Candidate LREM voilée en campagne pour les départementales : que dit la loi ?

Sara Zemmahi, candidate remplaçante LREM pour les départementales, se retrouve au cœur d’un débat dans son parti sur le port du voile après avoir porté son foulard sur une affiche de campagne. La loi l’y autorise parfaitement.

Une polémique a éclaté mardi au sujet d'une candidate LREM voilée.
Une polémique a éclaté mardi au sujet d'une candidate LREM voilée.

    Sara Zemmahi coche toutes les cases des candidats « de la société civile », souvent vantée par La République en Marche (LREM). Ingénieure qualité, engagée dans une association, elle est remplaçante sur une liste d’un canton de Montpellier (Hérault). La jeune femme a pourtant un tort pour le chef de son parti : porter le voile sur la photo de son affiche de campagne. Ce cliché pourrait coûter son investiture à cette liste, comme l’a tweeté Stanislas Guérini. Mais que dit la loi ? Le Parisien fait le point.

    À l’origine de cette polémique, un tweet du numéro deux du Rassemblement national, Jordan Bardella. « C’est cela la lutte contre le séparatisme ? », demande-t-il à Marlène Schiappa, ministre déléguée à la Citoyenneté, photo à l’appui de la candidate LREM, prise avec ses colistiers dans un canton de Montpellier.

    Loin d’éteindre la mèche allumée par Jordan Bardella, Stanislas Guérini, chef des marcheurs, l’a ravivée, en répondant à cette invective lundi soir, sur Twitter (ce qu’il a ensuite regretté, NDLR) : « Les valeurs portées par LREM ne sont pas compatibles avec le port ostentatoire de signes religieux sur un document de campagne électorale. Soit ces candidats changent leur photo, soit LREM leur retirera leur soutien », assure le marcheur.

    Dans les nombreuses réponses, certains, et notamment cette membre du RN, s’interrogent sur la légalité du port du voile sur ces affiches.

    Comme le rappelle Romain Rambaud, professeur de droit public à l’université Grenoble Alpes, et spécialiste du droit électoral, il n’y a aucune interdiction à porter un voile sur une affiche de campagne. « Il y a des jurisprudences qui ont tranché ce point en disant qu’il n’y avait pas de problème. Le principe de laïcité ne s’applique pas aux candidats. Ils peuvent utiliser leur liberté de religion et porter le voile », note-t-il.

    Une décision du conseil d’Etat en 2010

    Les choses seraient-elles différentes si la suppléante était élue ? « A l’intérieur de l’assemblée en tant que conseillère municipale, il n’y a pas d’obligation de neutralité, même s’il y a des réticences sur ce sujet. Il n’y a que si elle a une fonction administrative, de représentation de l’Etat, que le port du voile n’est pas possible », répond Romain Rambaud.

    La précédente candidature d’une jeune femme voilée sur la liste du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) pour les élections régionales de 2010 en PACA avait contraint le conseil d’Etat à se prononcer sur la question.

    Dans une décision du 23 décembre 2010, la plus haute juridiction administrative avait estimé que « la circonstance qu’un candidat à une élection affiche son appartenance à une religion est sans incidence sur la liberté de choix des électeurs ». « Aucune norme constitutionnelle, et notamment pas le principe de laïcité, n’impose que soit exclues du droit de se porter candidates à des élections des personnes qui entendraient, à l’occasion de cette candidature, faire état de leurs convictions religieuses », selon l’arrêt.

    Discrimination ou « expression d’une ligne politique » ?

    Le débat est en réalité politique, comme l’a reconnu Gabriel Attal ce mardi matin. « Aujourd’hui, juridiquement, rien n’empêche à une personne de se présenter avec un signe religieux, en l’occurrence un voile », a-t-il affirmé, à l’appui d’une jurisprudence ancienne du conseil d’Etat. « Ce qu’a dit Stanislas Guerini, c’est que pour la République en marche, on ne souhaite pas présenter de candidat qui s’affiche sur des documents de campagne avec un signe ostensible religieux, c’est une question de choix politique ».

    Stanislas Guérini laisse ainsi deux choix aux candidats : retirer la photo ou perdre l’investiture. « En France ce sont les candidats qui se portent candidats : vous déclarez une étiquette politique. Ce n’est pas le parti qui présente ses candidats, il reste libre et peut retirer son soutien », souligne Romain Rambaud.

    Au risque d’être accusé de discrimination ? « Il n’y a pas de jurisprudence dans ce sens-là. Il faudrait que la candidate attaque LREM. Mais on assisterait sûrement à un beau débat de fond. Est-ce une discrimination, ou l’expression d’une ligne politique qui constituerait à dire qu’on est contre le port ostentatoire de signes religieux ? », s’interroge le spécialiste du droit. Chose certaine selon lui, les candidats ne peuvent pas retirer leurs candidatures, le délai de dépôt des candidatures étant passé depuis le 5 mai.