VIDEO. Paris : une infirmière licenciée pour... meurtres

Justice. Aux prud'hommes de Paris, une infirmière en maison de retraite conteste son licenciement par la direction qui l'accuse de deux euthanasies, jamais signalées à la justice.

VIDEO. Paris : une infirmière licenciée pour... meurtres

    Ce matin, Chantal B. saura si le conseil de prud'hommes de Paris valide la procédure de licenciement dont elle fait l'objet depuis 2010. Une procédure que conteste cette ancienne directrice adjointe d'une maison de retraite médicalisée de la capitale, gérée par une association privée.

    A priori, un conflit de travail banal. Sauf que les motifs mis en avant par l'employeur ne le sont pas : l'association accuse Chantal B. d'avoir... tué une patiente en 2006, voire une seconde en 2004. Des incriminations très graves qui n'ont pourtant jamais donné lieu à un quelconque signalement pénal, comme l'oblige la loi. « Cela prouve bien que ces accusations sont grotesques », assène M e Philippe Valent, l'avocat de Chantal B.

    VIDEO. A la Une. «Une infirmière licenciée pour meurtre»

    Infirmière de formation, Chantal B. travaillait dans cet établissement depuis mars 2002. « A compter du mois de juillet 2010, une série d'informations extrêmement alarmantes a été fournie à l'association [...] sur les conditions dans lesquelles M me Chantal B. se comportait depuis plusieurs années », écrit M e Jean-François Segard, l'avocat de l'employeur, dans ses conclusions devant les prud'hommes. Deux griefs principaux sont retenus : « un comportement personnel inacceptable » et « des pratiques de management [...] très sujettes à caution ».

    Mais deux décès, en 2006 et 2004, figurent en première ligne des motifs de licenciement. Des accusations qui reposent sur une enquête interne diligentée par la direction et alimentée par plusieurs attestations écrites.

    Ainsi le témoignage de cette auxiliaire de vie rédigé à l'été 2010, à propos de la prise en charge, en avril 2006, de M me A., une pensionnaire en détresse respiratoire : « M me B. a débranché l'oxygène. Je lui ai demandé la raison de cette décision et elle m'a répondu : mais enfin, ça ne sert à rien, et on m'a demandé de sortir de la chambre. » L'auxiliaire de vie explique alors qu'elle revient vers la chambre : « J'ai poussé légèrement la porte et j'ai vu M me B. appuyer l'oreiller sur le visage de M me A. » Quelques secondes plus tard, elle raconte avoir constaté le décès de la pensionnaire.

    Une aide-soignante a raconté un épisode datant de 2004, à propos d'une autre patiente : « La directrice (NDLR : M me B.) a pris un petit coussin et l'a mis sur le visage de cette résidente sans appuyer son geste, je le précise [...] Je suis sortie de cette chambre, la patiente était vivante [...] Nous avons fait la toilette mortuaire de cette dame à peu près deux heures plus tard. »

    Pour M e Valent, qui dénonce une enquête interne « sans valeur et réalisée sans le respect du contradictoire », ces accusations sont « aberrantes ». Et l'avocat de s'interroger sur l'absence d'alerte du parquet, malgré des témoignages a priori aussi accablants. La situation est tellement ubuesque que c'est M e Valent, lui-même, qui a sollicité les services du procureur : en portant plainte pour dénonciation calomnieuse. L'enquête préliminaire ouverte dans la foulée est toujours en cours mais n'avance guère.

    Le silence de l'association vis-à-vis du parquet interpelle. Dans ses conclusions, M e Segard explique que la question d'un signalement s'est posée mais que, compte tenu de l'état de santé de Mme B. (NDLR : elle souffre d'un cancer), décision aurait été prise de s'en remettre à l'avis de l'agence régionale de santé (ARS). Or, selon M e Segard, la suspension de M me B. aurait suffi à contenter l'autorité de tutelle : « Il n'a donc pas été envisagé par l'ARS de donner une suite pénale au dossier », affirme l'avocat dans ses conclusions.

    Mais du côté de l'ARS, on ne l'entend pas ainsi. « Nous n'avons aucune trace d'un tel signalement », indique un porte-parole de l'agence qui s'étrangle : « Vous imaginez bien que, face à de tels soupçons, on aurait évidemment alerté le procureur ! »

    Contactés, ni M e Segard ni la direction générale de l'association qui employait Chantal B. n'ont donné suite à nos appels.