Marine Le Pen lance des emprunts «patriotiques» pour ne plus dépendre de son père

FINANCEMENT DE CAMPAGNE. Marine Le Pen a lancé ce jeudi un site visant à récolter des fonds qu'elle s'engage à rembourser. Un moyen de contourner les banques et son père Jean-Marie Le Pen, qui reste l'argentier du parti. 

La présidente du Front national Marine Le Pen lors d'une conférence de presse à Hénin-Beaumont, le 19 mai 2017
La présidente du Front national Marine Le Pen lors d'une conférence de presse à Hénin-Beaumont, le 19 mai 2017 (AFP/Philippe HUGUEN)

    Une Marianne bleu blanc rouge entourée d'un label « emprunt patriotique ». Et cette phrase, qui deviendra bientôt slogan : « votre argent est une armée qui dort ». Marine Le Pen a annoncé ce jeudi, sur Europe 1 et par le biais d'une vidéo promotionnelle, le lancement d'un site internet permettant aux sympathisants du Front national de prêter de l'argent au parti.

    Ni les banques françaises, ni les banques étrangères ne prêtent de l'argent au Front national, a affirmé sa présidente : « à l'heure où je vous parle, aucune banque n'a souhaité nous prêter des fonds » pour les législatives, a déploré Marine Le Pen sur Europe 1. Le principe du site « l'Emprunt patriotique » est de « recourir aux Français qui ont de l'épargne et qui souhaitent faire fonctionner la démocratie en prêtant au Front national pour ces élections législatives », a précisé l'eurodéputée FN.

    Le FN et l'argent... Au-delà des aspects les plus sulfureux de la légende de Jean-Marie Le Pen, qui acquit sa fortune grâce à l'héritage des cimenteries Lambert, le FN, à l'en croire, a toujours souffert de la crainte des banques de prêter de l'argent à des candidats mauvais pour leur image. C'est en tout cas l'argument qu'utilisait Marine Le Pen il y a peu pour justifier d'avoir emprunté, en avril 2014, 2,2 millions d'euros à un holding chypriote détenu par un ancien membre du KGB devenu banquier.

    A l'automne dernier encore, faute de trouver une banque française pour financer sa campagne présidentielle, Marine Le Pen avait dû se tourner vers son père, à qui, officiellement, elle n'adresse pourtant plus la parole. Le patriarche avait mis la main à la poche de son micro-parti Cotélec pour consentir un prêt de 6 millions d'euros. Prêt remboursé puisque tous les frais de campagne de la candidate, qualifiée pour le second tour, seront remboursés par l'Etat dans une limite de 22 millions.

    Le micro-parti Cotélec – anciennement appelé « Cotisations électorales Le Pen », est le créancier historique du Front, l'outil qui a permis à Jean-Marie Le Pen, malgré la rupture avec sa fille et les rendez-vous dans les prétoires, de garder la main sur un point névralgique : l'argent. Cotélec fonctionne comme une banque. En décembre 2015, la quasi-totalité des candidats frontistes avaient bénéficié d'une avance de fonds pour faire campagne. Ils avaient remboursé le micro-parti avec 7% d'intérêts. Quant aux prêteurs, ils avaient été remboursés avec 3% d'intérêts.

    Pour 75000 euros prêtés, un diner privé avec Marine Le Pen

    C'est cette rémunération que propose l'Emprunt patriotique, « un taux particulièrement attractif de 3% sur douze mois », vante le site. Sans parler de la « reconnaissance personnelle » promise à tout bienfaiteur qui « recevra une lettre de remerciements signée de la main de Marine Le Pen ainsi qu'un certificat nominatif témoignant de la reconnaissance » du Front.

    Et ce ne sont pas des petites sommes que Marine Le Pen espère récupérer. Ainsi promet-elle aux « compatriotes les plus fortunés » qui prêteraient plus que 75 000 euros de partager un dîner privé avec elle. Une technique de levée de fonds à l'américaine qui permet de contourner les fameux plafonds fixés par la loi, ces derniers ne concernant que les dons... et non les emprunts.

    La manne n'est pas négligeable : en 2012, année de présidentielle, Cotélec avait récupéré 256 000 euros de dons et près de 3 millions de prêts.

    Si la démarche prend auprès des sympathisants frontistes, elle aura aussi le mérite de couper le dernier pouvoir de Jean-Marie Le Pen au sein du parti qu'il a cofondé. Début décembre, Nicolas Bay avait demandé aux sympathisants du Front de ne plus prêter à Cotélec, pour forcer le « Menhir » à mettre la main à la poche, ce qu'il avait fait quelques semaines plus tard, après trois mois de négociation.