Paris se vide… de ses travailleurs pauvres

Plus que les classes moyennes, ce sont surtout les foyers qui déclarent entre 10 000 euros et 20 000 euros de revenus annuels qui semblent fuir la capitale. Explications.

 Evolution du nombre de foyers déclarant entre 10 000 € et 20 000 € de revenus ayant quitté Paris depuis 2012
Evolution du nombre de foyers déclarant entre 10 000 € et 20 000 € de revenus ayant quitté Paris depuis 2012 LP/Infographie - Anaïs Renaud

    « Paris perd 12 000 habitants par an depuis cinq ans. Essentiellement les classes moyennes », a déclaré Benjamin Griveaux, candidat LREM à la mairie de Paris, au « Parisien » lundi. Nous avons vérifié ses propos en exploitant les données de l'administration fiscale. Et il semble que la population ayant le plus quitté la capitale se situe plutôt entre les plus pauvres et la classe moyenne.

    Les foyers les plus pauvres en baisse de 3%

    Malgré la hausse des loyers et des achats devenus inaccessibles, les foyers déclarant moins de 10 000 € de revenus semblent avoir globalement résisté aux sirènes de l'exode. Aujourd'hui, ils représentent 21 % de la population parisienne. Selon les données de l'administration fiscale, ils étaient 321 000 en 2012 et 310 000 en 2018. Soit une légère baisse de 3 % en six ans.

    Leur répartition est cependant très différente selon les arrondissements. Des baisses particulièrement importantes sont à noter dans le IIe (- 17%), le XIe (15%) et le XXe (- 14%). Inversement, il y a aujourd'hui plus de foyers déclarant moins de 10 000 € par an dans le XIIe, le Ve, le XVe et le XVIe (entre + 3 et + 4%).

    9% de ceux qui déclarent entre 10 000€ et 20 000 € de revenus sont partis

    Ils étaient 313 000 en 2012, ils ne sont plus que 285 000 en 2018. Ils ont des revenus, suffisamment pour payer des impôts, entre 10 000 € et 20 000 € par an, mais peut-être pas assez pour toucher l'ensemble des aides mises à leur disposition par l'Etat, la Région ou la Ville. Parmi eux, la plupart sont des travailleurs pauvres. Ce sont pas moins de 28 000 foyers de ce type qui ont fait leurs valises en six ans.

    Cette tendance touche l'ensemble des arrondissements. Le XVIe a limité la fuite (-3%). L'hémorragie touche surtout le IXe, le Xe (- 11%), le XXe et le IIe (13%), le XIe et le IIIe (15%).

    La classe moyenne relativement épargnée

    La classe moyenne semble s'être globalement accrochée. Qu'il s'agisse de la moyenne française (20 000 €) ou de la moyenne parisienne (28 000 €), les chiffres montrent une relative stabilité, voire une croissance.

    Les foyers déclarant entre 20 000 € et 30 000 € ont baissé de 1%, ceux gagnant entre 30 000 € et 50 000 € ont progressé de 6% entre 2012 et 2018. Pour cette dernière tranche, les seuls arrondissements ayant observé une baisse sont les VIIIe et le XVIe (- 1%).

    Les plus riches affluent

    Il n'y a que 110 000 foyers déclarant plus de 100 000 € de revenus par an. Cette population a pourtant explosé depuis 2012 (+ 20%), date à laquelle ils n'étaient que 91 000.

    Cette catégorie est en hausse dans l'ensemble des arrondissements. Sans surprise, les plus riches affluent au nord-est de Paris. Dans le Xe (+ 48%) et dans le XVIIIe (+ 45%). On y comptait 4 300 foyers fiscaux déclarant plus de 100 000 € en 2018, là où ils n'étaient que 2 900 en 2012.

    Cet arrondissement est au cœur de tous les paradoxes de la capitale : la population très pauvre s'est maintenue depuis 2012 (0%), ceux qui déclarent entre 10 000 € et 20 000 € partent (- 10%) et 3 600 foyers déclarant au-dessus de 50 000 € se sont installés (+ 25%).