Vivement interpellé à la Salpêtrière, Macron se livre à un mea culpa sur l’hôpital

Le président s’est rendu dans l’hôpital parisien pour se livrer à un mea culpa sur la politique de la santé. « On a sans doute fait une erreur dans la stratégie annoncée », a-t-il lancé.

    Le président Emmanuel Macron s'est rendu vendredi matin à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, au cinquième jour du déconfinement. Il a assuré qu'il fallait « mettre fin » à la « paupérisation » des personnels soignants et s'est surtout livré à un mea culpa.

    Accompagné du ministre de la Santé Olivier Véran, il a notamment rencontré des responsables syndicaux avant de visiter un service. « Monsieur le Président, vous avez suscité un magnifique espoir chez les gens, un retour en arrière ne sera pas accepté », a lancé le Pr Dominique Thabut, cheffe de service hépatologie, résumant les difficultés exprimées lors de la réunion par plusieurs de ses collègues.

    « Il faut mettre fin à cette paupérisation », a réagi le chef de l'Etat, en revenant sur la réforme du système de santé engagée il y a deux ans. « On a sans doute fait une erreur dans la stratégie annoncée » car elle ne « portait pas assez de sens » et avait une « ampleur » et un rapport au temps « pas du tout suffisants compte tenu de l'état où était l'hôpital », a-t-il affirmé.

    « C'est très cruel pour moi-même »

    « J'étais convaincu qu'on était en train de changer les choses » et « c'est très cruel pour moi-même », a-t-il ajouté, jugeant que « c'était une super stratégie mais à faire dix ans plus tôt ». Mais « je n'ai pas envie non plus qu'on revienne à l'étape d'avant », a-t-il ajouté. C'est pourquoi « oui, on va investir », a promis Emmanuel Macron qui a affirmé avoir « demandé au ministre un travail express » sur le sujet. « C'est un investissement et pas une dépense », a-t-il estimé, alors qu'une infirmière lui a réclamé « du flouze, du pèze, de la fraîche : on veut de l'argent ! » « Oui, on va investir », a promis le chef de l'Etat. « On sera au rendez-vous », a-t-il insisté, affirmant avoir demandé au ministre de la Santé, Olivier Véran, « un travail express » sur le sujet.

    Une fois de plus, les journalistes n'avaient pas été prévenus de ce déplacement surprise. La visite s'est effectuée sans caméra, mais la vidéo d'un échange tumultueux entre le président et des soignantes a été diffusée sur Twitter par une journaliste de BFMTV.

    « Il a fallu le Covid pour que vous réagissiez »

    On peut y voir Emmanuel Macron, poings serrés, répondre à deux infirmières qui se disent « désespérées » par la dureté de leur profession et l'interrogent sur la revalorisation de leurs salaires. « Je constate que ça ne va pas assez vite et qu'on n'a pas répondu à une partie des attentes qui sont légitimes […] Ne dites pas que je vous ai déçues, je ne vous ai pas promis une prime », a insisté le chef de l'Etat.

    « Il a fallu le Covid pour que vous réagissiez, ce n'est quand même pas normal », renchérit alors l'une des deux jeunes femmes. « Ce n'est pas vrai », tente-il de se défendre, sous un flot de reproches des soignantes, dont l'une l'interroge : « Pourquoi est ce que je travaille avec un masque périmé depuis 2001 ? » La vidéo s'est finalement terminée sans que l'on ne sache si le président a pu répondre à cette interrogation.

    Emmanuel Macron s'était déjà rendu le 27 février à la Pitié-Salpêtrière, où était décédé la veille le premier Français victime du coronavirus. Lors de cette visite, il avait été interpellé sur la crise de l'hôpital. « Je serai au rendez-vous, on va se voir, avait assuré le chef de l'Etat. Vous pouvez compter sur moi pour qu'on agisse ensemble ».

    VIDÉO. Macron interpellé en février : « Vous pouvez compter sur nous… l'inverse reste à prouver »

    Le président s'est entretenu pendant deux heures par visioconférence jeudi avec des médecins hospitaliers, promettant « d'aller plus vite » notamment pour revaloriser les rémunérations et les carrières, selon l'Elysée. Certains soignants protestent contre des annonces trop faibles. Une prime va être versée, le décret est paru ce vendredi au Journal officiel, et le chef de l'Etat a annoncé il y a quelques jours qu'un hommage serait rendu aux soignants le 14 juillet et qu 'ils recevraient une médaille « comme toutes les personnes qui se sont dévouées pendant la crise du Covid-19 ». Cette médaille fait grincer des dents.

    À la Pitié-Salpêtrière, les soignants ont longuement témoigné de leurs conditions de travail dégradées. « Ce ne sont pas des petites augmentations qui feront les choses, il faut un choc salarial », a assuré le Pr Thomas Similowski, chef du service de pneumologie, en soulignant qu' » une infirmière qui commence est à la limite de la pauvreté ».

    Le ministre « met les pieds dans le plat » sur les 35H

    Cadre médical, Nathalie Nion a témoigné des « ménages » (prestations hors de l'hôpital) que font certains soignants, « alors que ce n'est pas réglementaire, parce que les salaires sont insuffisants pour vivre, notamment à Paris ».

    « N'est-ce pas incohérent de maintenir les 35 heures alors que certains, pour gagner plus, travaillent en dehors en toute illégalité ? », a alors lancé Olivier Véran. Le ministre s'est interrogé sur le maintien du « cadre unique de la fonction publique », avouant mettre « les pieds dans le plat » et assurant qu'il ne s'agissait pas « de tout faire exploser ».

    « Il ne faut pas que cette crise soit une parenthèse enchantée, il faut passer à système stable où tout le monde se reconnaîtra », a affirmé le patron de l'AP-HP Martin Hirsch, en rappelant la longue grève qu'ont connue les urgences l'an dernier.