Déconfinement, écoles, masques… Ce qu’il faut retenir de l’intervention d’Édouard Philippe

Le Premier ministre a tenu une conférence de presse ce dimanche aux côtés du ministre de la Santé, Olivier Véran.

 Edouard Philippe a esquissé les contours des modalités du déconfinement qui débutera le 11 mai.
Edouard Philippe a esquissé les contours des modalités du déconfinement qui débutera le 11 mai. AFP/Pool/Thibault Camus

    Le 13 avril, lors d'une allocution suivie par un record de 37,5 millions de Français, Emmanuel Macron avait surpris en annonçant la date du début du déconfinement, prévu le 11 mai. En pleine épidémie de coronavirus, sa mise en œuvre sera progressive. Le chef de l'Etat avait ainsi annoncé la réouverture des écoles et des crèches, avec des aménagements. Il avait également fait savoir que des masques grand public seraient mis à la disposition de tous les Français et que des aides à destination des familles modestes et des étudiants précaires seraient mises en place.

    Au chef de l'Etat d'annoncer la marche à suivre, au Premier ministre de la mettre en œuvre. Ce dimanche, Édouard Philippe, accompagné du ministre de la Santé Olivier Véran, a ainsi tenu une conférence de presse pour apporter quelques précisions sur les modalités de ce déconfinement, afin de poursuivre l'exercice de « transparence » que le ministre dit vouloir porter. Voici ce qu'il faut retenir de cette prise de parole.

    « Apprendre à vivre avec le virus »

    « L'espoir renaît mais nous ne sommes pas sortis de la crise sanitaire », a prévenu d'emblée Édouard Philippe, reprenant les mots du président de la République. « Beaucoup aimeraient que j'entre dans le détail de ce qui va se passer le 11 mai et les mois qui suivront », a-t-il convenu. Mais « ce que je veux détailler, ce sont les principes que nous avons retenus pour élaborer ce plan ». Le retour « à la vie d'avant » ne s'effectuera « probablement pas avant longtemps », a-t-il tenu à préciser.

    Ce dernier sera donc progressif, pour « préserver la santé des Français », tout en assurant « la continuité de la vie de la nation ». « Nous devons suivre deux conditions essentielles : rétablir la capacité d'accueil des hôpitaux et maîtriser la circulation du virus », a encore expliqué Édouard Philippe. Et de poursuivre : « Nous allons devoir apprendre à vivre avec le virus […] La population n'est pas immunisée », évoquant entre 2 et 6 millions le nombre de citoyens ayant été en contact avec le virus. Loin, très loin de l'immunité collective.

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    Le télétravail maintenu autant que possible

    Inutile d'imaginer tous les Français retourner sur leur lieu de travail dès le 11 mai. Edouard Philippe l'a fait très clairement savoir : le télétravail devra se poursuivre « dans toute la mesure possible ». Lorsque ce ne sera pas le cas, les gestes barrière et la distanciation sociale devront absolument être respectés.

    « Beaucoup de nos concitoyens se sont mis […] au télétravail, beaucoup peuvent le faire, beaucoup ont pu profiter de cette possibilité. Il va falloir que ce télétravail se poursuive dans toute la mesure du possible », a-t-il dit précisément.

    Des masques obligatoires dans les transports ?

    À défaut de traitement efficace, ne reste selon Édouard Philippe qu'un seul instrument : la prévention. Le Premier ministre a donc appelé au respect le plus absolu des gestes barrières, couplé à la mise à disposition des masques grand public.

    Les masques grand public viendront en complément du respect des gestes barrière, a complété Olivier Véran. L'industrie textile sera mobilisée pour produire 17 millions de ces masques d'ici le 11 mai. Ils devront permettre de filtrer des gouttelettes contenant le virus. Ces masques seront lavables et réutilisables entre 5 et 30 fois. Edouard Philippe a jugé probable que le port de ces masques dans les transports publics soit obligatoire après le 11 mai.

    Vacances d'été à l'étranger ? «Pas raisonnable»

    Interrogé sur la possibilité pour les Français de voyager à l'issue du confinement, Le Premier ministre a appelé à la responsabilité de chacun. Il déconseille fermement de prévoir des voyages loin de la France lors des vacances estivales. Pour lui, une telle décision ne serait tout simplement pas « raisonnable » au vu de l'ampleur de la crise sanitaire.

    Multiplication des tests virologiques

    Édouard Philippe a aussi confirmé la nécessité de multiplier les tests pour toutes les personnes à risque. « Nous allons devoir tester beaucoup, vite », a-t-il prévenu, ajoutant que toutes les personnes dépistées positives devront immédiatement être isolées.

    Aujourd'hui, 150 000 tests virologiques sont effectués chaque semaine en France. L'objectif fixé est d'atteindre la barre des 500 000 tests par semaine. S'agissant des tests sérologiques, les tests sont toujours en cours d'évaluation, certains tests semblant présenter un haut niveau de faux positifs.

    Le confinement a « fonctionné »

    Après avoir justifié le déconfinement mis en œuvre le 17 mars et salué, chiffres à l'appui, son respect par les Français, Édouard Philippe a présenté le fameux plateau du nombre de malades en réanimation, qui a permis de limiter la progression du nombre de patients admis. « Après avoir atteint le pic, nous diminuons progressivement le nombre de malades hospitalisés. La diminution est lente, progressive, certaine. Elle devrait se poursuivre si et seulement si le confinement est respecté dans les semaines qui viennent. » Le confinement a « fonctionné », se félicite-t-il.

