Scandaleuse attente devant le tribunal

Scandaleuse attente devant le tribunal

    D'une main elle agrippe le papier portant l'en-tête du tribunal de justice. Avec l'autre, elle tente d'extirper sa carte d'identité de son sac, puis la colle sous le nez du gendarme qui surveille l'entrée du palais. « Je suis convoquée chez le juge des affaires familiales, souffle Nathalie, 35 ans, d'une voix tendue en regardant sa montre où s'affichent 13 h 45. Comme je travaille je n'ai pas pu arriver en avance et je dois y être dans un quart d'heure. Puis-je entrer sans faire la queue ? »

    Devant elle, la file d'attente d'une trentaine de mètres semble stagner sur le boulevard du Palais. Mais rien à faire. L'homme en uniforme « regrette », mais ne « peut pas faire autrement » : Nathalie doit faire la queue. Comme les autres justiciables venus comparaître ou témoigner. Et comme les touristes venus photographier la Sainte-Chapelle, monument historique qui partage la même entrée que le tribunal. Pour tout le monde, ce sera quarante-cinq minutes d'attente.

    « Nous avons pourtant fait des travaux pour fluidifier l'entrée du public, indique la présidence du palais de Justice qui précise que 13 000 personnes en moyenne se rendent chaque jour au tribunal de l'île de la Cité. Il existe depuis fin janvier deux files d'attente : l'une pour les touristes, l'autre pour les personnes convoquées au tribunal. 600 000 â?¬ ont été dépensés pour refaire toute l'entrée. » « Je n'ai pourtant vu aucune différence, réagit un jeune d'une vingtaine d'années, encapuchonné et écouteurs dans les oreilles, qui patiente au côté de Nathalie. Je pointe ici tous les quinze jours depuis deux mois. A chaque fois j'attends une heure et c'est l'enfer ! »

    Il pleut. Les parapluies s'ouvrent, certains attendent depuis trente minutes, la tension est palpable. On se marche sur les pieds. « Ce n'est pas en poussant que vous avancerez plus vite », lance une jeune femme agacée. Un avocat fait signe à ses clients de doubler. « C'est dégueulasse, lâche un homme, dont l'élégant costume tranche avec le vocabulaire. Moi aussi je suis convoqué. Bravo la justice française ! » C'en est trop pour Nathalie. Il est maintenant 14 h 30, le juge l'attend depuis une demi-heure. « Je suis sûre que ça va jouer en ma défaveur, redoute-t-elle, les yeux brillants. Je vais craquerâ?¦ » Juste derrière, deux touristes américaines ouvrent de grands yeux. La mère, qui comprend quelques mots de français, explique la situation à sa fille. Puis conclut. « Tout cela n'est-ce pas un peu ridicule ? »