP/E.L.M.

    La date du voyage pour la Russie de 1938 à 1968 n'est pas encore très sûre. Peut-être en janvier ou en février prochains. Mais déjà, une cinquantaine de personnes y travaillent. Une atmosphère mystérieuse, digne des événements les plus secrets, enveloppe ce projet baptisé DAU. Le décor est planté dans le Châtelet, théâtre fermé pour travaux mais qui semble avoir trouvé une double vie.

    « C'est étrange ? », s'amuse Martine d'Anglejan-Chatillon, productrice exécutive pour Phenom Film, maison londonienne qui tire les ficelles du jeu avec délectation. Dans ses bureaux aménagés dans les coulisses du théâtre, une atmosphère surprenante imprègne immédiatement le visiteur. Deux personnages de silicone, plus vrais que nature, vous accueillent. « Ils seront bientôt une centaine dans tout le théâtre », souligne-t-elle. Dans les pièces transformées en salons aux murs bordeau, le mystère s'épaissit. Des animaux empaillés y sont accrochés, tout comme des affiches soviétiques pour la gloire de Lénine. Meubles d'époque. « Tous ceux qui travaillent au projet doivent être dans l'ambiance », souligne Martine d'Anglejan-Chatillon. Ces bureaux seront l'une des étapes d'un immense jeu de rôle. Nous y sommes.

    Une centaine de personnages en silicone seront intégrés au théâtre. LP/Eric Le Mitouard
    Une centaine de personnages en silicone seront intégrés au théâtre. LP/Eric Le Mitouard LP/E.L.M.

    Quand les portes seront ouvertes, il faudra prendre son visa d'entrée. « Comme en Union soviétique. On vous posera des questions », explique un des organisateurs. Un ordinateur cernera alors votre personnalité. Et le programme de vos prochaines heures au sein du projet DAU vous sera donné… « Pendant un mois, 7 jours sur 7, sans interruption, les participants pourront rester 24 heures d'affilée, vivre pleinement l'expérience, prendre leur repas soviétique et boire de la vodka », commente encore Martine d'Anglejan-Chatillon.

    Youri et Emili sont candidats pour participer à l’événement. Ils attendent dans un décor hors du temps. LP/Eric Le Mitouard
    Youri et Emili sont candidats pour participer à l’événement. Ils attendent dans un décor hors du temps. LP/Eric Le Mitouard LP/E.L.M.

    Le plus visible de l'opération sera ce pont de 15 m de hauts édifié entre le Châtelet et le théâtre de la Ville, lui aussi en travaux et lui aussi intégré à l'événement. A l'intérieur des deux lieux, sept salles de projection seront aménagées. Treize films en russe (de 1 h 30 à 2 h 30), tournées par le metteur en scène de tout cet événement, Ilya Khrzhanovsky, y seront présentés. Pas de sous-titrage. Mais une voix off enregistrée par des vedettes nationales vous sera donnée par des oreillettes. Gérard Depardieu, Isabelle Adjani ou Fanny Ardant y ont contribué. « Chacun des films, dans leur beauté absolue et leur honnêteté incisive, a rempli la promesse que propose la salle obscure d'un cinéma : raconter une histoire lointaine, actuelle, éternelle et faite pour chacun de nous », insiste Fanny Ardant.

    Des films tournés pendant trois ans

    « Ce sont des films d'une grande force, on a l'impression d'assister à la vraie vie », souligne Florent, mixeur des bandes-son. Et pour cause, de 2008 à 2011, Ilya Khrzhanovsky a laissé vivre 400 personnalités, scientifiques, artistes, philosophes du monde entier enfermées dans un institut créé de toutes pièces. « Le plus grand plateau de tournage d'Europe, réalisé à Kharkov, en Ukraine », indique la maison de production. Et détruit une fois les 700 heures de films tournés.

    Retour à Paris. Après la visite des lieux, dont la chambre de la Babouchka, plus vraie que nature, entre les projections, il sera possible aussi de participer à des performances, intégrer un orchestre, participer à une conférence scientifique… ou passer la passerelle au-dessus de la place du Châtelet.

    Ruth Mackenzie, directrice artistique du théâtre du Châtelet assiste à cette métamorphose : « rarement dans son histoire une ville à l'opportunité de marquer le monde entier en présentant une œuvre spectaculaire, innovante, populaire et qui bouleversera l'histoire de l'art ». Une promesse à confirmer dès que Paris aura donné son feu vert.

    La chambre d’une babouchka, plus vraie que nature. LP/Eric Le Mitouard
    La chambre d’une babouchka, plus vraie que nature. LP/Eric Le Mitouard LP/E.L.M.