    Confinement à domicile ou à l'hôtel

    À compter du 11 mai, les personnes qui seront dépistées positives au covid-19 pourront choisir de se confiner à domicile, avec leur famille, ou dans les hôtels mis à disposition pour la gestion de l'épidémie.

    «Les écoles ne rouvriront pas partout le 11 mai»

    C'est l'un des sujets les plus importants de ce déconfinement puisqu'il débutera par là : comment se déroulera la réouverture des écoles? Celle-ci sera progressive : « Les écoles ne rouvriront pas partout le 11 mai, mais nous devons commencer à rouvrir les écoles », a défendu Édouard Philippe.

    Le Premier ministre justifie cette réouverture du fait des inégalités pour accéder à l'instruction, générées par le confinement. Selon lui, de nombreux enfants sont aujourd'hui privés d'un accès satisfaisant à l'enseignement. Les écoles pourraient ouvrir de façon plus rapide et plus large dans les territoires les moins touchés par l'épidémie.

    Autres pistes évoquées : l'accueil de « moitiés de classes » ou l'utilisation d'espaces plus larges que les salles de classe. Des arbitrages doivent encore être rendus.

    Un droit de visite «encadré» dans les Ehpad

    Le ministre de la Santé a consacré une partie de sa prise de parole sur la situation dans les Ehpad, au sein desquels des renforts humains ont été déployés, par le recours à des étudiants notamment. À ce jour, 45 % des établissements ont annoncé au moins un cas. Pour avoir une bonne visibilité de la situation, les tests de dépistages doivent s'y multiplier. 50 000 tests ont été réalisés cette semaine dans les Ehpad, a fait savoir Olivier Véran, qui a annoncé la généralisation du droit de visite, à la demande du résident et limité à deux personnes par résident.

    VIDÉO. Un « droit de visite » sera accordé dans les Ehpad dès lundi

    Aucun contact physique ne sera admis avec les personnes âgées. Ce dispositif s'appliquera également aux établissements pour personnes handicapées.

    Pas de décision pour les municipales

    Ce dimanche, Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, avait fait savoir que le second tour des élections municipales se tiendrait sans doute après l'été. Interrogé à ce sujet, Edouard Philippe a franchement nuancé cette prise de parole.

    Le Premier ministre a ainsi rappelé que la décision sera prise le 23 mai prochain et pas avant, comme cela avait été annoncé initialement. « La loi a prévu un système dans lequel le 23 mai, pas avant, pas après, nous dirons si le second tour peut se tenir à la fin du mois de juin, a-t-il expliqué. Aujourd'hui, je ne sais pas si les élections pourront se tenir à la fin du mois de juin. »

    Tensions sur les masques FFP2

    Au début de l'épidémie, la France disposait d'un stock de 117 millions de masques destinés au milieu hospitalier, avec une capacité de production de quatre millions de masques en janvier. Cette capacité a doublé aujourd'hui pour atteindre les 8 millions de masques.

    Le Premier ministre a concédé les difficultés pour importer des masques, notamment en provenance de Chine, se félicitant tout de même d'avancées cette semaine, les importations ayant selon lui largement dépassé cette semaine les besoins de masques dans les hôpitaux.

    Olivier Véran s'est chargé des mauvaises nouvelles, en reconnaissant des tensions pour la mise à disposition de masques FFP2. Le ministre de la Santé a exprimé par ailleurs des inquiétudes sur les médicaments de réanimation, dont la consommation a augmenté de plus de 2000 % dans le monde.

    De nombreuses inconnues sur le virus

    Florence Ader, infectiologue à l'hôpital de la Croix-Rousse de Lyon, a pour sa part été chargée de détailler les connaissances sur le virus, et les inconnues qui perdurent. Les scientifiques ne savent toujours pas pourquoi les hommes sont davantage touchés que les femmes, et pourquoi les enfants semblent peu touchés. Les spécialistes ne sont à ce jour pas en mesure de savoir si la contamination de la maladie est immunisante. Cette donnée est essentielle dans la perspective du déconfinement, dans le cas où les autorités espèrent compter sur l'immunité collective. Au niveau de la recherche, plus de trente études ont été lancées dans le pays, portant sur 1 600 patients.

    Une économie plombée

    « Ce sera la plus forte récession connue en France depuis 1945 », a prévenu Édouard Philippe, reprenant les perspectives tracées dans le projet de loi finances rectificatif. Une croissance en chute libre, de 8 % en 2020. Pendant le confinement, l'activité économique baisse de 36 % au global, de 43 % dans l'industrie, 88 % dans la construction et même 90 % dans l'hébergement et la restauration.

    Pour faire face, 24 milliards d'euros ont été débloqués pour financer le chômage partiel, qui concerne quelque 9 millions de salariés en France. Une enveloppe de 300 milliards d'euros sert à financer des prêts garantis par l'Etat. Sept autres milliards sont dédiés au fonds de solidarité, qui a fait l'objet d'un million de demandes.

    VIDÉO. L'intervention d'Édouard Philippe sur la stratégie de déconfinement du gouvernement (en intégral)