Paris : dans le XIIe, un futur logement social prive les riverains « d’arbres » et « de lumière »

Un lot de trois futurs immeubles, en bas d’une cité du XIIe arrondissement, agite une partie du voisinage qui s’estime privée de lumière et de verdure. La Ville, elle, argue la nécessité de multiplier les logements sociaux à Paris. Celui-ci sera en plus écologique.

    Ce sont trois petits bâtiments de cinq étages en pleine construction sur une langue de terre, entre une barre HLM et, de l’autre côté de la rue, une rangée d’immeubles privés faubouriens. Les habitants des bâtiments qui entourent l’objet de la discorde, situé rue des Meuniers, derrière le quartier Daumesnil (XIIe) déjà dense en logements sociaux, sont inquiets : le vis-à-vis de certains d’entre eux va considérablement changer.

    Le bailleur social Paris Habitat, donneur d’ordre et propriétaire du lot qui sera livré en 2025, y prévoit 97 nouveaux logements, dont une résidence intergénérationnelle. L’ensemble va se greffer à cette cité de Charenton-Meuniers, qui compte déjà 500 logements. « On nous parle d’écologie, mais la Ville nous coupe des arbres et on nous prive de lumière », se désole Mohammed, qui habite au deuxième étage du HLM d’en face.



    Lui fait partie des plus mal lotis à en croire Nathalie (le prénom a été modifié), une riveraine. « Le plus dur, c’est pour ceux dont les logements donnent rue Meunier, dans les étages bas et qui se tapent l’immeuble à quelques mètres de leurs fenêtres. Ils ont perdu la lumière, de l’air, leur vis-à-vis lointain. Et l’été, ils crèveront de chaud. »

    « Si on s’oppose à toute construction, on ne fait plus rien »

    Dans un Paris où augmenter le nombre de logements est devenu nécessaire, la Ville indique s’employer à faire au mieux. « Si on s’oppose à toute construction, on ne fait plus rien, s’agace Jacques Baudrier, adjoint (PCF) à la maire de Paris en charge du logement. Il nous faut trouver du foncier. Il y a 270 000 personnes qui attendent un logement à Paris, de plus en plus de personnes à la rue. »

    Pas de quoi convaincre SOS Paris, association de défense du patrimoine. « À Paris, on plante un peu et on bétonne beaucoup, avec une prédilection pour les espaces verts des résidences des années 60-70 qui offraient encore le luxe des grands jardins collectifs. Aujourd’hui, la loi permet d’en faire des terrains constructibles. »



    Véronique et Benoît, un couple de retraités propriétaires au 3e étage du 58 de la rue des Meuniers, voit le chantier avancer depuis sa baie vitrée. « C’est normal qu’on construise des logements sociaux, il n’y en a pas assez. Mais le problème, c’est que ça densifie quand même encore Paris. Avant, c’était un parking moche, mais il y avait un espace vert aussi et les oiseaux venaient migrer là. On ne les entend plus le matin. »

    Le jardin collectif de ce site ? « C’était du bitume et un parking immonde avec plein de bagnoles », gronde Jacques Baudrier, qui vante au contraire les nouveaux espaces verts à venir. « On a coupé 10 arbres. On en replante 181 ! »

    Un permis de construire incontestable

    Pour l’élu, les détracteurs du projet « s’opposent par principe à la création de logements sociaux ». « Je ne suis pas contre le logement social, j’en bénéficie moi-même, appuie Mohammed. Mais il ne faut pas construire n’importe quoi et n’importe comment. » Pourtant, « beaucoup de réunions publiques et de concertation avec les riverains ont eu lieu », défend Hélène Schwoerer, directrice générale adjointe de Paris Habitat, chargée de la maîtrise d’ouvrage.

    Certains ont d’ailleurs tenté de contester le permis de construire au tribunal administratif plusieurs fois, en vain : les distances minimales d’un bâtiment à l’autre sont respectées. « Il y a à peu près 8 m réglementaires entre nous, dénombre Mohammed, dont la fenêtre de cuisine qui donne sur le chantier. Mais ce n’est pas le lieu pour construire ici. Moi, je suis écrivain, je travaille chez moi. Il est impossible de travailler. Les gens qui ont acheté en face ne pourront jamais revendre leur appartement, ça fait baisser de moitié le prix du mètre carré. »



    De l’autre côté de la rue, depuis son immeuble privé, Monique, elle, estime « avoir eu du nez » il y a quelques années. « J’ai failli acheter là, juste en face, fin 2020. Un appartement était en vente, au premier étage, à un prix curieusement raisonnable », raconte la Parisienne, selon laquelle il suffisait de se renseigner avant l’achat. « J’ai vu qu’il y avait un chantier prévu. Je me suis renseignée en mairie sur le Plan local d’urbanisme... Et je me suis abstenue ! »